Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la commune de Cosnac au paiement de la somme de 174 243,28 euros en réparation du préjudice subi à la suite d'inondations liées à la défectuosité du réseau d'eaux pluviales de la commune avec actualisation en application de l'indice BT01 du coût de la construction, et de mettre à la charge de la commune de Cosnac les entiers dépens, soit la somme de 3 550,14 euros.
Par un jugement n° 1901933 du 27 octobre 2022, le tribunal administratif de Limoges a condamné la commune de Cosnac à verser à M. A... et Mme B... la somme de 119 009,81 euros au titre de la réparation des désordres affectant leur habitation et a mis à sa charge la somme de 3 550,14 euros au titre des frais d'expertise.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 19 décembre 2022 et le 9 mars 2023, la commune de Cosnac, représentée par Me Caillaud, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1901933 du tribunal administratif de Limoges du 27 octobre 2022 ;
2°) à titre subsidiaire, de confirmer le rejet du surplus des conclusions de M. A... et Mme B... concernant leur demande d'actualisation des préjudices ;
3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de M. A... et Mme B... les entiers dépens ainsi que la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, l'action indemnitaire de M. A... et Mme B... était prescrite dès lors qu'ils avaient connaissance des dommages dès le courrier du 19 août 2004 et qu'ils disposaient d'indications suffisantes pour lui imputer ce dommage ; le point de départ de la prescription quadriennale a commencé à courir à compter du 19 août 2004 ou, a maxima, à compter de 2012 ; aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu de sorte que la prescription était acquise lors de la saisine du juge des référés en 2017 ;
- à titre subsidiaire et à considérer que l'action n'était pas prescrite, la demande d'actualisation du préjudice ne peut être que rejetée comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges : aucun travaux n'a été engagé par M. A... et Mme B... depuis le rapport d'expertise du 8 juin 2018, qui a chiffré le montant des travaux à 119 009,81 euros, alors qu'ils disposaient de suffisamment d'éléments pour les initier ; l'actualisation sollicitée ne repose sur aucun élément contradictoire mais sur une estimation sans devis.
Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 16 février et 2 mars 2023, M. A... et Mme B..., représentés par Me Delpy, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la commune de Cosnac au titre des disposition de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, ils demandent à la cour de réformer le jugement afin de porter le montant de l'indemnité à 174 243,28 euros avec actualisation en application de l'indice BT01 du coût de la construction.
Ils font valoir que :
- ils n'avaient pas connaissance en 2004 de la réalité des désordres causés par les inondations ; ils n'avaient aucune certitude concernant l'origine de ces désordres ; aucun désordre structurel n'avait été constaté sur le pavillon ; l'étude géotechnique réalisée par le cabinet Ginger CEBTP en 2008 concluait à l'absence de certitude sur le rôle d'éventuelles fuites du réseau public d'eaux pluviales ; la cause du sinistre a été fixée par le rapport d'expertise définitif du 16 octobre 2015, date à laquelle le délai de la prescription quadriennale a commencé à courir ; la prescription quadriennale n'était pas acquise lorsqu'ils ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Limoges en 2017 ;
- la responsabilité de la commune est engagée ;
- le montant des travaux remédiant aux dommages causés par les inondations, évalué par l'expert dans son rapport du 8 juin 2018, était donné à titre indicatif et constituait une estimation qui devait être validée par un bureau d'études ou un maître d'œuvre ; ils ont fait actualiser le montant correspondant au coût de la remise en état de leur habitation par leur maître d'œuvre, qui l'a estimé à 174 243,28 euros en 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H...,
- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... et Mme B... sont propriétaires d'une maison située 170 avenue du 19 mars 1962, sur le territoire de la commune de Cosnac, qui a subi des inondations entre 2001 et 2004 lors de périodes orageuses. En 2004, des travaux de réfection du réseau public des eaux pluviales de la rue consistant dans le remplacement de dalots en ardoise par des tuyaux en PVC ont mis fin aux inondations. En 2006, M. A... a constaté l'apparition de fissures et d'affaissements et a fait réaliser un diagnostic géotechnique par la société Ginger CEBTP Solen, qui a rendu son rapport le 21 août 2008. En 2009, l'assureur de M. A... et Mme B... a mandaté le cabinet Bargues expertises, lequel a rendu son rapport définitif le 16 octobre 2015. Par une ordonnance du 30 janvier 2018, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a désigné, à la demande de M. A... et Mme B..., M. G... D... en qualité d'expert afin de déterminer les désordres affectant leur maison, leur cause ainsi que la nature et le coût des travaux permettant d'y remédier. L'expert a rendu son rapport le 8 juin 2018 et a estimé le coût de l'ensemble des travaux à 119 009,81 euros. Par un courrier du 5 août 2019, M. A... et Mme B... ont saisi la commune de Cosnac d'une demande préalable indemnitaire rejetée le 23 septembre 2019. M. A... et Mme B... ont alors saisi le tribunal administratif de Limoges d'un recours indemnitaire. Par jugement du 27 octobre 2022, le tribunal administratif de Limoges a condamné la commune de Cosnac à leur verser une somme de 119 009,81 euros en réparation des préjudices subis. Par la présente requête, la commune de Cosnac relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, M. A... et Mme B... demandent à la cour de porter le montant de l'indemnité à 174 243,28 euros avec actualisation en application de l'indice BT01 du coût de la construction.
Sur l'appel principal :
2. D'une part, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ".
3. Lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée au titre d'un dommage causé à un tiers par un ouvrage public, les droits de créance invoqués par ce tiers en vue d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens de ces dispositions, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés.
4. D'autre part, aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours (...) / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".
5. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de plusieurs épisodes d'inondations subies entre 2001 et 2004, M. A... et Mme B... ont constaté en 2004 des dommages causés à leur immeuble consistant en des dégâts sur leur réseau privatif d'eaux pluviales, la présence d'un affouillement sous la dalle béton de leur terrasse, la nécessaire réfection de l'empierrement en façade et des dommages causés aux espaces verts. Si la commune de Cosnac soutient que M. A... et Mme B... avaient connaissance de la consistance et de l'origine des dommages dont ils demandent réparation dans le cadre du présent litige dès 2004, les désordres constatés à cette date ne comprenaient toutefois pas les fissures et les affaissements, lesquelles ont été remarquées par M. A... en 2006. Suite à ce dernier constat, la société Ginger CEBTP Solen a réalisé, à la demande de ce dernier, un diagnostic géotechnique et a rendu un rapport le 21 août 2008. Si, suite à ce diagnostic, M. A... a fait estimer, auprès de l'entreprise Uretek, dès le mois de mai 2009, le montant des réparations de son immeuble, il ne résulte pas de l'instruction que les préjudices dont il se prévaut aient pu être exactement mesurés à cette date. Il résulte au contraire du rapport définitif du cabinet Bargues, daté du 16 octobre 2015, expert mandaté par son assureur en 2009, que des évolutions de microfissures, même si elles étaient minimes, ont été constatées lors des opérations d'expertise contradictoire menées le 21 février 2012 par rapport à l'expertise du 25 novembre 2009, et que ces expertises ont été complétées par une étude géotechnique menée en novembre 2013 dont il est ressorti que les inondations dues au débordement du réseau d'eaux pluviales public entre 2000 et 2004 ont causé un affouillement du sol sous l'habitation et la terrasse. Enfin, M. G... D..., expert désigné par le juge d'appel des référés de la cour aux fins notamment de décrire précisément la nature et l'origine des dommages a rendu son rapport le 8 juin 2018. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient la commune, il résulte de l'instruction que la réalité et l'étendue des préjudices liés aux inondations, consistant dans la dégradation de la propriété des intéressés, ont été entièrement révélées et ont pu être exactement mesurées, au plus tôt, par le rapport d'expertise définitif du 16 octobre 2015 du cabinet Bargues, lequel conclut que la défectuosité du réseau d'eau pluviale public a contribué à un apport d'eau sous la maison, qui a contribué à un affouillement des terres sous les fondations. Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Limoges a jugé que la prescription quadriennale, qui a par la suite été interrompue par la saisine, le 11 août 2017, du juge des référés du tribunal administratif de Limoges, n'était pas acquise lorsque M. A... et Mme B... ont saisi la commune de Cosnac d'une réclamation préalable le 5 août 2019. Par suite, l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune doit être écartée.
Sur l'appel incident :
6. L'évaluation des dégâts subis par un immeuble doit être faite à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer. Pour déterminer cette date, il y a lieu de tenir compte du fait que les travaux ont été retardés par l'impossibilité soit d'en assurer le financement, soit de se procurer les matériaux nécessaires à leur exécution.
7. Les intimés demandent, par la voie de l'appel incident, que le montant des indemnités proposé par l'expert soit réévalué en tenant compte de l'indice BT01 du coût de la construction. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 8 juin 2018 que les travaux nécessaires pour remédier aux désordres constatés consistent notamment en une reprise en sous-œuvre des fondations et du dallage affectés avant le traitement des fissures, une reprise des fissures extérieures et des parements de façade, une reprise des ouvrages périphériques, une reprise des plâtreries, une reprise des revêtements de sols, une reprise des revêtements muraux et plafonds ainsi qu'une reprise des réseaux extérieurs, pour un montant total de 119 009,81 euros. Si M. A... et Mme B... ont fait réaliser une actualisation du coût de la remise en état de la maison en 2021, estimé à 174 243,28 euros, ils n'établissent pas toutefois avoir été dans l'impossibilité d'assurer financièrement ces travaux à la date de remise du rapport d'expertise, date à laquelle la cause des désordres avait pris fin et à laquelle leur étendue était connue. Par suite, les conclusions incidentes de M. A... et Mme B... tendant à indexer le montant de l'indemnité due au titre des travaux de réparation sur l'indice BT01 doivent être rejetées.
8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Cosnac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges l'a condamnée à verser à M. A... et Mme B... la somme de 119 009,81 euros au titre de la réparation des désordres affectant leur habitation et que M. A... et Mme B... ne sont pas fondés à demander que l'indemnité prononcée par ce jugement soit revalorisée.
Sur les dépens :
9. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".
10. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, il y a lieu de laisser les dépens constitués par les frais de l'expertise de première instance, taxés et liquidés à la somme de 3 550,14 euros par l'ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 25 juin 2018, intégralement à la charge définitive de la commune de Cosnac, ainsi que l'a jugé le tribunal.
Sur les frais liés au litige :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit aux conclusions d'aucune des parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Cosnac et les conclusions d'appel incident de M. A... et Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cosnac, à M. F... A... et à Mme E... B....
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Nicolas Normand, président assesseur,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.
La rapporteure,
Héloïse H...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au préfet de la Corrèze en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX03115