Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 29 mars 2024 par lequel le préfet de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ".
Par un jugement n° 2400736 du 2 juillet 2024, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2024, M. C..., représenté par Me Sanchez, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, ainsi que l'arrêté du préfet de la Corrèze du 29 mars 2024 ;
2°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme
de 3 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- il dispose d'un hébergement à Brive depuis sa sortie de détention et justifie d'une promesse d'embauche ; il a des contacts réguliers avec son fils qui réside en région parisienne et constitue sa seule famille ; ainsi, le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de
l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il doit suivre en France des soins dont il ne pourrait bénéficier en Haïti ; alors
qu'il connaissait parfaitement cette situation, le préfet n'a pas saisi le collège de médecins
de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- alors qu'il ne pourrait pas bénéficier en Haïti des soins dont il a besoin, le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le médecin qui l'a examiné le 17 juin 2021 contre-indique formellement les voyages en avion ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- c'est à tort que tribunal a jugé qu'il ne justifiait d'aucune menace personnelle en Haïti ; il craint pour sa vie en cas de retour dans ce pays compte tenu des faits pour lesquels il a été condamné en France, et il a déjà reçu des menaces ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il ne représentait plus aucune menace pour l'ordre public en 2024, alors qu'il a purgé sa peine et qu'il est sorti de détention en 2021.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision
du 19 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité haïtienne, a résidé régulièrement en France
du 22 mai 2003 au 20 mars 2013. Le 6 novembre 2015, la cour d'assises de la Guadeloupe l'a condamné à une peine de 12 ans d'emprisonnement ferme pour viols commis sur un mineur par une personne ayant autorité sur la victime. Par un arrêté du 14 avril 2021, la préfète de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et sa demande d'annulation de cet arrêté a été rejetée en dernier lieu par une ordonnance de la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 décembre 2021. M. C...
a ensuite sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, et par un arrêté
du 29 mars 2024, le préfet de la Corrèze a rejeté sa demande, a refusé de régulariser sa situation au regard de sa vie privée et familiale, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement
du 2 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
3. S'il n'est pas contesté que M. C... réside en France depuis 1984 et a bénéficié de titres de séjour durant près de dix ans entre 2003 et 2013, il ne se prévaut pas d'autres attaches que son fils de nationalité française, âgé de 23 ans à la date de l'arrêté contesté, avec lequel il ne démontre pas entretenir des relations. Eu égard à la gravité des faits pour lesquels il a été condamné à une peine de 12 ans d'emprisonnement, et en l'absence d'autre garantie de réinsertion qu'une promesse d'embauche de l'exploitant de l'hôtel dans lequel il réside, le refus de titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. M. C..., qui avait sollicité un titre de séjour en qualité de salarié, ne peut utilement se prévaloir d'un droit au séjour en raison de son état de santé. Par suite, les moyens tirés de l'absence de saisine du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et d'une impossibilité de bénéficier de soins appropriés en Haïti, au demeurant dépourvus de précisions sur les soins dont il aurait besoin, sont inopérants.
5. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que l'état de santé de M. C... contre-indiquait les voyages en avion le 17 juin 2021 relève de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français et ne peut, en tout état de cause, être utilement invoqué pour contester la légalité de la décision de refus de titre de séjour du 29 mars 2024.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; / (...). "
7. Pour faire obligation de quitter le territoire français à M. C..., le préfet de la Corrèze s'est fondé sur les dispositions du 3° et du 5° de l'article L. 611-1. Si le requérant fait valoir qu'il ne représenterait plus aucune menace à l'ordre public, le refus de titre de séjour
du 29 mars 2024 suffisait à fonder légalement la mesure d'éloignement du même jour.
8. En second lieu, le moyen tiré de l'existence de menaces personnelles auxquelles M. C... serait exposé en cas de retour en Haïti ne peut être utilement invoqué pour contester la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, laquelle n'impose pas, par elle-même, à l'intéressé de retourner dans son pays d'origine. S'il y a lieu de requalifier ce moyen comme dirigé contre le pays de renvoi, M. C... se borne à invoquer des menaces dont il aurait fait l'objet en raison des faits pour lesquels il a été condamné en France, dont il ne démontre pas l'existence.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... C... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Antoine Rives, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La rapporteure,
Anne B...
La présidente,
Catherine GiraultLe greffier,
Fabrice Benoit
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24BX01953