Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2024 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il a la nationalité ou pour lequel il établit être légalement admissible et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par une ordonnance n° 2402564 du 16 avril 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande comme étant tardive et donc manifestement irrecevable.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 mai 2024, M. A..., représenté par Me Meaude, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du tribunal administratif de Bordeaux du 16 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2014 du préfet de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer pendant le temps du réexamen de son dossier une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement combiné des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
- le premier juge a rejeté à tort sa demande comme étant tardive ; la notification de la décision le 10 janvier 2024 alors qu'il était incarcéré ne lui a pas permis d'effectuer un recours en raison des conditions matérielles (téléphones interdits), de l'absence d'accès à un conseil en détention, ainsi qu'au regard de l'absence d'un interprète (il n'a pu comprendre cette notification) ; cette notification porte atteinte à son droit au recours effectif garanti par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de l'arrêté du 9 janvier 2024 :
- il a été pris par une autorité incompétente ;
- il est demandeur d'asile en Autriche si bien qu'il doit être autorisé provisoirement à demeurer sur le territoire français jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande en application de l'article 31-2 de la convention de Genève ; la mesure d'éloignement ne peut être qu'une décision de transfert vers l'Autriche ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de ses liens familiaux et privés en France, étant en couple et bientôt père.
La requête a été communiquée à la préfecture de la Gironde qui n'a pas produit de mémoire en défense dans la présente instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... né le 4 novembre 2005, de nationalité marocaine, est entré irrégulièrement en France en 2023, d'après ses déclarations. Il a été interpellé le 9 janvier 2024 pour des faits de tentative de vol par effraction et vol à la roulotte commis à Cenon alors qu'il était en situation irrégulière sur le territoire français. Par un arrêté du 9 janvier 2024, le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il a la nationalité ou pour lequel il établit être légalement admissible et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par la présente requête, M. A... relève appel de l'ordonnance du 16 avril 2024 par laquelle le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure. / (...) ". Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " (...) / II.- Conformément aux dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. (...) ". Aux termes de l'article R. 776-5 du même code : " (...) / II.- Les délais de quarante-huit heures mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-4 et les délais de quinze jours mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-3 ne sont susceptibles d'aucune prorogation. / Lorsque le délai est de quarante-huit heures ou de quinze jours, le second alinéa de l'article R. 411-1 n'est pas applicable et l'expiration du délai n'interdit pas au requérant de soulever des moyens nouveaux, quelle que soit la cause juridique à laquelle ils se rattachent. / (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 de ce même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 613-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est informé, par cette notification écrite, des conditions, prévues aux articles L. 722-3 et L. 722-7, dans lesquelles cette décision peut être exécutée d'office. / Lorsque le délai de départ volontaire n'a pas été accordé, l'étranger est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix ". L'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit par ailleurs : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est également informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments, traduits dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des décisions qui lui sont notifiées en application des chapitres I et II ".
4. Il résulte de ces dispositions que l'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire ne dispose que d'un délai de quarante-huit heures suivant la notification de cette décision pour former son recours. Toutefois, les articles L. 613-3 et L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposent que, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, l'étranger soit mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. Ces mêmes dispositions imposent également que l'étranger soit informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées, traduits dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend. Il appartient à l'administration d'assurer l'effectivité de l'ensemble de ces garanties, sous le contrôle du juge.
5. Il ressort des pièces du dossier et notamment des mentions portées sur l'obligation de quitter le territoire français du 10 janvier 2024 portant mention des voies et délais de recours que cette décision a été notifiée à M. A... par voie administrative le 10 janvier 2024. Ce dernier a introduit une requête contre cet arrêté au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 16 avril 2024. Par l'ordonnance attaquée, le premier juge a rejeté cette demande comme étant tardive et donc manifestement irrecevable. M. A... soutient que les conditions de notification de l'arrêté contesté, alors qu'il était en détention et sans qu'il puisse être assisté d'un interprète ou d'un conseil, ont porté atteinte à son droit au recours effectif ce qui a empêché le délai de recours contentieux de courir. Il soutient également que les conditions de sa détention l'ont empêché d'exercer son recours.
6. Il ressort toutefois des pièces du dossier, que la notification administrative de l'arrêté contesté comporte la signature d'un interprète. Par ailleurs il ne ressort d'aucun élément du dossier que M. A... n'aurait pas été en mesure d'avertir le conseil de son choix dès cette notification, alors même qu'il était placé sous le régime de la garde-à-vue dans le cadre de la procédure judicaire relative aux faits de tentative de vol et vol pour lesquels il avait été interpellé, et non en détention comme il le prétend. Par suite, le moyen tiré de ce que les conditions dans lesquelles l'arrêté lui a été notifié ont porté atteinte à son droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen doit être écarté. Il en est de même des conditions de sa détention, M. A... ayant fait l'objet d'un mandat de dépôt à l'audience de comparution immédiate du 11 janvier 2024, dès lors qu'il ne ressort d'aucun des éléments du dossier qu'il aurait été empêché d'exercer effectivement son recours dans le délai de 48 heures.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, le premier juge a rejeté sa demande comme étant irrecevable car tardive. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées aux fins d'injonction et au titre des frais de justice.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera remise au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre,
M. Nicolas Normand, président assesseur,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.
La rapporteure,
Héloïse C...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01185