Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin, sous le n° 2100018 d'annuler la décision du 3 novembre 2020 par laquelle la directrice du centre hospitalier Louis-Constant Fleming l'a licencié, d'enjoindre sous astreinte à cette autorité de le réintégrer dans ses fonctions, et de condamner le centre hospitalier à lui verser une indemnité d'un montant total de 187 610,75 euros, et sous le n° 2100021 d'annuler la décision par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle, d'enjoindre sous astreinte au centre hospitalier Louis-Constant Fleming de lui accorder la protection fonctionnelle, et de condamner le centre hospitalier à lui verser une indemnité de 100 000 euros.
Par un jugement nos 2100018, 2100021 du 6 juillet 2022, le tribunal a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 septembre 2022 et des mémoires enregistrés
le 10 janvier 2023 et le 5 février 2023, M. B..., représenté par Me Amson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision de licenciement du 3 novembre 2020, d'enjoindre au centre hospitalier Louis-Constant Fleming de le réintégrer dans ses fonctions ou dans des fonctions équivalentes dès la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui verser l'ensemble des traitements et primes dus entre le 5 février 2021 et cette réintégration, avec reconstitution de ses droits sociaux et de ses droits à la retraite, et enfin de condamner le centre hospitalier à lui verser une indemnité de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral ; à titre subsidiaire, en l'absence d'injonction de réintégration, de condamner le centre hospitalier à lui verser une indemnité de 167 610,75 euros correspondant aux traitements qui lui auraient été versés entre février 2021 et son départ en retraite en mai 2027, et de dire que l'annulation de la décision de licenciement entraînera la reconstitution de ses droits sociaux et de ses droits à la retraite ; à titre infiniment subsidiaire, de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 9 995,70 euros correspondant à la part de l'indemnité de licenciement qui ne lui a pas été versée ;
3°) d'annuler la décision implicite de refus de protection fonctionnelle de l'ARS de Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, d'enjoindre au centre hospitalier Louis-Constant Fleming et à l'ARS de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à compter
du 2 décembre 2019 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de dire que la protection fonctionnelle entraînera la prise en charge des frais qu'il a engagés dans le cadre des trois procédures devant le tribunal administratif et de la procédure devant la cour administrative d'appel ;
4°) de condamner solidairement le centre hospitalier Louis-Constant Fleming et l'ARS de Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy à lui verser une indemnité de 100 000 euros au titre de ses préjudices matériels et moraux ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier Louis-Constant Fleming et de l'ARS de Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy une somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne le licenciement :
- la convocation à l'entretien préalable, rendue obligatoire par l'article 41-6 du décret n° 91-155 du 6 février 1991, a été envoyée à son ancienne adresse alors qu'il avait informé son employeur de sa nouvelle adresse du côté hollandais de Saint-Martin dès le 30 avril 2020 ; la circonstance que son nom figurait toujours sur la boîte aux lettres de son ancienne adresse ne signifiait pas qu'il continuait à y résider, et les certificats d'arrêt de maladie mentionnaient la nouvelle adresse ; en tout état de cause, les règles de confinement et la suspension de son laisser passer le plaçaient dans l'impossibilité matérielle de retirer la convocation à Saint-Barthélemy ;
- le centre hospitalier n'a pas examiné sérieusement la possibilité d'un reclassement, en méconnaissance des dispositions de l'article 41-5 du décret du 6 février 1991 ;
- alors que les difficultés rencontrées à l'hôpital s'expliquaient par des mésententes internes, que son activité générait des recettes supérieures aux recettes moyennes des autres types de chirurgie, représentant environ 12,5 % des recettes totales du département de chirurgie, et que la réorganisation du service ne constituait qu'un prétexte pour le licencier, après plusieurs tentatives pour d'autres motifs, c'est à tort que le tribunal a jugé que son activité ne correspondait pas à une priorité de santé publique au regard des enjeux spécifiques du territoire ; le centre hospitalier ne démontre ni que les autres activités de chirurgie auraient nécessité la suppression de la chirurgie plastique et reconstructrice, ni que l'ARS aurait approuvé la réorganisation de l'activité, et il avait été placé à temps partiel à sa demande, pour débuter une activité au centre hospitalier de Kourou ;
- s'il n'est pas contesté que l'avis de la commission médicale d'établissement (CME) n'était que consultatif, la décision de licenciement n'indique pas les raisons pour lesquelles l'avis défavorable de la CME n'a pas été suivi ;
- l'annulation de la décision de licenciement doit entraîner sa réintégration sans délai, avec une reconstitution de sa carrière et le versement de l'ensemble des traitements et primes qui auraient dû lui être versés entre le 5 février 2021 et la date de sa réintégration ; à défaut d'injonction de réintégration, il devrait être indemnisé de l'intégralité des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision de licenciement ; son préjudice matériel s'élève à 167 610,75 euros au titre des traitements et des primes qu'il aurait dû percevoir de février 2021 à mai 2027, dès lors qu'il aurait pu continuer à exercer ses fonctions jusqu'à l'âge de 70 ans, et sa carrière devra être reconstituée afin de le rétablir dans ses droits sociaux et ses droits à la retraite ; il sollicite 20 000 euros au titre de son préjudice moral ;
- à titre subsidiaire, si la cour n'annulait pas la décision de licenciement, l'indemnité de licenciement a été calculée sur la base d'un salaire brut de référence de 1 612,59 euros au lieu
de 2 764,61 euros ; en tenant compte d'un salaire brut de 2 303,75 euros et de la majoration
de 20 % applicable au personnel médical exerçant à Saint-Martin, l'indemnité de licenciement s'élève à 24 881,49 euros (2 764,61 euros x 9 ans) au lieu de 14 885,79 euros ; le centre hospitalier doit ainsi être condamné à lui verser une somme complémentaire de 9 995,70 euros ; ces conclusions sont recevables dès lors que par une ordonnance n° 2100074 du 30 juin 2021, le juge des référés a rejeté sa demande de condamnation du centre hospitalier à lui verser cette somme à titre de provision au motif que la requête par laquelle il contestait la décision de licenciement était à l'instruction ;
En ce qui concerne le refus de protection fonctionnelle :
- l'ARS a versé aux débats, en cours de procédure, la décision expresse
du 4 décembre 2020, dont il n'avait pas connaissance et dont la notification était irrégulière en l'absence de dépôt d'un avis de passage à sa nouvelle adresse ; ses conclusions dirigées contre la décision implicite née le 26 décembre 2020 ont été requalifiées à bon droit par le tribunal comme dirigées contre la décision expresse ;
- les agissements de harcèlement moral ne se limitent pas à ceux invoqués dans sa plainte pénale classée sans suite, laquelle visait la directrice du centre hospitalier à titre personnel ; alors qu'aucun reproche ne lui avait été adressé auparavant, il a reçu en six mois trois convocations irrégulières faisant mention d'un éventuel licenciement ; son laisser passer a été suspendu le 6 mai 2020 à l'initiative de la directrice ; cette dernière a refusé de répondre à trois demandes de rendez-vous qui avaient pour objet d'aborder l'ensemble des difficultés liées à sa situation ; comme il a été démontré précédemment, le motif de licenciement était infondé ; ainsi, la décision de refus de protection fonctionnelle doit être annulée ;
- en refusant de sanctionner les agissements de la directrice, le centre hospitalier lui a causé un préjudice matériel caractérisant une " mise à mort professionnelle et sociale " en l'absence d'autre établissement lui permettant d'exercer ses fonctions sur l'île de Saint-Martin ; l'ARS et le centre hospitalier doivent être condamnés à lui verser la somme de 100 000 euros au titre de son préjudice matériel et moral, qu'il avait sollicitée dans sa demande de protection fonctionnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 décembre 2022, l'ARS de Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, représentée par le cabinet Archys Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- M. B... a demandé au tribunal d'annuler une décision implicite par laquelle la directrice du centre hospitalier aurait implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle ; cette demande était irrecevable dès lors que seule la décision du 4 décembre 2020 prise par la directrice générale de l'ARS était susceptible de recours ; M. B... ne l'ayant
pas contestée dans le délai de recours, les conclusions dirigées contre la décision
du 4 décembre 2020 et les conclusions à fin d'injonction étaient irrecevables ;
- les prétendus refus de rendez-vous étaient dus à l'absence prolongée de l'intéressé, placé en congé de maladie puis en congés annuels ; M. B... a bénéficié d'un laisser-passer délivré par la préfecture et remis à son épouse à son domicile de Sint Maarten ; le licenciement initié en 2020 n'était pas motivé par les conflits au bloc opératoire, mais par la nature de l'activité de M. B..., et il a été décidé dans l'intérêt du service ; la directrice du centre hospitalier, n'ayant jamais rencontré M. B... qui ne s'est pas présenté aux entretiens auxquels il était convoqué et avait été absent la plus grande partie de l'année, n'a pas pu être à l'origine d'une dégradation de ses conditions de travail ; c'est ainsi à bon droit que le tribunal n'a pas retenu de harcèlement moral ;
- en tout état de cause, les frais de procédure dans le cadre de la protection fonctionnelle n'incomberaient pas à l'ARS mais au centre hospitalier ;
- en l'absence de réclamation préalable, les conclusions indemnitaires sont irrecevables en ce qu'elles tendent à la condamnation de l'ARS ; au surplus, l'existence d'un lien de causalité entre le refus de protection fonctionnelle et les préjudices dont il est demandé réparation n'est pas démontrée, et la demande est manifestement excessive.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 janvier 2023, le centre hospitalier
Louis-Constant Fleming, représenté par la SELARL GZB, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
En ce qui concerne la décision de licenciement :
- l'adresse de M. B... connue de l'administration était celle qui figurait sur ses contrats et ses fiches de paie, et il n'en a jamais demandé le changement ; la convocation à l'entretien préalable et la lettre de licenciement ont ainsi été régulièrement notifiés à cette adresse, à laquelle se trouvait une boîte aux lettres avec son nom et celui de sa société ; les courriers ont également été notifiés à l'adresse figurant sur les arrêts de travail, dans la partie hollandaise de l'île, par un huissier ayant non seulement laissé un avis de passage, mais aussi déposé les courriers sur la porte du domicile de M. B..., lequel en a nécessairement eu connaissance ;
- les dispositions applicables du code de la santé publique n'imposent pas de proposer un reclassement à un praticien hospitalier dont le poste est supprimé pour réorganisation du service ; en tout état de cause, il n'y avait pas d'autre poste correspondant aux compétences de M. B... ;
- l'activité de chirurgie plastique et reconstructrice a été supprimée afin de concentrer les plages opératoires sur les prises en charge engageant le pronostic vital et fonctionnel des populations de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, de sorte que le bien-fondé du motif de licenciement n'est pas contestable ;
- le fait de ne pas avoir suivi l'avis de la CME est sans incidence sur la légalité de la décision de licenciement ;
- en tout état de cause, le préjudice moral allégué n'est pas justifié, et M. B..., qui exerce désormais dans une clinique en Corse, ne pourrait prétendre à ni une réintégration, ni à une indemnité au titre d'une perte de rémunération ;
- les conclusions relatives à la liquidation de l'indemnité de licenciement, qui relèvent d'un contentieux distinct de celui de la légalité de la décision de licenciement, sont irrecevables ;
En ce qui concerne le refus de protection fonctionnelle :
- dès lors que la décision ne pouvait être prise que par l'ARS, les conclusions dirigées
à l'encontre du centre hospitalier sont irrecevables ; au demeurant, la décision expresse
du 4 décembre 2020, notifiée aux deux adresses de M. B..., n'a pas été contestée dans le délai de recours contentieux ;
- à titre subsidiaire, les faits invoqués par M. B... ne démontrent pas l'existence d'un harcèlement moral à son encontre, et les préjudices invoqués sont sans lien avec le refus de protection fonctionnelle.
Par ordonnance du 10 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 mars 2023.
Un mémoire présenté pour le centre hospitalier Louis-Constant Fleming a été enregistré le 27 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., médecin spécialisé en chirurgie plastique, a été recruté en qualité de praticien attaché à temps partiel par le centre hospitalier Louis-Constant Fleming de Saint-Martin, sous contrat à durée déterminée à compter du 1er février 2012, puis à durée indéterminée à compter du 1er août 2017. Par une décision du 3 novembre 2020, la directrice du centre hospitalier l'a licencié pour suppression de son emploi du fait de la réorganisation des activités de chirurgie. M. B... a saisi le tribunal administratif de Saint-Martin d'une première demande, enregistrée sous le n° 2100018, d'annulation de cette décision, d'injonction à la directrice du centre hospitalier de le réintégrer dans ses fonctions, et de condamnation de l'hôpital à lui verser une indemnité d'un montant total de 187 610,75 euros en réparation
des préjudices qu'il estimait avoir subis. Par ailleurs, par une seconde requête enregistrée sous le n° 2100021, M. B... a demandé au tribunal d'annuler une décision implicite de refus de protection fonctionnelle née le 26 décembre 2020, d'enjoindre sous astreinte au centre hospitalier Louis-Constant Fleming de lui accorder la protection fonctionnelle, et de condamner cet établissement à lui verser une indemnité de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral et financier. Il relève appel du jugement du 6 juillet 2022 par lequel le tribunal, qui a joint les demandes, les a rejetées.
Sur le licenciement :
En ce qui concerne la légalité de la décision du 3 novembre 2020 :
2. En premier lieu, la lettre du 14 octobre 2020 par laquelle la directrice du centre hospitalier a convoqué M. B... à un entretien le 26 octobre 2020 en vue de son licenciement, envoyée par pli recommandé à son adresse de Saint-Barthélemy connue de son employeur, a été retournée à l'expéditeur avec la mention " avisé le 21/10/20 et non réclamé ". M. B... recevait à cette adresse ses bulletins de salaire, qu'il produit pour les mois de février 2020 à janvier 2021, et il ressort d'un constat d'huissier que son nom figurait encore sur la boîte aux lettres le 14 janvier 2021. Si M. B... se prévaut d'un courriel du 30 avril 2020 par lequel, en période de confinement, il a demandé au service des ressources humaines de lui faire parvenir un laisser-passer à une adresse dans la partie hollandaise de l'île de Saint-Martin, il n'établit ni même n'allègue avoir répondu à la demande de la directrice du centre hospitalier, par lettre
du 7 mai 2020, de confirmer ou actualiser ses coordonnées postales à Saint-Barthélemy en possession du service. Par suite, il n'est pas fondé à se prévaloir d'une irrégularité de sa convocation à l'entretien préalable à son licenciement prévu par le centre hospitalier.
3. En deuxième lieu, aucune disposition n'imposait de motiver le refus de suivre l'avis défavorable au licenciement émis par la commission médicale d'établissement (CME).
4. En troisième lieu, si M. B... fait valoir, dans le dernier état de ses écritures, que son reclassement n'aurait pas été " sérieusement " envisagé, il ne critique pas les mentions de la décision attaquée constatant qu'après la suppression de l'activité de chirurgie plastique, le centre hospitalier ne pourrait lui proposer un reclassement en l'absence de poste correspondant à ses qualifications.
5. En quatrième lieu, selon la décision du 3 novembre 2020, le programme régional de santé adopté le 5 juillet 2018 fixait un objectif de réorganisation de l'hôpital en vue d'optimiser l'utilisation des moyens humains et techniques, afin de répondre aux priorités établies par la tutelle ainsi qu'au projet médico-soignant de territoire qui en est la traduction stratégique et opérationnelle, dont il résultait que les activités de chirurgie plastique et reconstructrice ne constituaient pas une priorité de santé publique à maintenir. Ces références ne sont pas contestées. Lors de la réunion de la CME du 22 juin 2020, la directrice du centre hospitalier a rappelé que l'établissement, de taille modeste et seul recours hospitalier sur un territoire isolé, devait se concentrer sur les disciplines de base pour répondre à l'urgence et assurer les soins les plus courants et nécessaires en fonction du plateau technique. Elle a précisé qu'il existait plusieurs semaines voire mois d'attente pour des interventions en ophtalmologie, en endoscopie ou en urologie, qu'il convenait de libérer des plages du bloc opératoire pour répondre à ces besoins non satisfaits, que la chirurgie plastique ne relevait pas de l'urgence, et que la directrice générale de l'agence régionale de santé (ARS) avait clairement affirmé que l'établissement n'aurait pas d'autorisation pour la chirurgie esthétique que le docteur B... souhaitait développer. En se bornant à se prévaloir de ce que son activité aurait généré environ 12,5 % des recettes totales du département de chirurgie, M. B... ne conteste pas utilement le bien-fondé de la suppression de l'activité de chirurgie plastique au regard d'un recentrage des activités du centre hospitalier Louis-Constant Fleming sur l'urgence et les soins courants, dont la chirurgie plastique et reconstructrice ne relève pas. Par suite, et alors même qu'un licenciement pour faute avait été initialement envisagé, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction et d'indemnisation :
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer une illégalité de la décision de licenciement. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction de réintégration et de condamnation du centre hospitalier Louis-Constant Fleming à l'indemniser des pertes de revenus et du préjudice moral qu'il estime avoir subis du fait d'un licenciement illégal doivent être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions subsidiaires relatives à l'indemnité de licenciement :
7. Si M. B... a demandé au tribunal de lui " donner acte de ce qu'il se réserve la possibilité de solliciter le règlement de tout ou partie de l'indemnité de licenciement ", il ne l'a saisi d'aucun litige relatif à cette indemnité. Sa demande de condamnation du centre hospitalier à lui verser une somme complémentaire de 9 995,70 euros relève ainsi d'un litige distinct de celui dont la cour est saisie. Pour contester cette irrecevabilité, M. B... ne peut utilement se prévaloir de ce que, par une ordonnance n° 2100074 du 30 juin 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin a refusé de condamner l'hôpital à lui verser la somme de 9 995,70 euros à titre de provision, au motif que l'instruction alors en cours du litige relatif au licenciement faisait obstacle à ce que la demande de provision sur l'indemnité de licenciement puisse être regardée comme non sérieusement contestable.
Sur le refus de protection fonctionnelle :
8. Par lettre recommandée reçue le 26 octobre 2020, M. B... a demandé au centre hospitalier Louis-Constant Fleming de lui accorder la protection fonctionnelle dans le cadre de la plainte pénale qu'il avait déposée à l'encontre de la directrice de cet établissement, et de lui verser une somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait d'un harcèlement moral. La directrice du centre hospitalier, personnellement mise en cause, a transmis la demande à la directrice générale de l'ARS, laquelle l'a rejetée par une décision du 4 décembre 2020. Le tribunal a requalifié les conclusions à fin d'annulation d'une décision implicite de rejet présentées par M. B... comme dirigées contre la décision expresse du 4 décembre 2020.
9. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". Aux termes du IV de l'article 11 de la même loi : " La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. "
10. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
11. M. B..., qui se plaint essentiellement du comportement de Mme D..., directrice du centre hospitalier ayant pris ses fonctions en janvier 2020, fait valoir que le harcèlement aurait commencé dès le mois de décembre 2019 en se prévalant de " trois convocations irrégulières faisant mention d'un éventuel licenciement " en un peu plus de six mois, alors qu'aucun reproche ne lui avait été adressé auparavant. Toutefois, seule la lettre de l'administratrice provisoire du 2 décembre 2019 le convoquant à un entretien en vue de son licenciement a fait état d'un comportement fautif, sans qu'aucune procédure disciplinaire ait été ultérieurement engagée. Les deux convocations suivantes par Mme D..., réitérées en raison d'arrêts de travail de M. B... aux dates prévues des entretiens, ne mentionnaient plus le motif du licenciement envisagé. M. B... se plaint en outre d'une suspension, à l'initiative de la directrice, en mai 2020, de son laisser-passer pour franchir la frontière entre les parties française et hollandaise de l'île, alors nécessaire en raison de la crise sanitaire et délivré pour les déplacements professionnels visant à assurer la continuité des soins. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il était alors en congé de maladie, de sorte qu'il ne se trouvait pas dans une situation justifiant un laisser-passer, et il ne démontre pas que cette suspension l'aurait empêché de reprendre le travail à l'issue de ce congé. Si Mme D... n'a pas répondu aux courriels des 13 janvier et 27 mai 2020 et à la lettre du 9 février 2020 par lesquels M. B... lui demandait un rendez-vous au sujet de sa situation, lui-même n'a pas donné suite aux convocations de la directrice du centre hospitalier. Enfin, ainsi qu'il a été exposé au point 5, le licenciement était justifié par le caractère non prioritaire de la chirurgie plastique et reconstructrice dans le cadre d'une réorganisation de l'hôpital privilégiant les soins les plus courants et nécessaires. Dans ces circonstances, et alors au demeurant que la plainte pénale a été classée sans suite, les éléments invoqués par M. B... ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.
12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que les conclusions aux fins d'annulation du refus de protection fonctionnelle et d'indemnisation des préjudices invoqués à raison d'un harcèlement moral doivent être rejetées.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses demandes.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
14. M. B..., qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à l'occasion du présent litige, ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'ARS Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera une somme de 1 500 euros au centre hospitalier Louis-Constant Fleming et une somme de 1 500 euros à l'ARS Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au centre hospitalier Louis-Constant Fleming et à la ministre de la santé et de l'accès aux soins. Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Antoine Rives, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.
La rapporteure,
Anne A...
La présidente,
Catherine GiraultLe greffier,
Fabrice Benoit
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX02396