Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 juillet 2022, des mémoires complémentaires enregistrés les 10 juillet et 9 novembre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, l'association Combrailles Attractives, la commune d'Evaux-les-Bains, M. H... M..., M. F... L..., M. J... et Mme E... C..., Mme A... L... épouse K..., M. N... I..., M. G... B..., représentés par Me Cadro, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 11 mars 2022 par lequel la préfète de la Creuse a autorisé la société Centrale éolienne de production d'électricité (CEPE) la Croix des Trois à installer et exploiter un parc éolien sur les communes de Fontanières et d'Evaux-les-Bains ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt à agir ;
S'agissant de l'étude d'impact :
- l'étude acoustique est insuffisante ; une mesure de campagne de vent aurait dû être réalisée en hiver ; à défaut, le porteur du projet n'a pas caractérisé l'état sonore initial ; aucune prise de mesure n'a été effectuée au niveau du hameau Le Buissonnet, hameau accueillant les habitations les plus proches du futur parc ; de jour, le seuil de 35 dB est largement dépassé en tout point de mesure ;
- l'effet visuel cumulé avec le parc de Chambonchard a été insuffisamment analysé ; aucun photomontage n'a été réalisé en venant de Montluçon (axe très fréquenté) en sortie de Budelière, où l'on découvre le bourg d'Evaux-les-Bains qui surplombe la vallée de la Tardes et où passera la voie verte ; l'étude d'impact n'a pas mis en évidence cette covisibilité avec la collégiale Saint-Pierre-et-Saint-Paul classée monument historique depuis 1841 ;
- le dossier de déclaration au titre de la loi sur l'eau est insuffisant compte tenu de la présence de plusieurs zones humides éparses au sein de l'aire d'étude immédiate ; 8 217 m² de zones humides vont être détruits; le document ne répond pas aux exigences du a) de l'article R. 234-32 du code de l'environnement ; les impacts potentiels sur les zones humides des deux postes de livraisons et du raccordement des éoliennes entre elles, long de 2 340 mètres, n'ont pas été mentionnés ; aucune information n'est donnée sur l'incidence du projet sur la ressource en eau hormis du point de vue de la pollution éventuelle, s'agissant du rechargement de la nappe phréatique, du ralentissement des eaux de ruissellement ou encore des sources dépendantes du site du Bois de Roche" où est implantée l'éolienne E3 ; les mesures compensatoires ne sont pas suffisamment développées ; le dossier ne justifie pas de la compatibilité du projet avec le SAGE Cher Amont ;
- l'avis de la commission de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) est irrégulier et de nature à nuire à l'information du public et à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ; le président n'avait pas à intervenir pour renverser un avis défavorable des membres de la commission ; la préfète s'est appuyée sur un avis non conforme pour prendre sa décision ;
- le projet porte atteinte à la protection de la biodiversité :
- il aura un impact sur les oiseaux de petites tailles, compte tenu de la perte de zone de nidification estimée à 37,5 ha ; les Vanneaux huppés seront confrontés à un effet barrière et à une perte de zone d'hivernage ;
- il aura un impact sur les rapaces ; il présente un risque de collision très important pour le Milan royal, le Busard cendré, le Busard Saint-Martin, le Milan noir ; la mesure d'évitement des sites n'a pas été mise en œuvre ; les mesures de réductions sont insuffisantes ;
- la variante d'implantation n°3 ne respecte pas les distances d'éloignement et portera une atteinte démesurée aux chiroptères, malgré les mesures de bridages ;
- le projet portera atteinte à la population de Sonneur à ventre jaune ;
- un dossier de demande de dérogation aux espèces protégées devait être déposé pour l'avifaune, a minima, pour le Balbuzard pêcheur, la Bondrée apivore, le Busard cendré, le Busard des roseaux, le Busard St-Martin, le Milan noir, le Milan royal, le Vautour fauve et pour les chiroptères : Barbastelle d'Europe, Noctule commune, Noctule de Leisler, Pipistrelle commune, Pipistrelle de Khul, Pipistrelle de Nathusius, Sérotine commune ; le Sonneur à ventre jaune aurait aussi dû faire l'objet d'un tel dossier ;
- les articles 3 et 4.4 du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) Cher Amont sont méconnus ; à ce jour, aucun poste source n'est en capacité d'accueillir la production d'électricité générée par le projet ; le porteur du projet n'a pas chiffré ni même démontré que d'autres solutions avaient été envisagées ;
- le projet porte atteinte au cadre de vie des riverains ; les villages de Lonlevade, Coron, Le Buissonnet, Villevaleix, Le Monteil, La Couture, La Ribière connaitront une situation d'encerclement du fait de l'implantation du parc à proximité de celui de Chambonchard ; l'article L. 511-1 du code de l'environnement est méconnu ; la partie Est de l'aire d'étude est totalement dans un espace classé en zone défavorable ; l'éolienne T3 apparait au cœur de la zone de sensibilité forte incompatible avec son installation ; le site d'implantation n'est pas dénué de tout intérêt.
Par des mémoires en défense enregistrés les 6 décembre 2022 et 16 octobre 2023, la société CEPE la Croix des Trois, représentée par Me Cambus, conclut à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, pour lui permettre la régularisation des irrégularités qui seraient fondées, dans un délai et des modalités à déterminer et à ce que soit mise à la charge solidaire des requérants la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les personnes physiques requérantes ne justifient pas d'un intérêt à agir à l'encontre de l'autorisation litigieuse ;
- les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2023, la préfète de la Creuse conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Reynaud, rapporteure publique,
- et les observations de Me Cadro, représentant l'association Combrailles Attractives et autres et de Me Cambus, représentant la société Centrale éolienne de production d'électricité la Croix des Trois.
Considérant ce qui suit :
1. La société Centrale éolienne de production d'électricité (CEPE) la Croix des Trois a déposé, le 2 août 2018, une demande d'autorisation environnementale, complétée le 10 avril 2019, en vue de la création et de l'exploitation d'un parc éolien composé de trois aérogénérateurs d'une puissance nominale totale maximale de 9 MW et de deux postes de livraison sur les territoires des communes de Fontanières et d'Evaux-les-Bains. Par un arrêté du 11 mars 2022, la préfète de la Creuse a délivré l'autorisation environnementale pour trois éoliennes d'une hauteur de 150 mètres en bout de pale. Par la présente requête, l'association Combrailles Attractives, la commune d'Evaux-les-Bains, M. M..., M. L..., M. et Mme C..., Mme L..., M. I..., M. B... demandent à la cour l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'étude d'impact :
2. D'une part, l'article R. 122-5 du code de l'environnement définit le contenu de l'étude d'impact, qui doit être proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. D'autre part, les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
S'agissant de l'étude acoustique :
3. L'étude acoustique jointe au dossier a été réalisée, notamment, selon les normes définies par l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement. L'article 26 de cet arrêté dispose que lorsque le niveau de bruit ambiant dans les zones à émergence réglementée excède 35 dB (A), l'émergence admissible est de 5 dB (A) pour la période allant de 7h à 22h et de 3 dB (A) pour la période allant de 22h à 7h. Le niveau de bruit maximal est fixé à 70 dB (A) pour la période jour et de 60 dB (A) pour la période nuit. L'étude acoustique en date du 22 octobre 2017 s'est basée sur les relevés effectués, entre le 20 mai et le 15 juillet 2015, à partir de sept points de mesure, répartis au niveau des 11 hameaux les plus proches du projet éolien. Les données ont été recueillies au cours d'une période présentant des conditions météorologiques variées, ce qui a permis de déterminer les niveaux de bruit résiduels pour la direction dominante du vent, centrée Sud-Ouest et une direction secondaire, orientée Nord-Est. La circonstance que cette étude a été conduite en période estivale ne permet pas de conclure qu'une campagne complémentaire aurait dû être réalisée en hiver, alors qu'aucun élément au dossier ne permet de considérer que la présence d'une végétation plus dense, de la faune et d'une activité agricole plus importante aurait eu une influence de nature à fausser les résultats recueillis. Si aucune mesure n'a été effectuée dans le hameau du Buissonnet, un point de mesure a été installé dans celui de Lonlevade, se trouvant à proximité et le plus proche du projet dans la direction nord, dont l'ambiance sonore est très similaire, lequel a pu ainsi servir de référence pour les deux lieux. Si l'étude acoustique n'a retenu aucun dépassement des seuils réglementaires en période diurne, elle en a observé pour la période nocturne pour cinq points de mesure et a recommandé l'adoption d'un plan de bridage, à optimiser selon la vitesse et la direction du vent.
S'agissant de l'impact visuel cumulé :
4. Le volet paysager de l'étude d'impact comporte 41 photomontages permettant d'apprécier l'insertion des éoliennes dans leur environnement immédiat, rapproché, et éloigné, composé des paysages, des principaux lieux de vie, des grands axes de circulation et des itinéraires les plus proches, ainsi que des sites patrimoniaux protégés. L'analyse des impacts cumulés avec les autres parcs éoliens, en service ou en instruction, est précisée, en particulier dans les vues proches. Le parc existant de Chambonchard situé perpendiculairement au projet en litige, dans un rayon de 5 km, est systématiquement identifié et les effets cumulés des deux parcs sont commentés. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, des prises de vue permettent d'apprécier l'impact paysager depuis la commune, distante à 5 km, d'Evaux-les-Bains, notamment depuis l'abbatiale Saint-Pierre-Saint-Paul, classée monument historique depuis 1841 ou encore de la route départementale D. 993 reliant cette dernière à Montluçon au nord. Enfin, des photomontages ont été présentés pour évaluer les impacts sur les hameaux environnants, dont 7 distants de moins de deux kilomètres du lieu d'implantation. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que l'étude paysagère aurait été insuffisante s'agissant du nombre et de la composition des photomontages et de la prise en compte des effets cumulés avec les parcs éoliens situés à proximité, et qu'elle n'aurait pas comporté les éléments nécessaires à l'information du public et à l'appréciation de l'administration.
5. Il résulte des développements qui précèdent que le moyen tiré de ce que l'étude d'impact serait entachée d'insuffisances, pris en ses deux branches, doit être écarté.
En ce qui concerne l'avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites :
6. En vertu de l'article R. 181-39 du code de l'environnement, le préfet peut solliciter l'avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites " sur les prescriptions dont il envisage d'assortir l'autorisation ou sur le refus qu'il prévoit d'opposer à la demande. (...) ". L'article R. 133-11 du code des relations entre le public et l'administration dispose que pour les commissions administratives à caractère consultatif, elles se prononcent à la majorité des voix des membres présents ou représentés et lorsqu'il a droit de vote, le président a voix prépondérante en cas de partage égal des voix.
7. Il résulte du procès-verbal de la réunion du 10 février 2022 de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites de la Creuse qu'en raison du partage des voix, le caractère prépondérant de la voix du président a permis à la commission d'émettre un avis favorable au projet éolien en litige. En l'absence de disposition législative ou réglementaire en disposant autrement, c'est sans commettre d'erreur de droit que l'administration a fait application des dispositions de l'article R. 133-11 du code des relations entre le public et l'administration pour déterminer le sens de l'avis, lequel au demeurant n'a ni privé les tiers d'une garantie, ni exercé une influence sur la décision de délivrer cette autorisation.
En ce qui concerne la protection des zones humides :
8. Aux termes, d'une part, de l'article L. 214-3 du code de l'environnement : " I. Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles./Cette autorisation est l'autorisation environnementale régie par les dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier, sans préjudice de l'application des dispositions du présent titre./Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n'étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3. / Dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, l'autorité administrative peut s'opposer à l'opération projetée s'il apparaît qu'elle est incompatible avec les dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux ou du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, ou porte aux intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 une atteinte d'une gravité telle qu'aucune prescription ne permettrait d'y remédier. Les travaux ne peuvent commencer avant l'expiration de ce délai. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 512-16 du même code : " Les installations sont soumises aux dispositions des articles L. 211-1, L. 212-1 à L. 212-11, L. 214-8, L. 216-6, L. 216-13, L. 231-1 et L. 231-2, ainsi qu'aux mesures prises en application des décrets prévus au 1° du II de l'article L. 211-3. / Les prescriptions générales mentionnés aux articles L. 512-5, L. 512-7 et L. 512-10 fixent les règles applicables aux installations ayant un impact sur le milieu aquatique pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, notamment en ce qui concerne leurs rejets et prélèvements ". Enfin, aux termes de l'article L. 212-1 du même code, dans sa rédaction applicable au projet : " (...) XI. Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. (...) ". L'article L. 212-5-2 du même code dispose que : " Lorsque le schéma a été approuvé et publié, le règlement et ses documents cartographiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de toute installation, ouvrage, travaux ou activité mentionnés à l'article L. 214-2. / Les décisions applicables dans le périmètre défini par le schéma prises dans le domaine de l'eau par les autorités administratives doivent être compatibles ou rendues compatibles avec le plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau dans les conditions et les délais qu'il précise ".
9. La rubrique 3.3.1.0 de l'article R. 241-1 du code de l'environnement soumet à déclaration toute zone asséchée ou mise en eau supérieure à 0.1 ha et inférieure à 1 hectare. Il résulte de l'instruction que la société pétitionnaire a fait procéder sur la zone d'implantation du projet à 49 sondages de terrain et 13 sondages pédologiques témoins dans le but de déterminer et délimiter les zones humides. Plusieurs zones humides pédologiques à l'échelle du projet d'implantation ont été localisées sur des parcelles cultivées ou sur des prairies mésophiles récemment réensemencées, ne présentant pas systématiquement d'espèces végétales caractéristiques des zones humides auxquelles se sont ajoutés des habitats humides déjà identifiés lors de l'expertise sur les habitats et la flore tels que les Aulnaies-saulaies, les prairies humides atlantiques et les pâtures à grand jonc, soumises à un enjeu fort. Le choix a été d'éviter ces zones humides (prairies humides atlantiques et subatlantiques, eaux douces) ainsi que les cours d'eau, excepté pour le ruisseau temporaire le Chantermerle qui devra être traversé, dans sa partie amont, par une piste déjà existante, pour desservir l'éolienne E3. La mission régionale d'autorité environnementale (MRAE) de la région Nouvelle-Aquitaine conclut d'ailleurs dans son avis en date du 24 juin 2019 que la séquence " éviter, réduire, compenser " de l'évaluation environnementale présentée permet d'éviter des secteurs présentant des enjeux significatifs (Bois des Roches, zones humides). Le porteur de projet retient qu'une surface de zones humides est impactée par des emprises permanentes de 8 217 m² correspondant soit à une pâture à grands joncs (0.11ha), soit à des prairies mésophiles (0.2517 ha), soit à une Aulnaie-saulaie pour 0.01 ha, soit à une culture de maïs (0.45ha).
10. En premier lieu, l'article 1er de l'autorisation environnementale litigieuse précise qu'elle tient lieu d'absence d'opposition à déclaration d'installations, ouvrages, travaux et activités mentionnés au II de l'article L. 214-3 du code de l'environnement et d'arrêté de prescriptions applicable aux installations, ouvrages, travaux et activités, objet de la déclaration, et son article 8 est relatif aux prescriptions relatives aux zones humides. Par suite, le moyen tiré de l'absence de dépôt d'une déclaration au titre de la loi sur l'eau doit être écarté.
11. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que la société CEPE s'est abstenue de mentionner les impacts potentiels sur les zones humides des deux postes de livraisons et du raccordement des éoliennes entre elles long de 2 340 mètres. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que ces travaux auraient une incidence sur lesdites zones dès lors qu'il ressort de l'étude d'impact que les deux structures de livraison sont comptabilisées dans les surfaces des plateformes des éoliennes T1 et T3 et que les 2,34 km de tranchées entre les éoliennes et les structures de livraison seront réalisées majoritairement en bordure des pistes d'accès du parc éolien afin de minimiser les linéaires d'emprise des travaux.
12. En troisième lieu, les requérants se prévalent des dispositions de l'article 4.4 du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) Cher Amont adopté par arrêté interpréfectoral du 20 octobre 2015, selon lesquelles " Tout projet d'installation, ouvrage, travaux ou activité, instruit au titre de la police de l'eau et des milieux aquatiques, en vertu des articles L. 214-1 à 6 du code de l'environnement, ou toute installation classée pour la protection de l'environnement, instruite en vertu de l'article L. 511-1 du même code, entraînant l'assèchement, la mise en eau, l'imperméabilisation, le remblaiement de zones humides identifiées sur le terrain, ou entraînant l'altération de leurs fonctionnalités, est interdit sauf lorsque le projet répond à l'une des exigences suivantes : (...)/ justifier un intérêt économique avéré et motiver le choix de la solution retenue au regard de l'impact environnemental et du coût des solutions de substitution examinées./ Dans un de ces cas particuliers, le pétitionnaire délimite précisément la zone humide dégradée et engage la mise en œuvre de mesures compensatoires conformément aux modalités fixées par le SDAGE Loire-Bretagne en vigueur ". L'article 4.1 de ce même schéma dispose que cette règle s'applique en présence de projets d'aménagement et d'urbanisme " pouvant impacter des zones humides et entraîner ainsi des impacts cumulés significatifs sur le patrimoine " zones humides " du bassin du Cher et aller à l'encontre de l'objectif d'atteinte du bon état écologique des masses d'eau ".
13. Il résulte de l'instruction que les mesures d'évitement rappelées aux point 9 et 11 du présent arrêt, mises en œuvre dans le but de préserver les zones humides présentant une fonctionnalité écologique forte ainsi que les cours d'eau, permettent de conclure à un impact résiduel sur les milieux humides. Le pétitionnaire a également prévu de compenser la surface de zones humides consommée de 0,82 ha sur le même bassin versant, selon des conditions d'équivalence fonctionnelle ou à défaut le double sur un autre bassin, en concertation avec des organismes de gestion de milieu naturel et pour un coût estimé à 10 000 euros. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que le projet serait de nature à entraîner des impacts cumulés significatifs sur le patrimoine " zones humides " du bassin du Cher, nécessitant que le pétitionnaire justifie de son intérêt économique et motive le choix de la solution retenue au regard de l'impact environnemental et du coût des solutions de substitution examinées. Au demeurant, la société justifie de l'intérêt économique du projet par sa proximité avec le poste source d'Evaux-les-Bains et son potentiel éolien. Le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec le schéma d'aménagement et de gestion des eaux du Cher Amont doit être écarté.
En ce qui concerne l'atteinte au cadre de vie et l'effet d'encerclement :
14. Aux termes du I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées (...) par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Pour rechercher l'existence d'une atteinte aux paysages naturels avoisinants au sens de cet article, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
15. Il résulte de l'instruction que l'implantation du parc éolien litigieux, traversé par trois routes départementales et composé de trois aérogénérateurs d'une hauteur maximale en bout de pales de 150 mètres, répartis en une ligne Ouest-Est, suivant la direction d'un affluent du Cher, et de deux postes de livraison, se situe sur les territoires des communes de Fontanières et d'Evaux-les-Bains, principalement dans l'unité paysagère de basse montagne du plateau de Combraille composée de collines et de vallons, parsemée d'étangs, de bosquets, de bocages denses et de forêts. Le site est constitué d'un plateau traversé de plusieurs ruisseaux permanents ou temporaires et qui se répartit entre des parcelles cultivées, des pâtures et de nombreux habitats naturels composés de prairies mésophiles, de chênaies acidiphiles et de forêts mixtes. L'habitat se compose de hameaux au bâti dispersé et isolé, éloignés des principaux bourgs, du centre de la commune d'Evaux-les-Bains distant au nord de 5 km, et des grands axes de circulation. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le site d'implantation projeté par la société CEPE la Croix des Trois, bien que non dénué d'intérêt, doit être regardé comme ne présentant pas de caractère remarquable.
16. Il résulte de l'instruction que la société CEPE la Croix des Trois a examiné les effets cumulés et les impacts du projet, en prenant systématiquement en compte, notamment dans les photomontages, les autres parcs éoliens exploités de Chambonchard (6 éoliennes de 150 m) et de Viersat (8 éoliennes de 150 m), ainsi que celui autorisé du Chauchet (8 éoliennes de 150 m), par la suite abandonné, situés à des distances respectives de 1,3 kilomètres, 17,2 kilomètres et 10,8 kilomètres du parc existant. Le projet s'insère, selon le schéma régional éolien du Limousin, dont les extraits sont repris dans l'étude d'impact, dans une zone identifiée au sud du département de la Vienne comme étant favorable à l'éolien. Il ressort des différents photomontages produits que depuis les différentes communes et hameaux, situés dans les aires d'études éloignée et rapprochée, la respiration paysagère a été préservée entre les parcs éoliens de Chambonchard, situé autour du Bois de Roche et celui de la Croix des Trois, dont les éoliennes sont très espacées, ce dernier étant le plus souvent masqué par le maillage bocager et le contexte arboré ou n'étant visible que très partiellement. Le positionnement perpendiculaire des deux parcs contribue également à limiter les vues simultanées et entières. Lorsque les trois parcs éoliens apparaissent sur les prises de vue, le rapport d'échelle entre les trois parcs et leur éloignement ou leur superposition les uns par rapport aux autres contribuent à préserver des respirations visuelles, renforcées par des contextes arborés et construits, et à éviter ainsi tout effet de cumul ou de saturation. Une vingtaine de hameaux ont été recensés dans l'aire d'étude rapprochée, dans un rayon d'un kilomètre, dont 10 sont distants de 500 m du projet et 6comportent plus de 5 habitations. Depuis les hameaux les plus proches de Lonlevade, de Combaudet ou de Fontanières, les impacts paysagers du projet éolien restent modérés et les espaces de respiration sont préservés du fait des distances séparant les éoliennes, l'atténuation de la concurrence visuelle avec le parc de Chambonchard étant assurée par des écrans paysagers et arborés. Ainsi, il résulte de l'instruction que l'impact est qualifié de faible ou modéré, en raison des effets de superposition, des distances réduisant l'effet de prégnance dans le paysage et des masques créés par la végétation arborée. La MRAE a d'ailleurs estimé que les hameaux les plus exposés se trouvent à l'Ouest et au Nord de l'aire d'étude rapprochée et que le projet retenu après les différentes analyses de variantes propose des éoliennes situées exclusivement dans le secteur le plus favorable d'un point de vue paysager, en préservant l'espace de respiration avec le parc de Chambonchard, créé autour du Bois de Roche et en évitant une concurrence visuelle. Elle ajoute que l'espacement entre l'éolienne E1 et E2 crée un espace de respiration, en particulier pour les habitations isolées et les villages autour de l'aire d'étude, mais également depuis les vues plus éloignées. Dans ces conditions, le parc de trois éoliennes n'engendrera pas un phénomène de saturation visuelle ou d'encerclement pour les hameaux les plus proches et ne portera pas à la commodité de vie de leurs habitants une atteinte significative au point de révéler une méconnaissance des intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
En ce qui concerne l'atteinte aux espèces animales :
S'agissant de l'avifaune :
17. Il résulte de l'instruction que 49 espèces patrimoniales hivernantes ont été contactées sur la zone d'implantation potentielle (ZIP) et l'aire d'étude rapprochée (AER) parmi lesquelles 10 présentent un intérêt patrimonial. L'enjeu est fort pour le Milan royal dont l'effectif observé est remarquable, modéré pour le Busard Saint-Martin, dont la population hivernante est en régression et pour le Grand-duc d'Europe, en danger critique d'extinction et qui a son territoire de chasse potentiel dans l'aire d'étude rapprochée. Le suivi de la migration prénuptiale et postnuptiale a permis de contacter 57 espèces d'oiseaux en migration active ou en halte dont 19 espèces jugées d'intérêt patrimonial parmi lesquelles la Cigogne noire et le Balbuzard pêcheur, classés tous les deux " en danger " sur la liste rouge régionale des oiseaux de passage. L'aire d'étude rapprochée se situe dans un couloir principal de migration pour la Grue cendrée et le Milan royal et peut aussi constituer une zone de halte pour certaines espèces. L'étude avifaunistique retient par conséquent un enjeu fort pour le Balbuzard pêcheur, le Milan royal, la Cigogne noire et la Grue centrée, et un enjeu modéré pour la Bondée apivore, le Busard des roseaux, le Busard Saint-Martin, le Milan noir, le Vautour fauve, le Pluvier doré, le Faucon pèlerin, l'Alouette lulu, la Pie-grièche écorcheur et la Grande aigrette. Enfin 83 espèces ont été contactées dans la ZIP et l'AER pendant la période de nidification dont 24 espèces hors rapaces présentent un caractère patrimonial et 12 espèces de rapaces sont soit patrimoniales, soit évaluées comme vulnérables à l'échelle régionale (l'autour des palombes, le Faucon hobereau, le Hibou moyen duc) ou quasi menacées à l'échelle nationale (le Faucon crécerelle). En phase de nidification, l'enjeu est qualifié de très fort pour le Busard cendré, fort pour le Busard Saint-Martin et le Grand-duc d'Europe, modéré pour 20 autres espèces. Toutefois, la variante n° 3 finalement retenue de trois éoliennes, distantes entre elles de 1 000 mètres, est la moins impactante pour les espaces naturels dans la mesure où elle évite les secteurs boisés et les principales zones humides, préserve davantage les zones bocagères favorables à l'avifaune et place les aérogénérateurs dans une ligne " globalement " parallèle à l'axe de migration principal, de nature à prévenir le risque de collision des espèces concernées. L'espacement réalisé devrait suffire pour ne pas perturber le transit en halte des oiseaux migrateurs. S'agissant des zones de reproduction, le projet se situe à plus d'un kilomètre du site de reproduction d'un couple de Milan noir. Dès lors que les éoliennes E2 et E3 se trouvent à moins d'un kilomètre d'une zone de reproduction identifiée du Busard cendré et à moins de 500 m d'une zone de reproduction probable identifiée du Busard Saint-Martin, la phase de travaux conserve un impact brut très fort pour le Busard cendré et fort pour le Busard Saint-Martin. Toutefois, des mesures sont prises afin de réduire cet impact, consistant à respecter les périodes de reproduction, de mise bas et d'élevage des jeunes et à assurer en amont et pendant son déroulement un suivi écologique du chantier. Si les requérants notent la perte d'habitat potentielle estimée à environ 37,5 ha pour les espèces de petite et moyenne envergure, à supposer qu'elles se tiennent éloignées de 200 m du parc, l'impact de la perte d'habitats est toutefois pondéré par la présence de milieux similaires disponibles sur site et dans la périphérie directe du parc. En phase d'exploitation, les risques de collision sont aussi évalués " très forts " pour la population locale du Busard cendré dont la population est classifiée régionalement éteinte, compte tenu de la proximité de deux des éoliennes d'une parcelle de reproduction potentielle identifiée en 2015. Deux couples de Busard Saint-Martin, nicheurs probables ont également été repérés proches des éoliennes E1 et E2. Compte tenu de la distance du site d'implantation avec le lieu de reproduction potentiel du Grand-duc d'Europe, considéré " en danger critique d'extinction " à l'échelle du Limousin, les risques de collision devraient être limités. Pour réduire les impacts bruts qualifiés de modérés pour certaines populations dont celle du Milan royal, les plateformes des éoliennes seront entretenues pour réduire leur attractivité pour les proies de cette espèce. S'agissant plus particulièrement du Busard cendré, un accord a été conclu avec les exploitants afin de ne pas cultiver de blé ou d'orge sur les parcelles accueillant les éoliennes tout en pérennisant à distance du projet, chaque année et sur un minimum de 5 ha, un assolement favorable au Busard cendré. Le pétitionnaire prévoit également, en lien avec les propriétaires des parcelles, de prendre des mesures de protection des nichées des busards. Des suivis environnementaux des habitats naturels, du comportement des oiseaux nicheurs, particulièrement renforcés pour le busard cendré, le busard Saint-Martin, le faucon pèlerin et le grand-duc d'Europe, ainsi que des phases de migration, seront mis en œuvre à partir de points fixes positionnés dans le but de couvrir l'ensemble du parc. Un suivi spécifique de la phase hivernale du Milan royal est prévu. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le projet porterait atteinte à la conservation des espèces d'avifaune.
S'agissant des chiroptères :
18. Il résulte de l'instruction que 17 espèces de chiroptères ont été contactées dans l'aire d'étude rapprochée, laquelle est particulièrement propice à la chasse et aux corridors de déplacement, compte tenu de sa composition dans laquelle se trouvent des secteurs bocagers, de grands ensembles forestiers, des mares et des cours d'eau et des prairies. Si la Pipistrelle commune est la plus présente, les 8 espèces de murins ainsi que d'autres espèces de haut vol, la Noctule commune, la Noctule de Leisler, la Sérotine commune, la Pipistrelle de Kuhl ont été identifiées au cours de l'étude. Deux espèces (Barbastelle d'Europe, Murin de Bechstein), en raison d'un enjeu de conservation défavorable, constituent un enjeu très fort, quatre (Murin de Brandt, Noctule commune, Noctule de Leisler, Pipistrelle commune) un enjeu fort et cinq (Grand murin, Murin à oreilles échancrées, Murin d'Alcathoe, le Petit rhinolophe, Pipistrelle de Nathusius) un enjeu modéré. Les travaux du projet éolien " la Croix des Trois " vont entraîner l'abattage de 500 mètres de linéaires de haies basses, de défrichage de 150 m² d'une Aulnaie saulaie et le décapage de 29 800 m² de prairies et de cultures, pour permettre l'implantation et l'accès aux différents aménagements. Toutefois, la perte d'habitat est jugée très faible dès lors que l'implantation des éoliennes a été étudiée de manière à éviter au maximum les secteurs à enjeux chiroptérologiques identifiés, telles que les haies, lisières, boisements et zones humides d'intérêt et que les aménagements (pistes, plateformes, fondations, raccordements) sont majoritairement situés au sein de milieux agricoles peu favorables aux chiroptères. La présence de gîtes de chiroptères sera vérifiée avant l'abattage afin d'éviter tout risque de mortalité. Les travaux seront conduits en dehors de la période de mise bas, d'élevage des jeunes et de la période hivernale pour réduire le risque de dérangement, qui reste d'ailleurs faible, compte tenu de la distance des colonies situées entre 548 m et 1,7 km de la zone d'implantation potentielle. Si en phase d'exploitation, le risque de perte d'habitat est jugé faible, le risque de collision est jugé fort à très fort pour deux des éoliennes pour lesquelles les distances entre le bout de pale et la canopée sont inférieures à 100 m et modéré pour la troisième. Deux mesures de réduction visent à combattre ce risque de collision et de mortalité, l'une en évitant tout éclairage dans un rayon de 300 m autour du parc éolien, et en prévoyant un système de balisage intermittent, l'autre en organisant une programmation préventive de l'arrêt de rotation des pales selon la vitesse du vent, l'heure et la saison, adaptée à l'activité chiroptérologique selon les données fournies par les inventaires connus sur un cycle complet. L'impact résiduel est dès lors qualifié de non significatif. La MRAE a d'ailleurs recommandé que le conseil et le suivi de ces mesures soit effectué par un ingénieur écologue. Par suite, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que le projet porterait atteinte à la conservation de ces espèces.
S'agissant du sonneur à ventre jaune :
19. Il résulte de l'instruction que 7 espèces d'amphibiens ont été contactées sur le site, dont le Sonneur à ventre jaune, référencé à l'annexe 2 et 4 de la directive habitats et évalué comme vulnérable sur la liste rouge de France métropolitaine. Bien que cette espèce soit particulièrement présente en Nouvelle-Aquitaine, elle présente un enjeu fort compte tenu de la proximité du projet avec des secteurs (mares, étangs) favorables à la reproduction. Toutefois, aucun des secteurs sur lesquels des adultes, des larves ou des pontes ont été inventoriés n'est concerné directement par l'implantation d'une éolienne, d'une plateforme de montage ou une piste. Le parc éolien n'induit ainsi, en phase d'exploitation, aucun impact direct sur les amphibiens. En revanche, la phase chantier est susceptible de causer des pertes d'habitat. C'est pourquoi pour éviter aux crapauds la tentation de se reproduire dans des milieux temporaires fraichement créés, une mesure d'évitement et de réduction consistera à poser des filets de protection pour l'empêcher de coloniser les secteurs de fouilles des fondations au moins des éoliennes E2 et E3 durant la nuit. Si des risques pour la mortalité des amphibiens en transit étaient décelés sur d'autres secteurs du chantier, dans le cadre du suivi écologique par un écologue indépendant, la mise en défens pourra être étendue. Compte tenu de ces mesures permettant de qualifier les impacts résiduels de non significatifs, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que le projet porterait atteinte à la conservation de ces espèces.
En ce qui concerne la dérogation aux espèces protégées :
20. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : /1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, (...) ; /2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, (...); / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ;/4° La destruction, l'altération ou la dégradation des sites d'intérêt géologique, notamment les cavités souterraines naturelles ou artificielles, ainsi que le prélèvement, la destruction ou la dégradation de fossiles, minéraux et concrétions présents sur ces sites ; (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : /1° La liste limitative des habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées ainsi que des sites d'intérêt géologique, y compris des types de cavités souterraines, ainsi protégés ; /2° La durée et les modalités de mise en œuvre des interdictions prises en application du I de l'article L. 411-1 ; /3° La partie du territoire sur laquelle elles s'appliquent, (...) ; /4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle :/a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; (...)/ II. Un décret en Conseil d'Etat détermine également les conditions dans lesquelles, lorsque l'évolution des habitats d'une espèce protégée au titre de l'article L. 411-1 est de nature à compromettre le maintien dans un état de conservation favorable d'une population de cette espèce, l'autorité administrative peut :/1° Délimiter des zones où il est nécessaire de maintenir ou de restaurer ces habitats ;/2° Etablir, (...) un programme d'actions visant à restaurer, à préserver, à gérer et à mettre en valeur de façon durable les zones définies au 1° du présent II ; (...) ".
21. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 411-1 et 2 du code de l'environnement que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.
22. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.
23. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".
24. Il résulte des points qui précèdent que compte tenu de l'enjeu identifié et des mesures d'évitement et de réduction proposées par le pétitionnaire, le projet ne présente pas un risque suffisamment caractérisé sur les différentes espèces de l'avifaune, de chiroptères et d'amphibiens, recensées localement et reconnues comme présentant une valeur patrimoniale, qu'il s'agisse des risques d'atteinte portée directement à l'intégrité de ces animaux, à leur habitat ou leur cycles biologiques de reproduction ou de repos, de nature à justifier une demande de dérogation. Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que l'arrêté en litige méconnaîtrait les dispositions précitées pour avoir été délivré sans demande de dérogation.
25. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que l'association Combrailles Attractives et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Creuse du 11 mars 2022.
Sur les frais liés au litige :
26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'association Combrailles Attractives et autres une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société CEPE La Croix des Trois et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association Combrailles Attractives et autres est rejetée.
Article 2 : L'association Combrailles Attractives et autres verseront une somme globale de 1 500 euros à la société CEPE La Croix des Trois.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Combrailles Attractives, désignée en qualité de représentante unique en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et à la société CEPE la Croix des Trois.
Copie en sera adressée à la préfète de la Creuse.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 décembre 2024.
La rapporteure,
Bénédicte D...La présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX001901