Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du 27 septembre 2021 et 24 janvier 2022 par lesquelles, respectivement, le centre hospitalier de Cadillac a cessé de lui confier l'accueil d'adultes atteints de troubles mentaux et a refusé de lui en confier à nouveau, ainsi que celle du 22 décembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Cadillac l'a suspendue sans traitement à compter du 22 décembre 2021, et de condamner le centre hospitalier de Cadillac à lui verser une somme de 18 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité de ces décisions.
Par un jugement n° 2201027, 2202309 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 22 décembre 2021, a enjoint au centre hospitalier de Cadillac de réexaminer la situation de Mme C... et l'a condamné à lui verser une somme de 400 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 novembre 2022 et le 11 avril 2023, Mme C..., représentée par Me Enard-Bazire, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il n'a que partiellement fait droit à ses demandes ;
2°) d'annuler les décisions du 27 septembre 2021 et 24 janvier 2022 ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Cadillac à lui verser la somme de
40 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité des décisions du 27 septembre 2021, 22 décembre 2021 et 24 janvier 2022, assortie des intérêts légaux à compter du 21 février 2022 ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Cadillac une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'elle entrait dans le champ de l'obligation vaccinale instituée par l'article 12 de la loi du 5 août 2021 ; elle exerce son activité d'accueillante familiale à domicile et n'a aucun contact avec le personnel du centre hospitalier, à l'exception de M. B..., éducateur spécialisé, et la seule circonstance qu'elle se trouve être en contact régulier avec deux patients accueillis ne suffit pas à lui imposer une obligation de vaccination, le critère pertinent étant celui tiré du travail régulier au sein d'un établissement de santé mentionné à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ; le ministère de la santé précise d'ailleurs sur son site internet que les accueillants familiaux ne sont pas soumis à l'obligation vaccinale ;
- elle réitère ne jamais avoir bénéficié d'un quelconque entretien ; si tel avait été le cas, elle aurait été en mesure d'informer les représentants du centre hospitalier de Cadillac qu'elle présente un nodule de 2,5 centimètres sur la glande thyroïdienne en surveillance et qu'au regard des effets secondaires et indésirables mentionnés par les autorités nationales, elle n'était pas en mesure de donner son consentement libre et éclairé pour la vaccination ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la mesure de suspension ne pouvait être prononcée dès lors qu'elle ne se fonde pas sur un des motifs de suspension prévus à l'article 13 de son contrat d'engagement ;
- la responsabilité du centre hospitalier de Cadillac est engagée ;
- elle n'a été placée dans aucune situation régulière depuis le 27 septembre 2021 ;
- un principe général de non-discrimination a été posé à l'article 6 de la loi du
13 juillet 1983, dans sa version applicable, et désormais repris à l'article L. 131-1 du code la fonction publique ;
- le directeur du centre hospitalier de Cadillac a rendu obligatoire une vaccination qui ne l'était pas pour les assistants familiaux et a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a subi un préjudice financier depuis sa suspension le 27 septembre 2021, en raison d'une perte de revenus de l'ordre de 2 000 euros mensuels et des charges d'emprunt pour les travaux d'extension effectués dans sa maison aux fins d'accueillir les patients, et elle a dû mettre en vente sa maison.
Par des mémoires en défense enregistrés le 3 février 2023 et le 28 juin 2023, le centre hospitalier de Cadillac, représenté par Me Clément, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a considéré que Mme C... était soumise à l'obligation vaccinale ; le Conseil d'Etat a précisé qu'y est soumis tout agent travaillant régulièrement dans les locaux de l'établissement quel que soit l'emplacement de ces locaux et qu'ils soient ou non en contact avec d'autres professionnels de santé dans l'exercice de ses fonctions ; Mme C... se rend fréquemment dans les locaux du centre hospitalier dans l'exercice de ses missions et participe également aux accompagnements vers et depuis les familles d'accueil relais ; elle est par ailleurs en contact régulier avec des patients du centre hospitalier qui présentent des risques de forme grave de covid-19, et avec un éducateur spécialisé de l'établissement, impliqué dans le suivi de patients hospitalisés et en contact permanent avec le personnel soignant ;
- elle a été convoquée le 21 décembre 2021 pour la remise d'un courrier l'informant de son obligation vaccinale ;
- la mesure de suspension ne fait pas application du contrat mais se fonde sur l'article 14, I, de la loi n° 2021-1040 du 5 aout 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire ;
- c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande d'indemnisation ; l'accueillant familial ne bénéficie d'aucun droit à la conclusion de nouveaux contrats d'accueil de patients, ainsi que le prévoit l'article 10 du contrat d'accueil de Mme C..., qui reprend sur ce point l'article L. 444-5 du code de l'action sociale et des familles ; depuis le 27 septembre 2021, elle n'a pas été en mesure d'accueillir de patients en raison de son refus de se conformer à l'obligation vaccinale ; à compter du 5 janvier 2022, elle a été provisoirement réintégrée, mais l'établissement n'a pas pu lui confier de nouveaux patients, étant donné que l'accueil familial thérapeutique nécessite une organisation stable et à long terme, incompatible avec la durée limitée de son certificat de rétablissement ;
- Mme C... n'établit pas la réalité de son préjudice financier et ne fournit pas de justificatifs permettant d'en évaluer le montant, la somme de 2 000 euros mensuels alléguée n'est pas fondée, le montant réel de sa rémunération moyenne étant de 1 853 euros ; sa rémunération est liée exclusivement aux prestations d'accueil familial réellement effectuées et aux indemnités pour frais, ce qui exclut tout droit à compensation en l'absence de patients ; la réalisation des travaux d'extension de sa maison relève d'un choix personnel et ne constitue pas un préjudice indemnisable en lien direct avec la suspension.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 16 janvier 1986 ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- l'arrêté du 1er octobre 1990 relatif à l'organisation et au fonctionnement des services d'accueil familial thérapeutique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Antoine Rives,
- et les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C... était agent contractuel au sein du service d'accueil familial thérapeutique du centre hospitalier de Cadillac. Le 27 septembre 2021, lors d'un entretien de reprise du travail après un congé de maladie, au cours duquel elle a indiqué refuser de se faire vacciner contre la Covid-19, son employeur lui a annoncé le retrait immédiat des deux adultes qu'elle accueillait à son domicile. Le 22 décembre 2021, il l'a suspendue de ses fonctions sans traitement à compter du même jour sur le fondement de l'article 14 de la loi du 5 août 2021. Elle a été réintégrée dans ses fonctions le 5 janvier 2022 à la suite de la présentation d'un certificat de rétablissement de la covid-19. Le directeur du centre hospitalier a néanmoins refusé le 24 janvier 2022 de lui confier de nouveaux patients dans le cadre d'un contrat " d'accueil familial thérapeutique adulte ". Mme C... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de demandes d'annulation des décisions du 27 septembre 2021, 22 décembre 2021 et 24 janvier 2022 et d'indemnisation des préjudices résultant de leur illégalité. Elle relève appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal a seulement annulé la décision du 22 décembre 2021 pour vice de procédure et a condamné le centre hospitalier de Cadillac à lui verser une somme de 400 euros au titre de son préjudice moral.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si Mme C... soutient que le jugement n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la décision du 22 décembre 2021 aurait été prise en méconnaissance des stipulations contractuelles figurant au sein des contrats d'accueil conclus avec le centre hospitalier de Cadillac, lesquelles prévoyaient limitativement les cas de suspension, cette décision a été prise sur le fondement de l'article 14 de la loi du 5 août 2021. Par suite, un tel moyen était inopérant tant au soutien de ses conclusions d'excès de pouvoir qu'au soutien de ses conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de la faute, et les premiers juges n'étaient pas tenus d'y répondre.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation dirigées contre la décision du 27 septembre 2021 :
3. En premier lieu, aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...) / ". Aux termes de l'article 14 de cette loi : " I. - (...) / B - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. (...) III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I (...). Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit (...).
4. En adoptant, pour l'ensemble des personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, à l'exception de celles y effectuant une tâche ponctuelle, le principe d'une obligation vaccinale à compter du 15 septembre 2021, le législateur a entendu, dans un contexte de progression rapide de l'épidémie de Covid-19 accompagné de l'émergence de nouveaux variants et compte tenu d'un niveau encore incomplet de la couverture vaccinale de certains professionnels de santé, garantir le bon fonctionnement des services hospitaliers publics grâce à la protection offerte par les vaccins disponibles et protéger, par l'effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des personnes qui y étaient hospitalisées. Il en résulte que l'obligation vaccinale prévue par les dispositions législatives citées au point précédent s'impose à toute personne travaillant régulièrement au sein de locaux relevant d'un établissement de santé mentionné à l'article L.6111-1 du code de la santé publique, quel que soit l'emplacement des locaux en question et que cette personne ait ou non des activités de soins et soit ou non en contact avec des personnes malades ou des professionnels de santé.
5. Aux termes de l'article L. 441-1 du code de l'action sociale et des familles : " Pour accueillir habituellement à son domicile, à titre onéreux, des personnes âgées ou handicapées adultes n'appartenant pas à sa famille jusqu'au quatrième degré inclus et, s'agissant des personnes handicapées adultes, ne relevant pas des dispositions de l'article L. 344-1, une personne ou un couple doit, au préalable, faire l'objet d'un agrément, renouvelable, par le président du conseil départemental de son département de résidence qui en instruit la demande. / La personne ou le couple agréé est dénommé accueillant familial. ". Selon l'article L. 443-10 de ce code : " Sans préjudice des dispositions relatives à l'accueil thérapeutique, les personnes agréées mentionnées à l'article L. 441-1 peuvent accueillir des malades mentaux en accueil familial thérapeutique organisé sous la responsabilité d'un établissement ou d'un service de soins. Les obligations incombant au président du conseil départemental en vertu de l'article
L. 441-1 peuvent être assumées par l'établissement ou le service de soins. (...). Les accueillants familiaux thérapeutiques employés par cet établissement ou service sont des agents non titulaires de cet établissement ou service. / Pour chaque personne accueillie, l'établissement ou service de soins passe avec l'accueillant familial un contrat écrit. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté susvisé du 1er octobre 1990 pris par le ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale et relatif à l'organisation et au fonctionnement des services d'accueil familial thérapeutique : " Les services d'accueil familial thérapeutique organisent le traitement des personnes de tous âges, souffrant de troubles mentaux susceptibles de retirer un bénéfice d'une prise en charge thérapeutique dans un milieu familial substitutif stable, en vue notamment d'une restauration de leurs capacités relationnelles et d'autonomie (...) ". Son article 2 dispose que : " Ces services peuvent être mis en œuvre par tout établissement assurant le service public hospitalier et participant à la lutte contre les maladies mentales, au sein des secteurs psychiatriques mentionnés à l'article L. 326 du code de la santé publique ". Les dispositions des articles 14 et 16 de cet arrêté prévoient qu'un règlement intérieur, auquel doivent se conformer les contrats d'accueil, fixe l'organisation et le mode de fonctionnement du service et les droits et obligations des malades, des unités d'accueil familial, de l'établissement hospitalier gestionnaire et de l'équipe de soin.
6. Le règlement intérieur du service d'accueil familial thérapeutique du centre hospitalier de Cadillac, adopté le 2 mars 1999, prévoit notamment que l'accueil familial thérapeutique s'exerce sous la responsabilité d'un médecin psychiatre chargé de définir les modalités du suivi médical, avec l'appui d'une équipe de soins pluridisciplinaire composée d'un psychologue, d'une assistante sociale, d'un éducateur spécialisé et d'une secrétaire médicale, assurant l'organisation, le soutien thérapeutique et le contrôle de l'accueillant. Ce dernier, qui contribue à l'insertion du malade dans son environnement extérieur et participe au projet thérapeutique élaboré par l'équipe, est par ailleurs tenu d'en respecter les prescriptions, de recevoir l'équipe de soins ainsi que les personnes associées au traitement et d'accepter toute visite de contrôle à domicile à la demande du service. Il précise que la personne accueillie " est considérée comme hospitalisée au sein [...] du centre hospitalier de Cadillac ". En outre, le contrat d'accueil, dont le règlement spécifie la double nature de contrat de travail pour les services rendus au titre de l'activité principale et de convention de prestation de services pour l'entretien courant et la location des pièces réservées au patient, prévoit qu'un loyer est versé par le centre hospitalier pour chaque chambre d'une personne accueillie.
7. Mme C..., accueillante familiale, a été recrutée le 9 mars 2018 au sein du service d'accueil familial thérapeutique du centre hospitalier de Cadillac, en vertu d'un contrat de droit public conclu en application de l'article L. 443-10 du code de l'action sociale et des familles. Elle a été agréée en dernier lieu pour l'accueil de deux adultes par décision du directeur du centre hospitalier de Cadillac du 23 juillet 2018. Elle a conclu avec l'établissement, le 22 juin 2018 et le 24 mai 2019, deux contrats " d'accueil familial thérapeutique adulte " en vue d'assurer l'accueil à son domicile de deux majeurs souffrant de troubles mentaux. Il résulte de l'instruction que l'intéressée, placée en congé de maladie ordinaire du 13 au 26 septembre 2021, a été reçue en entretien le 27 septembre 2021 à l'occasion de sa reprise par le service d'accueil familial thérapeutique du centre hospitalier de Cadillac, au cours duquel il est constant que lui a été annoncé le retrait immédiat de la garde des deux personnes accueillies au sein de son domicile au motif qu'elle ne satisfaisait pas, et n'entendait pas satisfaire, à l'obligation vaccinale prévue par la loi du 5 août 2021. Il lui a été précisé que sa rémunération serait suspendue, le service n'étant pas en mesure de lui confier de nouveaux patients. De tels éléments révèlent la décision de l'établissement de suspendre Mme C... de ses fonctions et de cesser de lui verser son traitement sur le fondement de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 précitée.
8. La requérante soutient qu'exerçant son activité d'accueillante familiale à domicile, et non dans les services du centre hospitalier, elle n'était pas en contact avec le personnel soignant de l'établissement, qu'elle ne rencontrait qu'en de très rares occasions, et que sa situation n'entrait donc pas dans le champ de l'obligation vaccinale instituée par l'article 12 de la loi du
5 août 2021. Toutefois, il résulte des éléments mentionnés aux points 5 et 6 que l'accueil familial thérapeutique constitue un mode spécifique de prise en charge des personnes adultes souffrant de troubles psychiatriques dans le cadre duquel l'accueil des patients au domicile de l'accueillant familial est organisé sous la responsabilité et le contrôle étroit du service public hospitalier. Il s'intègre dans une stratégie thérapeutique globale impliquant un suivi médical pluridisciplinaire destiné à restaurer les capacités relationnelles et d'autonomie des malades accueillis. Par suite, le domicile de l'accueillant familial doit être regardé, dans cette mesure, comme un local relevant du secteur psychiatrique d'un établissement public de santé. Mme C..., qui était ainsi réputée exercer son activité au sein du centre hospitalier de Cadillac, était dès lors soumise à l'obligation vaccinale. C'est donc sans commettre d'erreur de droit que cet établissement l'a suspendue de ses fonctions sans traitement en lui opposant le non-respect de cette obligation vaccinale. Mme C... ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de l'interprétation de la loi du 5 août 2021 par le ministre chargé de la santé dans le cadre d'une " foire aux questions " publiée sur le site internet du ministère excluant de l'obligation vaccinale les accueillants familiaux relevant de L. 441-1 du code de l'action sociale et des familles, dès lors que sa situation relève de l'article L. 443-10 de ce code.
9. En second lieu, Mme C... ne peut utilement se prévaloir de ce que le centre hospitalier de Cadillac aurait méconnu les stipulations des articles 13 des contrats " d'accueil familial thérapeutique adulte " des 22 juin 2018 et 24 mai 2019 relatives aux cas dans lesquels le placement peut être suspendu dès lors que, ainsi qu'il a été exposé au point 7, cet établissement a entendu faire usage des dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, lesquelles s'imposent aux agents publics contractuels indépendamment des stipulations de leurs contrats.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
10. En premier lieu, si Mme C... soutient qu'en étendant le champ de l'obligation vaccinale aux accueillants familiaux alors qu'une telle obligation ne résulterait pas de la loi du
5 août 2021, le directeur du centre hospitalier de Cadillac aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il résulte de ce qui vient d'être exposé que ce moyen ne peut qu'être écarté.
11. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la loi du
13 juillet 1983, désormais repris à l'article L. 131-1 du code de la fonction publique, n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
12. En troisième lieu, si l'intéressée soutient qu'elle n'a été placée dans aucune situation régulière depuis le 22 décembre 2021, il résulte de l'instruction que par une décision du 26 janvier 2022, le centre hospitalier de Cadillac a abrogé la mesure de suspension de fonctions privative de traitement du 22 décembre 2021 et a rétroactivement réintégré Mme C... dans ses fonctions à compter du 5 janvier 2022, date à laquelle elle a présenté à son employeur un certificat de rétablissement.
13. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que le centre hospitalier de Cadillac aurait pu prendre légalement une décision de suspension de fonctions sans traitement identique à celle du 22 décembre 2021, annulée par le jugement attaqué pour un motif de procédure. L'illégalité de cette décision est ainsi sans lien avec le préjudice matériel et les pertes de traitement dont Mme C... demande réparation, à la seule exception des traitements dont le versement aurait été poursuivi si elle avait utilisé des jours de congés payés avec l'accord de son employeur. Toutefois, alors que la requérante n'établit, ni même n'allègue, qu'au 22 décembre 2021, elle aurait disposé d'un solde de congés non pris, aucune indemnité ne peut lui être allouée à ce titre.
14. En dernier lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, Mme C... ne tenait d'aucun texte le droit de conclure avec son employeur un nouveau " contrat d'accueil familial thérapeutique adulte ". Dès lors, la décision du 24 janvier 2022 lui indiquant que l'établissement n'était pas en mesure de lui confier l'accueil de nouveaux patients, laquelle se fondait au demeurant à bon droit sur la nécessaire stabilité des patients accueillis, incompatible avec le délai de validité du certificat de rétablissement, n'est pas entachée d'une illégalité fautive.
15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la majoration des prétentions indemnitaires de Mme C... en cause d'appel, que celle-ci n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a seulement annulé la décision du 22 décembre 2021, l'a indemnisée d'un préjudice moral pour un montant de
400 euros et a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du centre hospitalier de Cadillac, qui n'est pas la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de Mme C... au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Cadillac à l'occasion du présent litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Cadillac au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au centre hospitalier de Cadillac.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer présidente-assesseure,
M. Antoine Rives, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
Le rapporteur,
Antoine Rives
La présidente,
Catherine Girault La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX02823