Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 octobre 2022, 22 mars 2024 et
29 mai 2024, la SAS Loudunais Energies 2, représentée par Me Deharbe, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2022 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de faire droit à sa demande d'autorisation environnementale en vue de l'implantation d'un parc éolien sur le territoire des communes de Glénouze et Ranton ;
2°) d'annuler les décisions des 22 août 2022 et 25 octobre 2022 par lesquels le ministre des armées a refusé d'abroger l'avis émis le 5 mai 2022 ;
3°) à titre principal, de lui délivrer l'autorisation environnementale sollicitée ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer cette autorisation ainsi que les autorisations requises par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile et l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) subsidiairement encore, de réexaminer sa demande dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
6°) à titre infiniment subsidiaire, de surseoir à statuer et d'ordonner une expertise avant dire droit ayant pour objet d'identifier une éventuelle perturbation du projet sur les capacités de détection du radar de Cinq-Mars-la-Pile et sur la centrale de Chinon-Avoine, d'établir la nature de cette éventuelle perturbation, de quantifier cette éventuelle perturbation, de décrire ses éventuels effets sur les missions de la défense et de proposer, le cas échéant, des solutions pour réduire cette perturbation ;
7°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les avis défavorables au projet émis par la direction de la sécurité aéronautique d'Etat le 5 mai et le 22 août 2022 se fondent sur les critères d'une instruction du 16 juin 2021 abrogée par l'instruction 1051/ARM/DSAE/DIRCAM/NP du 2 juin 2022 ;
- l'arrêté du 1er septembre 2022 est insuffisamment motivé en ce qu'il ne justifie pas de la légalité des avis des 5 mai et 22 août 2022 de la direction de la sécurité aéronautique par lesquels le préfet s'est estimé lié ;
- les avis des 5 mai et 22 août 2022 sont illégaux dès lors qu'ils ont été émis par une autorité incompétente ; il n'est pas démontré, en outre que l'agent de la direction de la circulation aérienne militaire ayant répondu à la demande d'abrogation de ces avis ait été compétente pour ce faire ; les délégations de signature dont se prévaut le ministre sont illégales, l'autorité délégante n'étant elle-même pas compétente pour édicter de tels avis prévus par l'article
R. 244-1 du code de l'aviation civile ;
- ces avis sont également illégaux en ce qu'ils se fondent sur une instruction du
16 juin 2021 qui était elle-même illégale dès lors qu'elle a été édictée par une autorité incompétente, au terme d'une procédure irrégulière faute de saisine préalable du Conseil d'Etat et de réalisation d'une évaluation environnementale préalable requise en application de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement transposée aux articles L. 122-4 et suivants du code de l'environnement et à l'article R. 122-17 de ce code ; l'instruction du 16 juin 2021 est, en outre, entachée d'un défaut de base légale puisqu'elle se fonde sur un arrêté " à paraître " et d'une erreur de droit en ce qu'elle fixe elle-même les critères d'implantation des éoliennes par rapport aux radars militaires ; cette instruction est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la preuve d'une perturbation des radars par les éoliennes n'est pas rapportée, que la pertinence des critères retenues n'est pas démontrée et que ces critères font obstacle à un développement suffisant de l'éolien conforme aux engagements de la France ; en instaurant un tel obstacle, cette instruction méconnaît l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de l'environnement et méconnaît la préservation de l'environnement en tant qu'intérêt fondamental de la Nation ;
- l'avis du 22 août 2022 est illégal en ce qu'il fait application des critères dégagés par l'instruction du 16 juin 2021, abrogée par l'instruction 1051/ARM/DSAE/DIRCAM/NP du
2 juin 2022, ce texte n'étant donc plus applicable au 22 août 2022 ;
- l'avis émis le 5 mai 2022 est illégal en ce qu'il fait application des critères fixés par une instruction illégale ou, à tout le moins, est devenu illégal du fait de l'abrogation de l'instruction du 16 juin 2021 ; c'est à tort que le ministre des armées a refusé d'abroger cet avis, en application de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, par une décision du 25 octobre 2022 ; à supposer que l'instruction du 16 juin 2021 soit applicable, l'administration a commis une erreur de droit en ne faisant pas application des règles prévues pour la " phase de transition " s'agissant des projets éoliens en cours et ayant reçus des avis favorables au stade des préconsultations ;
- en l'absence de critères définis par décret en Conseil d'Etat, la direction de la sécurité aéronautique d'Etat n'était pas compétente pour se prononcer sur l'implantation des éoliennes par rapport aux radars, ce qui entache d'illégalité les avis des 5 mai et 22 août 2020 ainsi que le refus d'abrogation du 25 octobre 2022 ; l'administration ne peut faire application des articles
R. 244-1 du code de l'aviation civile et R. 181-32 du code de l'environnement faute de définition des critères prévus par l'article L. 515-45 du code de l'environnement ;
- l'absence de connaissances des critères appliqués par le ministre des armées pour évaluer la faisabilité des projets méconnaît les objectifs à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;
- ces avis sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la gêne que représenteraient les éoliennes compte tenu de la présence d'un radar et d'une centrale nucléaire ; la preuve scientifique d'une gêne pour les radars du fait de la présence d'éoliennes n'est pas rapportée et de nombreuses éoliennes se situent dans un rayon de moins de 30 km de centrales nucléaires ; le projet respecte les critères fixés par la précédente instruction du 9 juillet 2018 et aucune gêne possible n'avait été signalée dans le cadre des préconsultations réalisées pour l'élaboration du projet ; l'existence d'une zone de coordination de 30 km autour d'un radar est critiquée par la Commission européenne et par le Conseil de l'Europe ; le projet est situé hors de la zone d'exclusion de 5 km autour de la centrale et n'entrainera aucune difficulté de détection pour le radar ; aucune atteinte à la sureté de la centrale nucléaire n'est démontrée, une convention d'arrêt en cas de menace pouvant en toute hypothèse être envisagée ; il revient au ministre des armées de produire l'étude du centre d'expertise aérienne militaire de 2019 dont il se prévaut et, à défaut, à la cour de faire usage de ses pouvoirs d'instruction en ce sens ; l'étude du logiciel TIMOR sur laquelle s'appuie le ministre établit une covisibilité qui ne saurait suffire à démontrer une gêne pour le radar, ne concerne que deux des éoliennes du parc et ne prend pas en compte les obstacles construits ou la végétation pouvant déjà entrainer des perturbations ; le projet présente un intérêt public majeur au regard des engagements de la France à réduire les émissions de gaz à effet de serre ; l'étude du centre d'expertise aérienne militaire de 2019 produite n'est pas concluante dès lors qu'elle est non contradictoire, qu'elle repose sur des données issus de radars d'anciennes générations et que seuls quatre vols ont été pris en compte ce qui n'est pas significatif ; elle n'établit pas une gêne avérée des éoliennes pour les radars, en particulier au-delà de 30 km ;
- l'arrêté du 1er septembre 2022 du préfet de la Vienne est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs ;
- les avis du ministre des armées des 5 mai, 22 août et 25 octobre 2022 sont dépourvus de base légale compte tenu de l'illégalité de l'article R. 181-32 du code de l'environnement et de l'article 4 de l'arrêté du 26 août 2011 qui ont été édictés sans évaluation environnementale préalable en méconnaissance de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, transposée aux articles L. 122-4 et suivants du code de l'environnement et à l'article R. 122-17 de ce code.
Par des mémoires en défense enregistrés les 30 janvier 2024 et 24 avril 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 600 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet se trouvait en situation de compétence liée pour refuser l'autorisation sollicitée compte tenu des avis défavorables émis par ses services ;
- les moyens soulevés par la société requérante sont inopérants ou mal fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 janvier 2024, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il se trouvait en situation de compétence liée pour refuser l'autorisation sollicitée compte tenu des avis défavorables émis par le ministre des armées ;
- les moyens soulevés par la société requérante sont inopérants ou mal fondés.
Par ordonnance du 31 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 31 juillet 2024.
Un mémoire présenté par la société Loudunais Energies 2 a été enregistré le
26 novembre 2024.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par la société Loudunais Energies 2 tendant à l'annulation des avis émis par le ministre des armées les 22 août 2022 et 25 octobre 2022, qui ne sont pas des décisions susceptibles de recours.
Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public ont été produites par la société Loudunais Energies 2, le 9 décembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'aviation civile ;
- le code de l'environnement ;
- le code des transports ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kolia Gallier Kerjean,
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,
- et les observations de Me Deldique représentant la SAS Loudunais Energie 2 et de Mmes A... et Fourmeaux commissaires, représentant le Ministère des armées et des anciens combattants, suivant pouvoir en date du 19 novembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 1er septembre 2022, le préfet de la Vienne a refusé à la société SAS Loudunais Energies 2 la délivrance d'une autorisation environnementale pour la création et l'exploitation d'un parc éolien sur les communes de Glénouze et Ranton. Cette société demande l'annulation de cet arrêté, ainsi que celle des " décisions " du ministre des armées du 22 août et 25 octobre 2022 par lesquelles celui-ci a confirmé l'avis défavorable au projet émis le
5 mai 2022.
Sur la recevabilité des conclusions :
2. Aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : / 1° Le ministre chargé de l'aviation civile : / a) Pour ce qui concerne les radars primaires, les radars secondaires et les radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR), sur la base de critères de distance aux aérogénérateurs ; / b) Pour les autres aspects de la circulation aérienne, sur tout le territoire et sur la base de critère de hauteur des aérogénérateurs. / Ces critères de distance et de hauteur sont fixés par un arrêté des ministres chargés des installations classées et de l'aviation civile ; / 2° Le ministre de la défense, y compris pour ce qui concerne les radars et les radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR) relevant de sa compétence (...) ".
3. D'une part, il résulte des dispositions précitées que l'autorité administrative compétente pour délivrer une autorisation unique doit, lorsque l'installation envisagée est susceptible de constituer un obstacle à la navigation aérienne en raison de son emplacement et de sa hauteur, saisir le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense et que cette autorité est tenue, à défaut d'accord de l'un des ministres dont l'avis est ainsi requis, de refuser l'autorisation demandée.
4. D'autre part, si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.
5. Il résulte des principes rappelés ci-dessus que si la société requérante peut utilement exciper de l'illégalité des avis émis par le ministre des armées en application des dispositions précitées au point 2 au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vienne du 1er septembre 2022, elle ne peut en revanche demander l'annulation de tels avis qui ne constituent pas des décisions susceptibles de recours. Les conclusions présentées par la société Loudunais Energies 2 tendant à l'annulation des avis des 22 août et 25 octobre 2022 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées comme irrecevables.
Sur la légalité de l'arrêté du 1er septembre 2022 :
En ce qui concerne les moyens relatifs à la régularité et au bien-fondé des avis émis par le ministre des armées :
6. En premier lieu, la société Loudunais Energies 2 ne saurait utilement contester le bien-fondé du courrier électronique qui lui a été adressé le 25 octobre 2022 par la direction de la circulation aérienne militaire en réponse à sa " demande d'abrogation " des avis défavorables au projet précédemment émis les 5 mai et 22 août 2022, un tel courrier électronique, postérieur à l'arrêté litigieux du 1er septembre 2022, ne pouvant être regardé comme l'avis requis par les dispositions précitées au point 2 de l'article R. 181-32 du code de l'environnement.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter de l'enregistrement de cet acte au recueil spécial mentionné à l'article
L. 861-1 du code de la sécurité intérieure, lorsqu'il est fait application de cet article, ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'État et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° (...) , les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé et les chefs des services que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'État ; (...) ". L'article 3 de ce décret prévoit : " Les personnes mentionnées aux 1° et 3° de l'article 1er peuvent donner délégation pour signer tous actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont elles-mêmes reçu délégation : 1° (...) aux fonctionnaires de catégorie A et aux agents contractuels chargés de fonctions d'un niveau équivalent, qui n'en disposent pas au titre de l'article 1er ; (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 1er du 29 avril 2013 portant création de la direction de la sécurité aéronautique d'Etat : " Il est créé une direction de la sécurité aéronautique d'Etat, service à compétence nationale placé auprès du ministre de la défense. / La direction de la sécurité aéronautique d'Etat exerce ses missions, en outre, au profit du ministère de l'intérieur et du ministère chargé des douanes. " L'article 2 de ce texte dispose : " La direction de la sécurité aéronautique d'Etat a compétence dans les domaines suivants : / ' navigabilité et immatriculation des aéronefs d'Etat ; / ' circulation aérienne militaire, organisation et gestion des espaces aériens. " Aux termes de l'article 7 de ce texte : " Le directeur de la sécurité aéronautique d'Etat, en liaison avec les organismes civils et militaires compétents, est chargé : / I. ' En matière de circulation aérienne militaire et de gestion des espaces aériens : / 1° De définir la réglementation technique de la circulation aérienne militaire et de traiter les questions relatives à son organisation ; / 2° De définir la réglementation technique de l'utilisation de l'espace aérien national, des espaces aériens placés sous juridiction française et des espaces aériens transfrontaliers et traiter, au sein du ministère de la défense, les questions relatives à leur organisation. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 1 de l'arrêté du
3 mai 2013 portant organisation de la direction de la sécurité aéronautique d'État : " La direction de la sécurité aéronautique d'Etat relève, pour son fonctionnement, de l'état-major des armées. / Elle comporte un échelon central et des échelons locaux. " L'article 2 de ce texte dispose : " L'échelon central de la direction de la sécurité aéronautique d'Etat comprend, outre la cellule de coordination interministérielle rattachée au directeur : / 1° Le département " affaires générales " ; / 2° La direction de la navigabilité ; / 3° La direction de la circulation aérienne militaire ; / 4° Le bureau " formation du personnel navigant et exploitation des aéronefs ". " L'article 11-1 de ce texte prévoit, dans sa version applicable au litige : " La direction de la circulation aérienne militaire établit : / les actes prévus à 1'article D. 241-4 du code de l'aviation civile ; / les autorisations de travaux prévues aux articles R. 425-9 du code de l'urbanisme , R. 244-1 du code de l'aviation civile , R. 24 et R. 30 du code des postes et des communications électroniques ; / les décisions d'accord de l'autorité militaire prévues au 4-3 de l'article 4 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement (...) ".
8. D'une part, contrairement à ce que soutient la société requérante, il résulte des dispositions précitées que la direction de la sécurité aéronautique d'Etat, service à compétence nationale placé auprès du ministre de la défense et relevant de l'état-major des armées, et la direction de la circulation aérienne militaire, qui fait partie de l'échelon central de cette direction, sont compétentes pour émettre l'avis prévu par les articles R. 181-32 du code de l'environnement et R. 244-1 du code de l'aviation civile qui doit être regardé comme relevant de l'organisation de l'espace aérien national au sens du 2° du I de l'article 7 du décret du
29 avril 2013 portant création de la direction de la sécurité aéronautique d'Etat.
9. D'autre part, il résulte de l'instruction que le ministre des armées a émis un premier avis défavorable au projet le 5 mai 2022 qui a été signé par le général de brigade aérienne Etienne B..., en qualité de directeur de la circulation aérienne militaire. Par une décision du 1er septembre 2021, publiée au Journal officiel de la République française le 4 septembre 2021, le directeur de la sécurité aéronautique, qui bénéficiait lui-même d'une délégation du ministre des armées en application des dispositions précitées du 1° de l'article 1er du décret du
27 juillet 2005, avait donné délégation à M. B... à l'effet de signer, au nom du ministre et dans la limite de ses attributions, tous actes, arrêtés et décision à l'exclusion des décrets. Le second avis, émis à la demande du préfet de la Vienne le 22 août 2022, a quant à lui été signé par le général de brigade aérienne Laurent Thiebaut en sa qualité de directeur adjoint de la circulation aérienne. Il disposait d'une délégation de signature du directeur de la sécurité aéronautique pour signer, au nom du ministre et dans la limite de ses attributions, tous actes, arrêtés et décision à l'exclusion des décrets en vertu d'une décision du 28 juillet 2022 publiée au Journal officiel de la République française du 30 juillet 2022. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence des signataires des avis émis par le ministère des armées doit être écarté.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, dans sa version applicable au litige : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. (...) ".
11. La société Loudunais Energies 2 soutient que le ministre des armées aurait entaché les avis défavorables au projet émis les 5 mai et 22 août 2022 d'illégalité en se fondant sur une instruction n° 1050/DSAE/DIRCAM du 18 juin 2021 relative aux traitements des dossiers obstacles elle-même illégale et, en toute hypothèse, abrogée par une instruction 1051/ARM/DSAE/DIRCAM/NP du 2 juin 2022. Toutefois, il ne ressort pas des termes des avis des 5 mai et 22 août 2022, qui se réfèrent expressément à l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile relatif aux conditions d'implantation des installations de grande hauteur susceptibles de constituer des obstacles à la navigation aérienne, que le ministre se serait, même partiellement, fondé sur l'instruction du 18 juin 2021 relative aux traitements des dossiers obstacles. Par suite, l'ensemble des moyens relatifs à cette instruction ne peuvent qu'être écartés et la société requérante ne peut utilement soutenir qu'à supposer que l'administration ait fait application de cette circulaire, elle devait la faire bénéficier des règles prévues par cette instruction pour la phase de transition s'agissant des projets en cours.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 515-45 du code de l'environnement : " Un décret en Conseil d'Etat précise les règles d'implantation des installations de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent vis-à-vis des installations militaires et des équipements de surveillance météorologique et de navigation aérienne, sans préjudice des articles L. 6350-1 à L. 6352-1 du code des transports. " L'article L. 6352-1 du code des transports prévoit : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne, est soumis à l'autorisation spéciale de l'autorité administrative. (...) ".
13. Les avis litigieux sont fondés sur les dispositions de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile qui soumet à une autorisation spéciale du ministre de l'aviation civile ou de la défense les installations telles que les éoliennes qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne. Par suite, et même si, à la date à laquelle ils ont été émis, n'avait pas encore été édicté le décret prévu par l'article L. 515-45 du code de l'environnement pour préciser les règles d'implantation des installations de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent vis-à-vis des installations militaires et des équipements de surveillance météorologique et de navigation aérienne, une telle circonstance ne faisait pas obstacle à ce que le ministre émette l'avis conforme requis par les dispositions encadrant la délivrance de l'autorisation environnementale nécessaire pour l'implantation des installations de grande hauteur susceptibles de constituer des obstacles à la navigation aérienne. Si la société requérante se prévaut, dans un mémoire postérieur à la clôture d'instruction, de la décision du Conseil d'Etat du 6 novembre 2024 annulant la décision implicite par laquelle la Première ministre a refusé de prendre les dispositions réglementaires prévues par l'article
L. 515-45 du code de l'environnement et enjoignant au Premier ministre de prendre de telles dispositions dans un délai de six mois, il ne résulte pas d'une telle décision l'illégalité des avis émis par le ministre de la défense en l'espèce.
14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement : " L'installation est implantée de façon à ne pas perturber de manière significative le fonctionnement des radars utilisés dans le cadre des missions de sécurité météorologique des personnes et des biens et de sécurité à la navigation maritime et fluviale. / En outre, les perturbations générées par l'installation ne remettent pas en cause de manière significative les capacités de fonctionnement des radars et des aides à la navigation utilisés dans le cadre des missions de sécurité à la navigation aérienne civile et les missions de sécurité militaire. (...) "
15. La société Loudunais Energies 2, qui critique l'absence de critères fixés par voie réglementaire encadrant l'appréciation du ministre des armées notamment quant à la gêne qu'un parc éolien est susceptible de représenter pour le fonctionnement des radars militaires, ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la norme, ce moyen n'étant dirigé contre aucune disposition. En toute hypothèse, au regard des dispositions législatives précitées applicables et de celles de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement cité ci-dessus, la norme applicable ne saurait être regardée ni comme inaccessible ni comme inintelligible.
16. En sixième lieu, si, dans le cadre de la contestation d'un acte réglementaire par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour son application ou dont il constitue la base légale, la légalité des règles fixées par cet acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux. Par suite, et ainsi que le fait valoir le ministre des armées, la société Loudunais Energies 2 ne peut utilement soutenir que les avis des 5 mai et 22 août 2022 seraient dépourvus de base légale compte tenu de l'illégalité de l'article R. 181-32 du code de l'environnement et de l'article 4 de l'arrêté du 26 août 2011 qui auraient été édictés sans évaluation environnementale préalable en méconnaissance de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, transposée aux articles L. 122-4 et suivants du code de l'environnement et à l'article R. 122-17 de ce même code.
17. En septième lieu, la société requérante soutient que le ministre des armées a entaché les avis défavorables émis les 5 mai et 22 août 2022 d'erreurs d'appréciation quant à la gêne que le projet est susceptible de présenter pour les capacités de détection du radar militaire de Cinq-Mars-La-Pile qui contribue notamment à la surveillance d'un secteur comportant une centrale nucléaire. Tout d'abord, la société Loudunais Energies 2 ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance que son projet respecterait les critères, notamment de distance, fixés par l'instruction n° 1050/DSAE/DIRCAM relative aux traitements des dossiers obstacles du
9 juillet 2018, cette instruction ayant été modifiée dans la version de cette instruction du
16 juin 2021, qui a été annulée et remplacée par une instruction du 16 juin 2021, elle-même abrogée par l'instruction n° 1051 du 2 juin 2022. Elle ne peut non plus sérieusement se prévaloir du bénéfice de préconsultations réalisées dans le cadre de l'instruction de son projet, le ministre des armées n'ayant pas expressément répondu à ces demandes, dont la réponse ne saurait en tout état de cause lier l'appréciation finale de l'administration. Ensuite, il résulte de l'instruction et en particulier des éléments mentionnés par le ministre des armées dans ses écritures et de la version déclassifiée du rapport du centre d'expertise aérienne militaire de 2019 relatif à l'impact des éoliennes sur la détection radar, dont la pertinence n'est pas sérieusement remise en cause par la société requérante, que la présence d'éoliennes est à l'origine de plusieurs phénomènes, de faux plots primaires, de masquage et de désensibilisation jusqu'à une distance de 70 km, perturbant de façon significatives les capacités de détection des radars. En l'espèce, il résulte des éléments au dossier et en particulier de l'étude TIMOR réalisée par la brigade aérienne de la posture permanente de sûreté air du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes, qui tient compte de l'ensemble des caractéristiques de l'environnement contrairement à ce que soutient la société requérante, que les éoliennes du projet sont en intervisibilité électromagnétique avec le radar militaire de Cinq Mars-La-Pile et que leur présence est de nature à dégrader les performances de ce radar, notamment nécessaire pour la détection à proximité de la zone particulièrement sensible dite " Chinon Avoine " où se situe une centrale nucléaire. Cette note présente le résultat des calculs sur les coupes de terrain s'agissant des éoliennes n° 1 et n° 2 du projet, dont l'administration indique sans être sérieusement contestée qu'elles sont représentatives de l'ensemble du parc. Enfin, le ministre des armées ayant apprécié de façon circonstanciée la gêne que le parc éolien litigieux était susceptible de représenter pour les capacités de détection du radar militaire de Cinq-Mars-La-Pile, la société requérante ne peut utilement se prévaloir, pour remettre en cause son appréciation, d'éléments d'ordre général tels que l'existence de nombreuses éoliennes à proximité d'autres centrales nucléaires ou de l'existence de critiques qui auraient été émises la Commission européenne et le Conseil de l'Europe sur l'existence d'une zone de coordination de 30 km autour d'un radar en France. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il ne résulte pas de l'instruction que les avis défavorables au projet émis par le ministre des armées seraient entachés d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne les moyens relatifs aux vices propres de l'arrêté du 1er septembre 2022 :
18. Aux termes de l'article R. 181-34 du code de l'environnement : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : (...) 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable (...) ".
19. Ainsi qu'il a été rappelé au point 3 ci-dessus et qu'il résulte des dispositions précitées, le préfet de la Vienne était en situation de compétence liée pour rejeter la demande d'autorisation environnementale présentée par la société Loudunais Energies 2 en raison des avis défavorables émis par le ministre des armées. Les moyens tirés de ce que l'arrêté du
1er septembre 2022 serait entaché d'un défaut de motivation et d'une erreur d'appréciation doivent, par suite, être écartés comme inopérants.
20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise avant dire droit, que la société Loudunais Energies 2 est irrecevable à demander l'annulation des avis des 22 août et 25 octobre 2022 et non fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vienne du 1er septembre 2022. Ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction doivent, par suite, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
21. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société Loudunais Energies 2 au titre des frais exposés pour les besoins du litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande du ministre des armés présentée sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Loudunais Energies 2 est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre des armées et des anciens combattants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Loudunais Energies 2 et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Copie en sera adressée au préfet de la Vienne et au ministre des armées et des anciens combattants.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
Kolia Gallier KerjeanLa présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22BX02745 2