Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Gujan-Mestras à lui verser une somme globale de 12 465 euros en réparation des préjudices subis en raison des fautes commises par la commune de Gujan-Mestras.
Par un jugement n° 2005722 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 10 mars 2023, 27 juin 2023 et 16 avril 2024, Mme A..., représentée par Me Despujol, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 janvier 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de condamner la commune de Gujan-Mestras à lui verser une somme globale de 11 455 euros en réparation des préjudices subis en raison des fautes commises par la commune de Gujan-Mestras ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Gujan-Mestras la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa créance n'est pas prescrite ; le délai de prescription n'a pas été interrompu par la demande d'expertise présentée devant le juge judiciaire des référés en 2018 ;
- en manquant à ses obligations en matière de police des funérailles et des cimetières, la commune de Gujan-Mestras a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- le préjudice matériel résultant directement de la faute s'élève à 6 455 euros, à savoir, d'une part, les frais relatifs aux mesures préparatoires comprenant la fourniture d'un cercueil en chêne pour un montant de 1 705 euros et, d'autre part, deux séances par mois de suivi psychologique à 60 euros pendant quatre ans, pour un montant de 5 760 euros ;
- le préjudice moral subi doit être réparé à hauteur de 5 000 euros.
Par des mémoires en défense enregistrés les 11 mai 2023 et 17 mars 2024, la commune de Gujan-Mestras, représentée par Me Borderie, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- Mme A... ne lui a adressé sa réclamation préalable indemnitaire que le 10 août 2020, alors que les faits remontent au mois d'avril 2015 ; dès lors la créance est prescrite ; le délai de prescription n'a pas été interrompu par la demande d'expertise présentée devant le juge judiciaire des référés en 2018 dès lors que cette demande n'est pas en lien avec le fait générateur de l'obligation de réparation fondée sur la responsabilité invoquée du maire pour faute dans l'exercice du pouvoir de police des funérailles et des cimetières ;
- aucune faute ne lui est imputable ;
- l'existence d'un lien direct de causalité entre la faute alléguée et les dommages invoqués n'est pas établie ;
- la réalité des préjudices allégués n'est pas démontrée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vincent Bureau,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- et les observations de Me Valdès, représentant la commune de Gujan-Mestras.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a fait inhumer son époux en " pleine terre ", le 13 novembre 2014, au sein du cimetière de la Forêt à Gujan-Mestras, dans une concession temporaire de quinze ans qui lui a été accordée par décision du maire de la commune du 7 novembre 2014. Afin de faire réaliser un caveau, elle a sollicité une autorisation d'exhumer le corps de son époux, laquelle lui a été accordée par décision du 24 mars 2015. Cette exhumation, prévue le 3 avril 2015, n'a pu être réalisée en raison de la présence d'eau et de la profondeur de creusement de la tombe. Mme A... a, par la suite, fait réaliser des travaux, consistant en la construction d'un caveau " par-dessus le cercueil en installant une trappe ". Elle a saisi le tribunal judiciaire d'Arcachon en faisant assigner la société Centre funéraire du Bassin, entreprise ayant procédé à l'inhumation de son époux, et la société Reynal, en charge de son exhumation, pour non-conformité et manquements et recherche de responsabilités et a, dans ce contexte, sollicité la désignation d'un expert. Par ordonnances des 30 mars 2018 et 31 juillet 2018, le juge judiciaire a désigné un expert technique, puis un sapiteur, afin d'exhumer le cercueil pour déterminer l'état du corps. Par une ordonnance du 9 novembre 2018, le juge judiciaire a rendu la procédure d'expertise opposable à la commune de Gujan-Mestras. Les experts ont rendu leurs rapports les 3 juin et 31 juillet 2019. Par un courrier du 10 août 2020, Mme A... a formé une réclamation préalable indemnitaire auprès de la commune de Gujan-Mestras, laquelle a été implicitement rejetée. Mme A... relève appel du jugement du 12 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Gujan-Mestras à l'indemniser des préjudices subis à raison d'une faute du maire de la commune dans la mise en œuvre de son pouvoir de police des funérailles et des cimetières.
2. Aux termes de l'article L. 2213-8 du code général des collectivités territoriales : " Le maire assure la police des funérailles et des cimetières. ". Aux termes de l'article L. 2213-9 du même code : " Sont soumis au pouvoir de police du maire le mode de transport des personnes décédées, le maintien de l'ordre et de la décence dans les cimetières, les inhumations et les exhumations, sans qu'il soit permis d'établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort. ". Aux termes de l'article R. 2213-40 de ce code : " Toute demande d'exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte. Celui-ci justifie de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle il formule sa demande. / L'autorisation d'exhumer un corps est délivrée par le maire de la commune où doit avoir lieu l'exhumation. (...). ". Aux termes de l'article R. 2213-42 de ce code : " (...) Lorsque le cercueil est trouvé en bon état de conservation au moment de l'exhumation, il ne peut être ouvert que s'il s'est écoulé cinq ans depuis le décès. Lorsque le cercueil est trouvé détérioré, le corps est placé dans un autre cercueil ou dans une boîte à ossements. ".
3. Il résulte de l'instruction, notamment des conclusions de la société Reynal, en charge de procéder à l'exhumation du corps le 3 avril 2015, que cette opération n'a pu être réalisée " dans des conditions décentes " dès lors que le cercueil, qui " a séjourné durant plus de 5 mois dans une forte humidité ", était " dégradé et rempli d'eau " et que, dans ces conditions, " l'exhumation du corps moins de 6 mois après sa mise en terre, aurait manifestement été de nature à porter atteinte au respect du défunt ".
4. Pour établir la faute de la commune, Mme A... se fonde sur le rapport d'expertise susmentionné, lequel indique " que la responsabilité est du ressort de la ville de Gujan-Mestras, qui a émis un avis défavorable ferme et définitif à l'exhumation ". Toutefois, alors que le rapport précise que cette exhumation " aurait dû être reportée à une date ultérieure, de préférence en été, ou les conditions hydriques des sols étaient nettement plus favorables (...) ", il ne résulte nullement de l'instruction que la commune de Gujan-Mestras se serait définitivement opposée à une exhumation ultérieure du cercueil, notamment au cours de l'été. En outre, il ne résulte pas davantage de l'instruction que Mme A... ait sollicité en vain une nouvelle demande d'exhumation, alors qu'elle a finalement fait réaliser des travaux portant création d'un caveau dès juillet 2015. Dans ces conditions, la commune de Gujan-Mestras n'a commis aucune faute dans la mise en œuvre de ses pouvoirs de police des funérailles et des cimetières, et sa responsabilité ne peut dès lors être engagée.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription opposée par la commune de Gujan-Mestras, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Gujan-Mestras au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la commune de Gujan-Mestras, qui n'est pas la partie perdante.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera à la commune de Gujan-Mestras la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Gujan-Mestras.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2024.
Le rapporteur,
Vincent Bureau
Le président,
Laurent Pouget
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX00672