Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte de condamner l'État à lui verser la somme de 163 615 euros au titre des préjudices financiers et moraux qu'il estime avoir subis, assortie des intérêts de retard au taux légal avec capitalisation.
Par un jugement n° 2100716 du 12 septembre 2022, le tribunal administratif de Mayotte a fait droit à sa demande, en limitant toutefois à 39 000 euros le montant de l'indemnité mise à la charge de l'État en réparation de ses préjudices.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 décembre 2022, 20 janvier 2023 et 22 août 2024, M. B..., représenté par Me Arvis, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer ce jugement du 12 septembre 2022 du tribunal administratif de Mayotte en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 163 615 euros, assortie des intérêts légaux à compter de la date de réception de sa demande préalable et des intérêts capitalisés à compter de la date anniversaire de cet événement et à chacune des échéances annuelles successives postérieures ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est recevable ;
- le jugement est irrégulier en ce que la minute n'est pas signée ;
- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation en ce qu'il conclut à l'absence de rupture d'égalité ; s'agissant de l'indemnité de fonctions, sujétions et expertise, il apporte la preuve de ses mérites supérieurs à ses collègues ; les premiers juges auraient dû demander à l'administration la production des évaluations professionnelles de ses collègues ; s'agissant de l'indemnité de caisse et de responsabilité, l'administration n'a pas contesté que les agences comptables des autres lycées, sur lesquels étaient affectés ses collègues, comptaient moins d'établissements rattachés ;
- en ce qui concerne la faute relative au retard dans l'exécution du jugement du 27 novembre 2019, les premiers juges ont fait une interprétation erronée du " protocole d'accord ", qui ne portait pas sur sa réintégration effective mais uniquement sur la réalisation des comptes financiers des deux établissements ; l'administration n'a pas procédé à la reconstitution de sa carrière ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation en ce qu'il conclut à l'absence de harcèlement moral ; les premiers juges ont procédé à un examen de chaque fait pris isolément les uns des autres, alors qu'il convenait de prendre en considération ces faits dans leur ensemble ; il a perçu des primes et indemnités largement inférieures à celles des autres agents comptables de l'académie ; il a fait l'objet d'une campagne de dénigrement pendant son congé de maladie ainsi que d'accusations graves de manquements dans sa gestion comptable ; il a fait l'objet de retenues sur traitement ; les serrures de son logement de fonction qu'il occupait légalement ont été changées, les peintures refaites, et certaines de ses affaires personnelles ont disparu ; il a fait l'objet d'une attitude déplacée de la part d'une de ses collègues ; l'exécution du jugement du 27 novembre 2019 a été tardive ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation en ce qu'il conclut à l'absence de perte de ses affaires personnelles ; il a produit deux attestations des auteurs des faits ; la circonstance qu'une enquête pénale soit en cours est sans lien avec l'office du juge administratif, lequel n'est pas chargé de déterminer la responsabilité pénale des auteurs des faits ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation en ce qu'il conclut au rejet des préjudices de carrière et de la perte de chance ;
- le préjudice financier relatif à la rupture d'égalité s'élève à la somme de 4 258 euros ;
- le préjudice financier relatif à la perte de ses effets personnels s'élève à la somme de 35 850 euros ;
- le préjudice relatif à l'atteinte à sa carrière s'élève à la somme de 15 000 euros ;
- le préjudice relatif à la perte de chance de devenir directeur administratif et financier d'un lycée français à l'étranger s'élève à la somme de 5 000 euros ;
- le préjudice moral, les troubles dans ses conditions d'existence et l'atteinte portée à sa réputation professionnelle s'élèvent à la somme de 40 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2024, le recteur de l'académie de Mayotte conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable pour tardiveté ;
- la réalité des préjudices allégués n'est pas démontrée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 72-887 du 28 septembre 1972 fixant le régime des indemnités allouées aux agents comptables et gestionnaires des établissements d'enseignement ;
- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'État ;
- l'arrêté du 4 janvier 2008 fixant les taux annuels des indemnités allouées aux agents comptables et gestionnaires des établissements d'enseignement ;
- l'arrêté du 3 juin 2015 pris pour l'application au corps interministériel des attachés de l'État des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vincent Bureau,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- et les observations de Me Arvis, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., attaché principal d'administration, a exercé à Mayotte des fonctions d'agent comptable et gestionnaire, d'abord en qualité de fondé de pouvoir au lycée professionnel de Kaweni à compter du 25 août 2015, puis en qualité d'agent comptable et d'adjoint gestionnaire au lycée du Nord à M'tsamboro, par intérim à compter du 1er avril 2016 et
en plein exercice à compter du 16 août 2016. Le 28 septembre 2017, au retour d'un congé de maladie durant lequel un audit organisationnel du service de gestion du lycée du Nord a été réalisé, l'intéressé a été reçu par le secrétaire général du vice-rectorat de Mayotte avant d'être affecté au lycée Younoussa Bamana de Mamoudzou par un arrêté du 4 octobre 2017. M. B... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Mayotte. A compter du 8 janvier 2018, il a été affecté, dans l'intérêt du service, au lycée de Petite Terre en qualité de fondé de pouvoir. Par un jugement n° 1701317 du 27 novembre 2019, le tribunal a annulé l'arrêté du 4 octobre 2017 et a enjoint au vice-recteur de le réintégrer, avant le 1er février 2020, dans son emploi d'agent comptable au lycée du Nord, ce qui a été fait par un arrêté du 18 février suivant. M. B... a adressé au recteur de Mayotte une demande d'indemnisation de ses préjudices réceptionnée le 1er décembre 2020, qui a donné lieu à une décision de rejet. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de Mayotte d'une demande de condamnation de l'État à lui verser la somme de 163 615 euros au titre de ses préjudices financiers, résultant notamment des multiples erreurs dans la fixation de sa rémunération, et moraux, tenant à des faits de discrimination et de harcèlement moral qu'il estime avoir subis. Par un jugement du 12 septembre 2022, le tribunal a condamné l'État à verser à M. B... la somme de 39 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à ses conclusions indemnitaires.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".
3. Il ressort des pièces de la procédure de première instance que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le magistrat rapporteur et la greffière d'audience, conformément aux dispositions précitées. La circonstance que l'ampliation qui en a été notifiée aux parties ne comporte pas ces signatures manuscrites est sans incidence sur la régularité du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité de l'État :
4. Par son jugement rendu le 12 septembre 2022, le tribunal administratif de Mayotte a constaté des fautes de l'État de nature à engager sa responsabilité à l'endroit de M. B..., tenant à une erreur dans la liquidation de la nouvelle bonification indiciaire du requérant, à l'illégalité de l'arrêté du 4 octobre 2017, à la discrimination que cet arrêté révèle, et à l'illégalité du second changement d'affectation intervenu le 8 janvier 2018. Il a revanche rejeté les prétentions du requérant tenant au montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise, au montant de l'indemnité de caisse, au retard d'exécution du jugement du tribunal administratif de Mayotte du 27 novembre 2019, à des faits de harcèlement moral et de discrimination, et de la perte d'effets personnels, dont l'intéressé persiste à demander réparation en appel.
S'agissant du montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise :
5. Aux termes de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires. / Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l'agent et de l'échelon auquel il est parvenu, ou de l'emploi auquel il a été nommé (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'État : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions. / Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps ou statut d'emploi sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants : / 1° Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception / 2° Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions / 3° Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel. / Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d'emploi par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé. / Ce même arrêté fixe les montants minimaux par grade et statut d'emplois, les montants maximaux afférents à chaque groupe de fonctions et les montants maximaux applicables aux agents logés par nécessité de service. (...) ". L'arrêté interministériel du 3 juin 2015 pris pour l'application au corps interministériel des attachés d'administration de l'État du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'État a fixé à quatre le nombre de groupes de fonctions dans lesquels doivent être rangés les agents relevant du corps des attachés d'administration de l'État, les plafonds annuels de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) afférents à chacun de ces quatre groupes, ainsi que les montants minimaux annuels de l'indemnité pour chacun des trois grades de ce corps.
6. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le montant de l'IFSE attribué aux agents membres d'un même groupe de fonctions par leur gestionnaire diffère afin de tenir compte de l'expérience et de la technicité acquises par chacun des agents dans l'exercice de ces fonctions, sous réserve de ne pas dépasser le plafond annuel de cette indemnité fixé par arrêté interministériel.
7. L'arrêté susvisé du 4 juin 2015 répartit en quatre groupes de fonctions les agents du corps interministériel des attachés d'administration de l'État. M. B..., placé dans le 2ème groupe (G2), a perçu un montant mensuel d'IFSE de 1 200 euros au titre de l'année scolaire 2016 / 2017. En se bornant à soutenir que ses mérites seraient supérieurs à ceux de deux de ses collègues ayant perçu un montant mensuel d'IFSE de 1 400 euros, sans justifier pour autant que son expérience et la technicité acquise dans ses fonctions seraient équivalentes aux leurs, M. B... n'établit pas avoir été victime d'une rupture d'égalité de traitement.
S'agissant de l'indemnité de caisse et de responsabilité :
8. Aux termes de l'article 6 du décret n° 72-887 du 28 septembre 1972 fixant le régime des indemnités allouées aux agents comptables et gestionnaires des établissements d'enseignement : " (...) il est alloué aux agents comptables qui exercent leurs fonctions dans les établissements d'enseignement une indemnité de caisse et de responsabilité, non soumise à retenue pour pensions civiles. ". Aux termes du premier alinéa de l'article 7 de ce décret : " Le ministre chargé de l'éducation nationale détermine, pour chaque agent comptable, le montant annuel de l'indemnité prévue à l'article 6 ci-dessus, dans la limite de taux annuels maximaux fixés par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'éducation nationale, de la fonction publique et du budget, compte tenu du nombre d'établissements d'enseignement regroupés au sein de l'agence comptable dans laquelle il exerce ses fonctions et du chiffre total des recettes budgétaires réellement effectuées par ces établissements pendant l'exercice précédent, déduction faite des subventions versées par l'État pour couvrir les dépenses de personnel. ". Aux termes de l'article 9 de ce décret : " Le montant annuel des indemnités prévues au présent texte varie uniquement en fonction des critères qu'il définit sans qu'il soit tenu compte, notamment, ni de l'ancienneté de service des bénéficiaires, ni, en cas de modification dans l'importance des tâches qui leur sont confiées, des taux des indemnités auxquelles ils pouvaient antérieurement prétendre. / L'attribution de ces indemnités est liée à l'exercice effectif des fonctions y ouvrant droit. ". Les taux maximaux annuels de cette indemnité sont fixés par l'article 2 de l'arrêté du 4 janvier 2008 fixant les taux annuels des indemnités allouées aux agents comptables et gestionnaires des établissements d'enseignement, dont 5 900 euros pour les agences comptables en charge de cinq établissements, soit 491,67 euros par mois.
9. Il résulte des dispositions précitées du décret du 28 septembre 1972 que le montant annuel de l'indemnité dite de caisse et de responsabilités allouée aux agents comptables qui exercent leurs fonctions dans un établissement public local d'enseignement ou une agence comptable regroupant plusieurs de ces établissements, dont l'attribution est liée à l'exercice effectif des fonctions y ouvrant droit, est seulement déterminé pour chaque agent, dans la limite de taux annuels maximaux fixés par arrêté conjoint, compte tenu du nombre d'établissements d'enseignement regroupés au sein de l'agence comptable en cause et du chiffre total des recettes budgétaires réellement effectuées par ces établissements pendant l'exercice précédent, déduction faite des subventions versées par l'État pour couvrir les dépenses de personnel, à l'exclusion d'autres critères.
10. Il résulte de l'instruction, et en particulier de l'examen des fiches de paie de M. B... entre août 2016 et septembre 2017, que celui-ci s'est vu allouer une indemnité de caisse et de responsabilité d'un montant de 233,34 euros en août 2016 et de 466,67 euros entre septembre 2016 et septembre 2017. Il ressort également de l'instruction qu'il n'a exercé les fonctions de plein exercice d'agent comptable en charge de cinq établissements et d'adjoint gestionnaire au lycée du Nord à M'tsamboro qu'à compter du 16 août 2016. En se bornant à produire une fiche de paie d'un collègue qui mentionne une indemnité de caisse et de responsabilité d'un montant 491,67 euros, correspondant au taux maximal, M. B... n'établit pas avoir été dans une situation identique à cet autre agent et avoir subi une inégalité de traitement.
S'agissant de la faute relative au retard d'exécution du jugement du 27 novembre 2019 :
11. Il résulte de l'instruction que, par son jugement du 27 novembre 2019, le tribunal administratif de Mayotte a enjoint au recteur de Mayotte de réintégrer M. B... dans son emploi d'agent comptable au lycée du Nord avant le 1er février 2020. Par un arrêté du 18 février 2020, le recteur a procédé à cette réintégration à effet du 1er février 2020. Si la prise de poste effective de M. B... a été retardée de quelques semaines pour intervenir le 10 avril 2020, il n'est pas contesté que sa réintégration a juridiquement pris effet le 1er février 2020. En outre, la prise de poste a été décalée dans l'intérêt du service suite à la signature d'un protocole d'accord le 3 février 2020 par le recteur, M. B... et son prédécesseur, qui ont convenu que ce dernier poursuivrait " sa mission de rendu de compte financier 2019 pour l'agence comptable du LPO du Nord jusqu'au 2 mai 2020 avant la passation entre agents comptables " et qu'il poursuivrait la même mission " pour l'agence comptable de Petite-Terre Nord jusqu'au rendu des comptes financiers 2019 et avant la passation entre agents comptables ", les intéressés s'engageant en outre " à s'aider mutuellement dans l'intérêt du service ". Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à invoquer un retard fautif de l'administration dans l'exécution du jugement du 27 novembre 2019 de nature à engager la responsabilité de l'État.
S'agissant de la faute relative à la perte de ses effets personnels :
12. Il résulte de l'instruction que M. B... avait obtenu le droit de conserver son logement de fonction situé au lycée du Nord jusqu'à la fin de l'année scolaire 2017 / 2018 malgré sa mutation au lycée de Petite Terre. Il n'est pas contesté par l'administration que, durant l'absence de l'intéressé de Mayotte, le nouvel agent comptable a donné l'instruction de changer les serrures et de refaire les peintures du logement. Il résulte également de l'instruction que M. B... a déposé une plainte pour vol par effraction dans son logement de fonction en janvier 2018, qui a été classée sans suite, et qu'il a déposé une nouvelle plainte en octobre 2020 sur la foi d'un témoignage mettant en cause le nouvel agent comptable qui aurait fait détruire une partie de ses effets personnels. Il ressort notamment d'une attestation datée du 21 mai 2021 que l'agent comptable a donné l'ordre de casser les serrures du logement de fonction de M. B... et que des agents de l'établissement ont ensuite jeté des affaires de ce dernier dans une benne à ordure sur ordre du comptable. L'administration ne remet pas sérieusement en cause la matérialité de ces faits. Il en résulte que M. B... est fondé à cet égard à solliciter l'engagement de la responsabilité de l'État sur le fondement d'une faute de ses agents non détachable du service.
S'agissant du harcèlement moral :
13. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements (...) ".
14. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.
15. En l'espèce, M. B... soutient qu'il a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral. Il indique notamment avoir perçu des primes et indemnités largement inférieures à celles des autres agents comptables de l'académie. Il soutient également qu'il a fait l'objet d'une campagne de dénigrement pendant son congé de maladie ainsi que des accusations graves de manquements dans sa gestion comptable. Il évoque également des retenues sur traitement, l'exécution tardive di jugement du 27 novembre 2019, ainsi que les atteintes portées à son logement de fonction et aux affaires personnelles s'y trouvant.
16. Toutefois, ainsi qu'il a été dit aux points 7 et 10 du présent arrêt, M. B... n'établit pas avoir été dans une situation identique à ses collègues comptables de l'académie justifiant l'octroi d'éléments de rémunération identiques. La campagne de dénigrement alléguée n'est par ailleurs pas établie par les circonstances que l'administration a constaté des absences injustifiées de M. B... alors qu'il était en congé maladie et qu'un audit sur sa gestion comptable a été mené en son absence. Par ailleurs, l'intéressé n'apporte aucune justification à l'appui de ses allégations relatives à l'attitude déplacée qu'aurait eu l'agente comptable auprès de laquelle il avait été affecté le 8 janvier 2018 en qualité de fondé de pouvoir. En outre, il ressort du point 11 du présent arrêt que l'exécution par l'administration du jugement du 27 novembre 2019 n'est pas tardive. Enfin, s'il n'est pas contesté par l'administration que les deux serrures de son logement de fonction situé au lycée du Nord ont été changées en son absence à l'instigation du nouvel agent comptable, les peintures refaites, et que des effets personnels ont disparu, ces faits, compte tenu de leur caractère isolé, ne sauraient établir une situation de harcèlement moral. Il résulte de ce qui précède qu'aucun des éléments invoqués par M. B... n'est de nature à faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre.
En ce qui concerne les préjudices :
S'agissant de la perte des effets personnels :
17. M. B... soutient que le préjudice financier résultant de la disparition d'effets personnels de son logement de fonction s'élève à 35 850 euros, correspondant à des bijoux d'une valeur totale de 28 650 euros et à 7 200 euros d'espèces. Toutefois, M. B... n'apporte aucune preuve de la réalité d'un tel préjudice, dont il n'est par suite pas fondé à demander l'indemnisation.
S'agissant du préjudice de carrière :
18. M. B... soutient qu'il a subi un préjudice de carrière dès lors qu'il a été, par l'arrêté du 4 octobre 2017, illégalement muté et rétrogradé d'office en qualité de fondé de pouvoir pendant deux ans, de sorte qu'il a exercé des missions qui ne correspondaient pas à son grade. Toutefois, le requérant, qui ne précise pas en quoi ni dans quelle mesure cette situation aurait eu une incidence sur le déroulement de sa carrière, ne saurait se prévaloir d'un préjudice à cet égard, alors qu'au demeurant il résulte de l'instruction qu'il avait antérieurement exercé déjà des fonctions de fondé de pouvoir auprès de l'agent comptable du lycée professionnel de Kawéni à Mamoudzou à compter du 25 août 2015. Par suite, il n'est pas fondé à demander l'indemnisation d'un tel préjudice.
S'agissant de la perte de chance :
19. M. B... n'établit pas, par la seule production de cinq fiches de poste à pourvoir entre le 21 août 2019 et le 1er septembre 2019, que sa mutation et son affectation au lycée de Petite Terre en qualité de fondé de pouvoir lui ait fait perdre une chance sérieuse d'obtenir un poste de directeur administratif et financier au sein d'un lycée français à l'étranger, au motif qu'il ne pouvait remplir la condition relative aux quatre années consécutives d'exercice de fonctions d'agent comptable.
S'agissant de l'évaluation du préjudice moral, les troubles dans les conditions d'existence et l'atteinte portée à la réputation professionnelle :
20. En l'évaluant à 3 000 euros, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. B..., résultant des deux changements d'affectation fautifs et d'une discrimination liée à son état de santé. Par suite, les conclusions de M. B... tendant à ce que cette somme soit portée à 40 000 euros doivent être rejetées.
21. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a seulement condamné l'État à lui verser la somme de 39 000 euros et rejeté le surplus de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B... demande au titre des exposés pour l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au recteur de l'académie de Mayotte.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2024.
Le rapporteur,
Vincent Bureau
Le président,
Laurent Pouget
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au préfet de Mayotte en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX03045