Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... et la société Pilema ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 6 août 2020 par lequel la préfète des Landes a refusé de délivrer une autorisation de défrichement pour la parcelle cadastrée section BH n° 203, située sur le territoire de la commune de Parentis-en-Born.
Par un jugement n°2001919 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 février 2023 et le 5 septembre 2024, Mme A... C... et la société Pilema, représentées par Me Ferrant, demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Pau du 19 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 août 2020 par lequel la préfète des Landes a refusé de leur délivrer une autorisation de défrichement ;
3°) d'enjoindre à l'Etat d'accorder l'autorisation de défrichement demandée sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elles soutiennent que :
- le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit au regard de l'article L. 341-5 du code forestier dès lors que l'aide consentie ne visait pas à la constitution ou à l'amélioration de forêts mais au nettoyage de la parcelle à la suite du passage de la tempête Klaus ;
- le tribunal a opéré d'office une substitution de motif sans les inviter à présenter des observations ;
- le délai de cinq ans mentionné dans les engagements du demandeur de l'aide étant expiré, il n'appartient plus aux propriétaires des parcelles de s'engager à laisser affectés à la production et à la vocation forestière les terrains en cause ;
- l'existence d'un plan de gestion ne permet pas de refuser l'autorisation de défrichement sur le fondement de l'article L. 341-5 du code forestier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2024, le ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code forestier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Clémentine Voillemot,
- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public,
- et les observations de Me Ferrant, représentant Mme C... et la société Pilema.
Une note en délibéré, enregistrée le 21 novembre 2024, a été produite pour Mme C... et la société Pilema.
Considérant ce qui suit :
1. La société Pilema, groupement foncier rural, a acquis, le 13 décembre 2019, une parcelle boisée cadastrée section BH n° 203, sur le territoire de la commune de Parentis-en-Born au lieudit Landes de Saint-Trosse, de 20 ha 56 a et 54 ca appartenant précédemment à l'indivision B.... Le 6 juillet 2020, Mme C... a déposé en préfecture des Landes une demande d'autorisation de défrichement, pour cette parcelle, en vue de sa mise en culture biologique. Par un arrêté du 6 août 2020, la préfète des Landes a refusé de délivrer cette autorisation au motif que, compte tenu de l'aide au nettoyage de la parcelle qui avait été attribuée au précédent propriétaire, la conservation des bois était nécessaire à la valorisation de l'investissement public consenti. Mme C... et la société Pilema relèvent appel du jugement du 19 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 341-5 du même code : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : / (...) 7° A la valorisation des investissements publics consentis pour l'amélioration en quantité ou en qualité de la ressource forestière, lorsque les bois ont bénéficié d'aides publiques à la constitution ou à l'amélioration des peuplements forestiers ; / (...) ". Aux termes de l'article D. 156-7 du code forestier : " Les subventions que l'Etat peut accorder en matière d'investissement forestier sont destinées à permettre la réalisation des opérations suivantes : / (...) 5° Les travaux de nettoyage, reconstitution et lutte phytosanitaire dans les peuplements forestiers sinistrés par des phénomènes naturels exceptionnels ; / (...) ". Aux termes de l'article D. 156-8 du même code, dans sa version en vigueur jusqu'au 16 octobre 2015 : " (...) / Sans préjudice des dispositions des articles L. 121-6 et L. 124-1 relatives à la garantie ou à la présomption de gestion durable, le bénéfice des aides est subordonné au respect des conditions fixées dans les arrêtés du préfet de région. / Ces dispositions s'appliquent pendant une durée de cinq ans à compter de la notification de la décision attributive de l'aide. ". Enfin, aux termes de l'article L. 312-6 de ce code : " En cas de mutation au bénéfice d'un particulier d'une propriété forestière dotée d'un plan simple de gestion agréé, l'application de ce plan est obligatoire jusqu'à son terme. / (...) L'acte constatant la mutation doit, à peine de nullité, mentionner l'existence de ce plan simple de gestion agréé et les obligations qui en résultent ". En outre, un arrêté du 13 août 2009 du préfet de la région Aquitaine a fixé les conditions de financement par des aides publiques des travaux de nettoyages liés à la reconstitution des peuplements forestiers de pin maritime sinistrés après la tempête Klaus.
3. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le tribunal de Pau n'a pas procédé d'office à une substitution de motif en mentionnant l'existence d'un plan simple de gestion mais s'est borné à répondre au moyen soulevé en première instance tiré de l'absence d'obligation de maintenir la vocation forestière plus de cinq ans et au moyen relatif à la valorisation de l'investissement public.
4. En deuxième lieu, il est constant que l'indivision B..., ancien propriétaire de la parcelle BH n° 203, a bénéficié d'une décision d'attribution du 27 mai 2014 lui allouant une aide prévisionnelle pour un montant maximum de 35 615,6 euros pour la réalisation du nettoyage de cette parcelle, sinistrée par la tempête Klaus du 24 janvier 2009. Cette décision d'attribution rappelait explicitement l'obligation " de réaliser les travaux nécessaires à la reconstitution naturelle ou artificielle ou, à défaut si le taux de dégâts est inférieur à 50% et les arbres restant bien répartis, à laisser affectés à la production et à la vocation forestière les terrains sur lesquels ont été effectués les travaux ayant justifié l'octroi de l'aide ". Aux termes de la convention signée le 27 mai 2014 entre l'indivision B... et le préfet des Landes, l'indivision B... s'est engagée à réaliser l'opération de nettoyage des peuplements forestiers sinistrés par la tempête du 24 janvier 2009 en respectant les engagements souscrits dans son formulaire de demande d'aide. L'article 9 de cette convention prévoyait la possibilité pour le préfet d'exiger le reversement des sommes versées en cas de détournement de la vocation forestière des terrains. En outre, si seule la case relative au nettoyage est cochée dans le formulaire de demande de subvention d'aide aux travaux, ce même formulaire décrit le projet pour lequel l'indivision B... s'est engagée pour en bénéficier dont une garantie de gestion durable par un plan simple de gestion et réitère l'engagement de réaliser les travaux nécessaires à la reconstitution naturelle ou artificielle et de laisser affectés à la production et à la vocation forestière les terrains sur lesquels ont été effectués les travaux ayant justifié l'octroi de l'aide. Ainsi, il ressort de ces éléments que les travaux de nettoyage constituent un investissement public forestier destiné à la reconstitution des peuplements forestiers. Il résulte également des dispositions combinées des articles L. 341-5 et D. 156-7 du code forestier précité que les aides pour les travaux de nettoyage, reconstitution et lutte phytosanitaire dans les peuplements forestiers sinistrés par des phénomènes naturels exceptionnels constituent des aides publiques à la constitution ou à l'amélioration des peuplements forestiers. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont relevé que l'aide attribuée le 27 mai 2014 aux consorts B..., soumise à l'engagement de ses bénéficiaires à réaliser les travaux nécessaires à la reconstitution des peuplements forestiers, a le caractère d'une aide publique à la constitution ou à l'amélioration des peuplements forestiers, au sens des dispositions précitées du 7° de l'article L. 341-5 du code forestier.
5. En troisième lieu, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, le délai de cinq ans cité au point 2, à l'expiration duquel l'engagement des propriétaires de la parcelle, de réaliser les travaux nécessaires à la reconstitution des peuplements forestiers, a cessé de s'appliquer, ne saurait être confondu avec la période nécessaire à la valorisation de l'investissement public que représente l'aide financière accordée. Aucun délai n'est d'ailleurs mentionné au 7° de l'article L. 341-5 du code forestier dès lors que la durée nécessaire pour valoriser les investissements publics consentis pour l'amélioration en quantité ou en qualité de la ressource forestière est, par définition, variable. Par suite, la circonstance que ce délai de cinq ans était expiré à la date du refus en litige ne faisait pas obstacle à ce que le préfet oppose aux intéressées une condition relative à la valorisation de l'investissement public lié à l'aide aux travaux de nettoyage de la parcelle attribuée au précédent propriétaire.
6. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté de refus d'autorisation de défrichement, le maintien de la destination forestière de la parcelle cadastrée section BH n° 203 n'aurait plus été nécessaire pour la valorisation des investissements publics consentis dans le cadre de la subvention accordée à l'indivision B.... L'administration fait valoir, en se basant sur le plan simple de gestion joint à l'acte par lequel la société Pilema a acquis la parcelle, et sans être contredite par les requérantes, que la première récolte est prévue en 2028 et qu'elle consistera en une coupe intermédiaire de première éclaircie. Dans ces circonstances, et alors que les requérants ne produisent aucun élément permettant de considérer que l'investissement public aurait été valorisé, les premiers juges ont, à bon droit, relevé que la conservation des bois de la parcelle était nécessaire à la valorisation de l'investissement public et que la préfète des Landes n'avait pas commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées du 7° de l'article L. 341-5 du code forestier.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et la société Pilema ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2020 par lequel la préfète des Landes a refusé de délivrer une autorisation de défrichement. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... et de la société Pilema est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à la société Pilema et à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Une copie en sera adressée au préfet des Landes.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.
La rapporteure,
Clémentine VoillemotLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt, en ce qui la concerne, et à tous commissaire de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 23BX00435