Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision de rejet implicite par laquelle le préfet de La Réunion a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du 24 novembre 2020 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et d'annuler le refus d'enregistrement de sa demande de titre de séjour formulé le 3 mars 2023.
Par un jugement n° 2300890 du 17 juillet 2024, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du préfet refusant d'enregistrer la demande de titre de séjour de M. A..., a enjoint au préfet de La Réunion d'enregistrer sa demande de titre de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 août 2024, le préfet de La Réunion demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°2300890 du tribunal administratif de La Réunion du 17 juillet 2024 ;
2°) de rejeter la demande de M. A... dans son entier.
Il soutient que :
- M. A... n'a pas exécuté la mesure d'éloignement prise à son encontre le 24 novembre 2020 et ne produit aucun élément nouveau au soutien de sa nouvelle demande de titre de séjour ;
- la communauté de vie de M. A... avec son épouse, la contribution à l'entretien et l'éducation de son enfant et ses efforts d'intégration professionnelle résultent uniquement de son maintien illégal sur le territoire français ;
- sa demande de titre de séjour le 3 mars 2023 constituait une manœuvre dilatoire pour se maintenir en France.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Clémentine Voillemot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 24 novembre 2020, le préfet de La Réunion a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A..., de nationalité comorienne, né le 28 avril 1976, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Cet arrêté est devenu définitif. Le 3 mars 2023, M. A... s'est présenté avec son conseil au guichet d'accueil des étrangers de la préfecture pour demander une nouvelle fois un titre de séjour et un refus d'enregistrement lui a été opposé. Le préfet de La Réunion relève appel du jugement du 17 juillet 2024 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 3 mars 2023 et lui a enjoint de procéder à l'enregistrement de la demande de titre de séjour de M. A....
2. Aux termes aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial. La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...) ". Aux termes de l'article R. 431-12 du même code : " L'étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise. / (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'en dehors du cas d'une demande à caractère abusif ou dilatoire, l'autorité administrative chargée d'instruire une demande de titre de séjour ne peut refuser de l'enregistrer, et de délivrer le récépissé y afférent, que si le dossier présenté à l'appui de cette demande est incomplet. Le caractère abusif ou dilatoire de la demande doit s'apprécier compte tenu d'éléments circonstanciés. Dès lors que le préfet dispose toujours de la faculté de faire usage de son pouvoir discrétionnaire en vue de régulariser la situation d'un ressortissant étranger, le simple fait que l'étranger a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire ne suffit pas à caractériser une demande de titre de séjour abusive ou dilatoire.
4. D'une part, pour refuser d'instruire la demande de titre de séjour de M. A..., le préfet de La Réunion s'est fondé sur la circonstance que le requérant a fait l'objet, le 24 novembre 2020, d'une mesure d'éloignement qu'il n'établit pas avoir exécutée. Toutefois, ce motif, alors qu'aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonne l'examen d'une demande de titre de séjour à la condition de l'exécution préalable, par le demandeur, de la mesure d'éloignement dont il serait éventuellement l'objet, ne pouvait valablement justifier le refus de procéder à l'instruction de la demande.
5. D'autre part, il est constant que M. A... est marié depuis le 31 décembre 2013 avec une compatriote, titulaire d'une carte de résident française et mère de quatre enfants, dont certains de nationalité française, qui a vocation à rester en France. Un des enfants, né le 20 septembre 2018, est issu de cette union et il n'est pas contesté que M. A... résidait en France avec sa famille au moins depuis 2019. Au soutien de la demande de titre de séjour dont l'enregistrement a été refusé, le 3 mars 2023, M. A... produisait des pièces en vue de justifier de sa résidence en France avec sa famille depuis le précédent arrêté de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français du 24 novembre 2020. Sa nouvelle demande de titre de séjour comportait les pièces de nature à justifier de la vie commune avec son épouse et son enfant, des pièces susceptibles de démontrer qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de ce dernier depuis plusieurs années et des éléments relatifs à ses efforts d'intégration en France. Le fait que ces éléments soient en lien avec son maintien en situation irrégulière sur le territoire français est sans incidence sur la réalité de la durée de la vie commune avec son épouse, sur sa contribution à l'entretien et l'éducation de leur fils et sur ses démarches en vue son intégration. Dans ces circonstances, la demande de M. A... ne présentait pas un caractère abusif ou dilatoire et, comme l'a jugé le tribunal administratif de La Réunion, le préfet ne pouvait légalement refuser d'enregistrer sa demande.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de La Réunion n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 3 mars 2023 refusant de procéder à l'enregistrement de la demande de titre de séjour de M. A... et lui a enjoint de procéder à cet enregistrement.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de La Réunion est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Une copie en sera adressée pour information au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2024.
La rapporteure,
Clémentine Voillemot
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°24BX02011