Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 17 septembre 2021 par laquelle le directeur du Pôle de santé du Villeneuvois l'a suspendue sans traitement à compter du 21 septembre 2021.
Par jugement n° 2105287 du 30 juin 2022, le tribunal a annulé la décision du 17 septembre 2021 en tant qu'elle prévoit une entrée en vigueur au 21 septembre 2021 et a rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 août 2022, le groupement de coopération sanitaire (GCS) Pôle de santé du Villeneuvois, représenté par Me Munier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu que Mme A... était déjà en congé de maladie à la date à laquelle la décision de suspension a été prise ; Mme A... avait elle-même indiqué dans ses écritures de première instance qu'elle avait été arrêtée le 18 septembre 2021 et il n'a reçu l'avis d'arrêt de travail que le 20 septembre suivant ;
- Mme A... a été informée qu'il lui appartenait de respecter les dispositions de la loi du 5 août 2021 mais n'a manifesté à aucun moment son intention de respecter l'obligation vaccinale contre la Covid-19 ; elle s'est mise elle-même dans l'impossibilité de poursuivre son activité ;
- par sa décision n° 458353 du 22 octobre 2022, le Conseil d'Etat ne s'est prononcé que sur la situation des personnels soignants déjà placés en congé de maladie à la date de la mesure de suspension ;
- le 16 septembre 2021, Mme A... s'est vue remettre un courrier en mains propres l'informant des conséquences du non-respect de l'obligation vaccinale, et a fait savoir qu'elle était favorable à une prise de congés pour régulariser sa situation jusqu'au 20 septembre 2021 ;
- selon l'ordonnance n° 457230 du Conseil d'Etat, la qualité de professionnel de santé et l'obligation vaccinale sont indissociables, et seule une contre-indication médicalement reconnue pourrait permettre une absence de vaccination.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Munier, représentant le groupement de coopération sanitaire (GCS) Pôle de santé du Villeneuvois.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., aide-soignante titulaire, a été recrutée par le Pôle de santé du Villeneuvois le 1er avril 2004 et était affectée à l'EHPAD de Gajac. Le 17 septembre 2021, le directeur du Pôle de santé du Villeneuvois l'a suspendue de ses fonctions sans traitement à compter du 21 septembre 2021 au motif qu'elle n'avait pas respecté l'obligation vaccinale contre le virus de la covid-19 à laquelle elle était soumise. Le groupement de coopération sanitaire (GCS) Pôle de santé du Villeneuvois relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 juin 2022 annulant cette décision en tant qu'elle prévoit une entrée en vigueur au 21 septembre 2021.
Sur l'étendue du litige :
2. Par le jugement attaqué n° 2105287 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, par son article 1er, la décision du directeur du pôle de santé du Villeneuvois du 17 septembre 2021 prononçant une suspension sans traitement à compter du 21 septembre 2021 à l'égard de Mme A... en tant seulement qu'elle prévoit une entrée en vigueur à cette date et, par son article 3, a rejeté le surplus des conclusions de la requête, lesquelles tendaient à l'annulation de la décision du 17 septembre 2021 dans sa totalité. Le pôle de santé du Villeneuvois ayant obtenu satisfaction à cet égard, son appel doit être regardé comme portant uniquement sur l'article 1er du dispositif du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : 1° Les personnes exerçant leur activité dans : a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l'article L. 6147-7 du même code ; (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette même loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. (...) ". Aux termes de l'article 14 de cette loi : " I. - (...) B - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / (...) / III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I (...). Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que si le directeur d'un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu'à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l'agent en question.
5. En l'espèce, alors qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité d'une décision individuelle à la date à laquelle elle a été prise, il ressort des pièces du dossier qu'à la date d'édiction de la décision du 17 septembre 2021, Mme A... ne se trouvait pas en congé de maladie. La circonstance postérieure qu'elle a bénéficié d'un tel congé à compter du 18 septembre 2021 était seulement de nature à lui permettre, si elle s'y croyait fondée, de solliciter l'abrogation de la mesure de suspension de fonctions ainsi que de celle suspendant son traitement qui lui est associée en tant qu'elles fixaient chacune une entrée en vigueur au 21 septembre 2021, à l'issue des congés ordinaires qui lui avaient alors été accordés, mais demeurait sans incidence sur la légalité de ces mesures. Dès lors, l'établissement de santé requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, pour annuler la décision du 17 septembre 2021 en ce qu'elle prend effet au 21 septembre 2021, ont estimé que le directeur du Pôle de santé du Villeneuvois ne pouvait légalement fixer une telle date de prise d'effet.
6. Aucun des moyens soulevés par Mme A... dans sa requête de première instance ne serait susceptible, s'il était fondé, d'emporter l'annulation de la décision du 17 septembre 2021 en tant seulement qu'elle prévoit une entrée en vigueur au 21 septembre 2021. Par suite, le pôle de santé du Villeneuvois est fondé à demander l'annulation de l'article premier du jugement attaqué.
Sur les frais d'instance :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le GCS Pôle de Santé du Villeneuvois sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2105287 du tribunal administratif de Bordeaux du 30 juin 2022 est annulé en ce qu'il annule la décision du 17 septembre 2021 en tant qu'elle prévoit une entrée en vigueur au 21 septembre 2021.
Article 2 : Les conclusions présentées par le GCS Pôle de santé du Villeneuvois au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement de coopération sanitaire Pôle de santé du Villeneuvois et à Mme C... A....
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault présidente de chambre,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Antoine Rives, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.
Le rapporteur,
Antoine B...
La présidente,
Catherine GiraultLe greffier,
Fabrice Benoit
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties priées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX02357 2