Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2021 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2300091 du 23 mars 2023, le tribunal a rejeté la demande de
M. F...
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2024, M. F..., représenté par
Me Missiaen, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il établit contribuer à l'entretien et l'éducation de son fils français ; il en justifie par une attestation de la mère de l'enfant, par la production de justificatifs de transports et d'ordre de virements bancaires ;
- la décision lui refusant le séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il entretient une relation avec
Mme C..., ressortissante angolaise bénéficiaire d'une carte de résident, avec laquelle il a eu deux enfants, dont il s'occupe, et partage avec elle une communauté de vie depuis 2016 ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ses trois enfants sont en France et lui-même y réside depuis 2010 ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête pour tardiveté.
M. F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision
du 27 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Antoine Rives a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... F..., ressortissant angolais né le 6 juin 1976, a déclaré être entré sur le territoire français en février 2010. Compte tenu de la naissance de son fils, B..., issu de sa relation avec une ressortissante française, il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, régulièrement renouvelé jusqu'au 9 juillet 2015. Par un arrêté du 27 avril 2016, le préfet de la Gironde a toutefois refusé de lui délivrer un titre de séjour, et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le 28 août 2018, l'intéressé a de nouveau sollicité un titre de séjour en tant que parent d'enfant français. Par un arrêté du 17 novembre 2021, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. F... relève appel du jugement du jugement n° 2300091 du 23 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Gironde :
2. Le préfet de la Gironde soutient que la requête présentée par M. F... est irrecevable dès lors qu'elle a été enregistrée le 12 juillet 2024, soit au-delà du délai de trente jours pour former un recours contentieux courant à compter de l'expiration du délai de quinze jours au terme duquel la décision du 27 juillet 2023 l'admettant à l'aide juridictionnelle est devenue définitive. Toutefois, en l'absence de preuve de la date de notification de la décision d'aide juridictionnelle du 27 juillet 2023, la requête de M. F... ne peut être regardée comme tardive. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet en défense ne peut qu'être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Il résulte de ces dispositions que pour obtenir un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, l'étranger qui se prévaut de cette qualité doit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. F... est père d'un enfant de nationalité française, B..., né le 22 juin 2011, issu d'une précédente relation avec une ressortissante française. Pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article précité, la préfète de la Gironde a relevé que M. F... ne justifiait pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de B....
5. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 16 avril 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Montargis a maintenu un exercice conjoint de l'autorité parentale entre les deux parents, a fixé la résidence habituelle de l'enfant chez la mère, tout en prévoyant un droit d'accueil et d'hébergement du père au gré des parties ou à défaut pendant la moitié des vacances scolaires, et a dispensé M. F... de toute contribution alimentaire compte tenu de son impécuniosité. Il a également relevé que la relation entre le requérant et son fils, rompue depuis la séparation des parents en 2013, s'était progressivement rétablie à partir d'octobre 2017 du fait de l'exercice d'un droit de visite mensuel en un point-rencontre situé à Montargis. Par une attestation du 2 décembre 2021, la mère de B... a confirmé, depuis l'intervention de ce jugement, l'exercice régulier par M. F... de son droit de visite et d'hébergement, sa contribution aux dépenses scolaires, à l'habillement, ainsi qu'aux cadeaux d'anniversaire et de fin d'année. Si cette attestation est postérieure à la décision contestée, elle fait néanmoins état de circonstances antérieures et, de plus, est suffisamment corroborée par les nombreux justificatifs de déplacements produits au dossier, certains pour la première fois en appel, lesquels font ressortir qu'au cours des deux années précédant la décision de refus de titre de séjour, M. F..., qui réside à Bordeaux, a rendu visite à son fils à A... (E...) et l'a pris en charge pour un séjour de deux semaines à Bruxelles durant l'été 2021. En outre, bien que non tenu à une contribution alimentaire, il a effectué plusieurs virements à destination de la mère de son fils entre les mois de décembre 2019 et mai 2021, pour un montant global de 440 euros. Ainsi, dans ces circonstances, le requérant établit contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis au moins deux ans à la date de la décision contestée et, par suite, satisfaire aux conditions prévues par les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
6. Eu égard au motif retenu, l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer à M. F... le titre de séjour sollicité dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à Me Missiaen, conseil de M. F..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2300091 est annulé.
Article 2 : L'arrêté de la préfète la Gironde du 17 novembre 2021 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. F... le titre de séjour sollicité dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à Me Missiaen une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente de chambre,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Antoine Rives, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2024.
Le rapporteur,
Antoine Rives
La présidente,
Catherine Girault
Le greffier,
Fabrice Benoit
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24BX01741 2