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05/12/2024 | FRANCE | N°23BX00175

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 05 décembre 2024, 23BX00175


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler la décision du directeur du centre hospitalier d'Esquirol du 25 août 2020 portant suspension de fonctions " pour une durée maximale de quatre mois " prenant effet " à compter de l'expiration du congé de maladie [de l'agent] et de sa reprise de fonctions " et, d'autre part, la décision de la même autorité du 16 avril 2021 portant exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois.

Par un jugem

ent n° 2001512 et n° 2101036 du 17 novembre 2022, le tribunal a annulé la déci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler la décision du directeur du centre hospitalier d'Esquirol du 25 août 2020 portant suspension de fonctions " pour une durée maximale de quatre mois " prenant effet " à compter de l'expiration du congé de maladie [de l'agent] et de sa reprise de fonctions " et, d'autre part, la décision de la même autorité du 16 avril 2021 portant exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois.

Par un jugement n° 2001512 et n° 2101036 du 17 novembre 2022, le tribunal a annulé la décision du 25 août 2020 et a rejeté le surplus des demandes de M. G....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2023, M. D... G..., représenté par

Me Maret, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 avril 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 16 avril 2021 portant exclusion temporaire de fonctions pendant trois mois ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Esquirol la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- ainsi que l'a retenu le tribunal, le grief tiré de la divulgation d'informations confidentielles à des tiers, qui n'est pas détaillé, n'a jamais été porté à sa connaissance ni à celle de la commission consultative paritaire siégeant en formation disciplinaire ;

- la décision contestée est entachée d'inexactitude matérielle en ce qu'elle relève qu'il a reconnu partiellement les faits qui lui sont reprochés ; il n'a reconnu qu'une maladresse s'agissant de l'attribution non réglementaire d'un logement de fonctions ;

- c'est à tort que les premiers juges ont reconnu l'existence de fautes justifiant l'infliction d'une sanction disciplinaire ; la décision contestée est entachée d'erreurs de faits, d'erreur d'appréciation et de disproportion ;

- le grief tiré de manquements dans la communication auprès de l'autorité hiérarchique et de l'absence de validation préalable de décisions stratégiques n'est pas établi ; il disposait d'une délégation importante en tant que directeur délégué lui permettant de prendre des décisions sans avoir à les valider systématiquement auprès du chef d'établissement ; il avait été désigné par le chef d'établissement comme le seul référent pour répondre aux sollicitations de la chambre régionale des comptes durant le contrôle de gestion ; alors qu'aucune communication formelle ou entretien de recadrage n'a été réalisé par le chef d'établissement avant le courrier

du 8 juillet 2020, le CH d'Esquirol, pour établir la matérialité des faits qui lui sont reprochés, se borne pour l'essentiel à produire des captures d'écrans d'échanges via l'application Whatsapp ;

- le grief tiré de l'attribution irrégulière d'un logement de fonction au bénéfice

de Mme E... est infondé ; il s'agissait seulement d'une mise à disposition ponctuelle et temporaire d'un logement dans le cadre de la coopération entre le CH La Valette et le CH de Guéret pendant la crise sanitaire, qui a ultérieurement donné lieu à l'émission d'un titre de recettes ;

- ainsi que l'a jugé le tribunal, le grief tiré de la réalisation de travaux dans son logement de fonction ne peut être retenu ; ils ont été réalisés en toute transparence et la CRC n'a formulé aucune remarque sur les dépenses engagées à ce titre ;

- sa décision d'attribuer des autorisations spéciales d'absence valorisées à 7h48 et générant des droits à des jours de récupération du temps de travail au cours de la période de crise sanitaire n'est pas fautive ; il souhaitait aligner les modalités de gestion applicables aux agents du CH de La Valette sur celles du CH d'Esquirol, sans intention délibérée de méconnaître la réglementation, et a été induit en erreur par la direction des ressources humaines de cet établissement, ce qu'a d'ailleurs admis le chef d'établissement ;

- le grief tiré de son comportement irrespectueux envers certains personnels de l'établissement n'a pas été retenu par la commission ; en tout état de cause, les difficultés rencontrées par Mme F... dans ses relations avec lui semblent liées à sa propre incompréhension de l'organisation hiérarchique de l'établissement ; l'évènement du 7 mai 2020 est lié à une demande urgente non satisfaite et ne révèle pas des faits de harcèlement moral à l'encontre de Mme F... ; les accusations de M. H... ne sont corroborées par aucun témoignage, et celles du Dr C... sont erronées car le retrait de la chefferie de la pharmacie n'a jamais eu lieu ;

- alors qu'il peut se prévaloir de fiches de notation élogieuses et d'une gestion financière excellente, la procédure disciplinaire diligentée à son encontre apparaît être en rapport avec la situation de harcèlement moral qu'il subit depuis la brusque dégradation de ses relations avec le chef d'établissement ; les répercussions sur sa santé sont établies : l'origine professionnelle de son état anxiodépressif a été reconnue et il bénéficie de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés ;

- à supposer les griefs établis, la décision est totalement disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2024, le centre hospitalier Esquirol, représenté par Me Lesné, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. G... d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable ; l'appelant se borne à reproduire intégralement ses écritures de première instance sans apporter d'élément nouveau permettant de démontrer en quoi le jugement attaqué serait irrégulier ;

- la sanction du 16 avril 2021 repose uniquement sur des manquements liés à la transmission de documents pouvant engager la responsabilité du représentant légal sans sa validation préalable, sur l'attribution irrégulière d'un logement de fonction, sur la valorisation irrégulière d'autorisations spéciales d'absence et sur la divulgation d'informations confidentielles à des tiers ; en conséquence, le moyen tiré de ce que les agissements de harcèlement moral ne sont pas établis est inopérant ;

- il ne conteste pas l'appréciation du tribunal en ce qu'il n'a pas retenu le grief tiré de la divulgation d'informations confidentielles ;

- M. G... a transmis des réponses à un questionnaire sensible et stratégique adressé par la chambre régionale des comptes de Nouvelle-Aquitaine sur la situation financière et budgétaire du CH La Valette, sans en informer son supérieur hiérarchique, et n'établit pas avoir été désigné comme le seul référent du dossier auprès du magistrat rapporteur ; ce fait caractérise un manquement au devoir de loyauté envers le chef de l'établissement et un non-respect délibéré de la voie hiérarchique ;

- la transmission de documents ou la prise de décisions stratégiques par M. G..., sans validation hiérarchique préalable, avaient d'ailleurs été constatées à trois autres reprises ;

- la convention de direction commune désigne M. A... comme le chef d'établissement, seul compétent pour prendre des décisions au nom du CH de La Valette ; quand bien même

M. G... bénéficiait d'une large délégation de signature, le chef d'établissement demeure le seul responsable des actes signés par le délégataire, qui est tenu de lui en rendre compte ;

- il est établi que M. G... a profité de ses fonctions de directeur délégué pour octroyer gratuitement à une directrice adjointe du CH de Guéret, compagne d'un membre de l'équipe de direction du CH de La Valette, un logement de fonctions alors qu'elle ne remplissait pas les conditions pour en bénéficier ; ces faits traduisent une volonté de l'agent de favoriser ses propres intérêts et l'intérêt de ses proches au détriment de l'intérêt public ; des manquements aux devoirs de loyauté et de probité justifient à eux seuls la décision contestée ;

- le grief tiré de la valorisation irrégulière d'autorisations spéciales d'absence, décision unilatérale que M. G... a par ailleurs maintenue en dépit des consignes de correction, est établi ; ce fait traduit une volonté sans faille de s'affranchir de toute hiérarchie et justifie à lui seul la décision contestée.

Par une ordonnance 6 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée

au 7 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 ;

- le décret n° 2005-920 du 2 août 2005 ;

- le décret n° 2010-30 du 8 janvier 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Maret, représentant M. G... et de Me Laurent, représentant le centre hospitalier Esquirol.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la mise en œuvre d'une convention de direction commune conclue entre le centre hospitalier Esquirol à Limoges, le centre hospitalier La Valette à Saint-Vaury et l'EHPAD La Chapelaude à La Chapelle-Taillefert, M. G..., agent contractuel de la fonction publique hospitalière a, par convention du 6 janvier 2020, été mis à disposition du centre hospitalier La Valette à Saint-Vaury pour y exercer les fonctions de directeur délégué. Par une décision du 16 avril 2021, le directeur du centre hospitalier Esquirol à Limoges a prononcé à l'encontre de M. G... la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois. M. G... relève appel du jugement n° 2001512, 2101036 du 17 novembre 2022 en tant que, après avoir annulé une précédente décision de suspension de fonctions du 25 août 2020, il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 avril 2021.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier d'Esquirol :

2. En l'espèce et contrairement à ce que fait valoir le CH d'Esquirol, le requérant ne se borne pas à reprendre intégralement et exclusivement ses écritures de première instance, mais critique le bien-fondé du jugement du tribunal administratif de Limoges. La fin de non-recevoir opposée par le CH d'Esquirol doit, par suite, être écartée.

Sur le bien-fondé de la sanction :

3. Aux termes de l'article 39 du décret n° 91-155 du 6 février 1991, alors applicable : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une période déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée. / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement ".

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. Pour infliger à M. G... une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois, le directeur du centre hospitalier Esquirol s'est fondé sur une " divulgation d'informations confidentielles à des tiers ", sur " la transmission de documents pouvant engager la responsabilité du représentant légal, sans sa validation préalable ", sur " l'attribution non réglementaire d'un logement de fonctions " et, enfin, sur la " valorisation non règlementaire d'autorisations spéciales d'absence ".

En ce qui concerne le grief tiré de la transmission de documents de nature à engager la responsabilité du représentant légal, sans sa validation préalable :

6. En premier lieu, il est reproché à M. G... d'avoir transmis à la chambre régionale des comptes (CRC) de Nouvelle-Aquitaine, dans le cadre d'un contrôle des comptes et de la gestion du centre hospitalier de La Valette pour la période 2014-2019, des éléments portant sur la situation financière et budgétaire de cet établissement, sans l'aval de son supérieur hiérarchique, M. A..., chef d'établissement désigné par la convention de direction commune. Le rapport introductif produit lors de la procédure disciplinaire lui fait plus particulièrement grief d'avoir, de sa propre initiative et sans requérir la validation du chef d'établissement, répondu par l'envoi de pièces au rapport d'observations provisoires élaboré par cette juridiction. Néanmoins, d'une part, il ressort des pièces du dossier que cette transmission a seulement consisté en l'envoi de réponses à une série de " questionnaires " préalablement préparés par le magistrat en charge du contrôle. Se rapportant non au dernier stade de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 243-2 du code des juridictions financières, au cours de laquelle l'ordonnateur est invité à produire une réponse écrite aux observations provisoires formulées par la CRC, mais à la phase initiale d'instruction sur place et sur pièces, la communication de tels éléments, au demeurant non produits par le CH Esquirol, ne saurait être regardée, contrairement à ce qui est soutenu, comme ayant soulevé, par elle-même, des enjeux éminemment stratégiques ou sensibles appelant nécessairement la validation du chef d'établissement. D'autre part, alors que M. G... assurait, aux termes de l'article 4 de la convention de direction commune, " la direction du centre hospitalier " de La Valette, seul établissement partie à la convention de direction commune concerné par le contrôle, et qu'il n'est pas sérieusement contesté que le chef d'établissement l'avait désigné comme référent auprès du magistrat rapporteur, il n'apparaît pas, eu égard à l'autonomie dont il disposait dans ce cadre, qu'il aurait été tenu de s'assurer de la validation préalable du chef d'établissement avant d'accéder aux demandes de communication formulées par le magistrat. La circonstance, pour regrettable qu'elle soit, qu'il a omis de mettre le chef d'établissement en copie de cette transmission, si elle relève d'une mauvaise appréciation de la fonction de directeur délégué, n'apparait pas de nature, en l'absence de velléité délibérée de cacher au chef d'établissement des informations sensibles, qu'il était par ailleurs tenu de communiquer à la CRC, à caractériser une faute disciplinaire.

7. En deuxième lieu, si le CH Esquirol reproche à M. G..., d'avoir omis de soumettre au chef d'établissement, pour validation préalable, l'ordre du jour du directoire

du CH de La Valette ainsi que les documents destinés à y être présentés au cours du mois

de mai 2020, cette omission, si elle relève également d'une mauvaise appréciation de la fonction de directeur délégué, ne caractérise pas davantage un manquement fautif susceptible de faire l'objet d'une sanction disciplinaire.

8. Enfin, s'il est également reproché à M. G... d'avoir révélé à l'un des médecins du CH de la Valette au cours du mois de juin 2020, sans l'accord préalable du chef d'établissement, la décision de ce dernier de cesser de lui verser la prime d'exercice territorial, cet élément ne figure ni dans le rapport de saisine de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire, ni dans le procès-verbal de cette commission. En tout état de cause, la décision du chef d'établissement ne pouvait revêtir aucun caractère confidentiel, même provisoire, à l'égard de son destinataire dès lors qu'elle n'était que la conséquence légale d'une décision antérieure du chef d'établissement mettant fin, à compter du 1er juin 2020, à la mise à disposition de ce médecin auprès du CSAPA de Guéret et ainsi à l'exercice de son activité sur plusieurs établissements.

9. Dans ces conditions, M. G... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a retenu que les faits invoqués par le CH Esquirol à l'appui du grief tiré de " la transmission de documents pouvant engager la responsabilité du représentant légal, sans sa validation préalable ", constituaient des fautes de nature à justifier une sanction.

En ce qui concerne les griefs tirés de la " valorisation non règlementaire d'autorisations spéciales d'absence " et de " l'attribution non réglementaire d'un logement de fonctions " :

10. En premier lieu, aux termes de l'article 11 du décret du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le nombre de jours supplémentaires de repos prévus au titre de la réduction du temps de travail est calculé en proportion du travail effectif accompli dans le cycle de travail et avant prise en compte de ces jours. (...). "

11. Il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que M. G... a décidé que les jours non travaillés à raison des autorisations spéciales d'absence accordées aux agents dans le cadre de la crise sanitaire seraient pris en compte pour le calcul des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail, en méconnaissance de l'article 11 du décret du 4 janvier 2002 précité. Toutefois, les échanges de courriels produits au dossier corroborent l'allégation du requérant selon laquelle, ayant été avisé sur la base d'informations erronées provenant du CH Esquirol de ce que les ASA accordées aux agents de cet établissement étaient valorisées à hauteur de 7h48 et qu'elles ouvraient droit à des jours de réduction du temps de travail, sa décision de déroger à la règlementation applicable au niveau national n'était motivée que par une volonté d'harmoniser les pratiques au sein des établissements parties à la convention de direction commune. A cet égard, le chef d'établissement a lui-même reconnu, dans un courriel

du 6 mai 2020, que M. G... n'était " pas remis en cause " et " qu'il y avait eu visiblement un problème de compréhension au sein de la direction des ressources humaines ". En outre, contrairement à ce qui est soutenu, M. G... est revenu sur cette décision dès qu'il a été informé de son irrégularité. Dans ces circonstances, aucune faute ne peut être retenue.

12. En second lieu, aux termes de l'article 2 du décret n° 2010-30 du 8 janvier 2010 :

" I.-Les fonctionnaires occupant d'une part les emplois des corps et des statuts fonctionnels des personnels de direction et des directeurs des soins des établissements mentionnés à l' article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée et d'autre part les fonctions d'administrateur provisoire dans le cadre de l' article L. 6143-3-1 du code de la santé publique bénéficient de concessions de logement par nécessité absolue de service. Ces concessions sont attribuées en contrepartie de la participation de ces personnels aux gardes de direction et des sujétions de responsabilité permanente et de continuité du service public qui leur sont dévolues. ". Selon l'article 3 de ce décret : " Les fonctionnaires bénéficiant de concessions de logement par nécessité absolue de service sont logés par priorité dans le patrimoine de l'établissement. / A défaut, lorsque ce patrimoine ne permet pas d'assurer leur logement, ils bénéficient, au choix de l'établissement dont ils relèvent : / - soit d'un logement locatif mis à leur disposition dans les conditions prévues à l'article 4, dont la localisation est compatible avec la mise en œuvre de gardes de direction ou techniques ; / - soit d'une indemnité compensatrice mensuelle, dont les montants sont fixés par arrêté des ministres chargés de la santé, du budget et de la fonction publique pour chacune des zones relatives au classement des communes (...) sous réserve que la localisation du logement occupé soit compatible avec la mise en œuvre de gardes de direction ou techniques. ".

13. Il est constant que M. G... a mis un logement de fonctions à disposition d'une directrice adjointe du CH de Guéret, conjointe d'un des directeurs adjoints du CH La Valette à Saint-Vaury, à compter du 13 mars 2020. S'il verse au dossier une " attestation sur l'honneur " du même jour, aux termes de laquelle cette mise à disposition temporaire à titre gracieux s'inscrit dans le cadre d'une collaboration entre le CH de Guéret et celui de La Valette pendant la crise sanitaire, l'existence d'une telle coopération n'est corroborée par aucune des pièces du dossier. Cette concession de logement ne saurait ainsi être regardée, au sens et pour l'application de l'article 2 du décret précité, comme la contrepartie de la participation de sa bénéficiaire aux gardes de direction et aux sujétions de responsabilité permanente et de continuité du service public au sein du CH La Valette. En tout état de cause, un logement ne pouvait légalement lui être attribué dès lors que lui était déjà versée l'indemnité compensatrice mentionnée à l'article 3 de ce décret, ce qu'il appartenait à M. G... de vérifier préalablement. M. G... a reconnu devant la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire qu'il avait commis une erreur qui, en raison de l'absence de vérification préalable concernant les conditions légales relatives à l'octroi de ce logement, doit être regardée comme fautive et de nature à justifier l'infliction d'une sanction disciplinaire. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier des échanges entre l'intéressé et les membres de la commission consultative paritaire disciplinaire que cette concession de logement, accordée à la demande de sa bénéficiaire qui avait alors fait état de la présence au sein de son foyer d'une personne fragilisée par la maladie, et dont le décès surviendra d'ailleurs quatre mois plus tard, s'inscrivait dans un contexte de crise sanitaire aigüe durant laquelle les établissements de santé, sous l'impulsion de la direction générale de l'offre de soins, étaient encouragés à mener une politique active en matière d'attribution de logements au profit des personnels hospitaliers. Dans ces circonstances, et compte tenu du fait que l'intéressé n'avait jamais précédemment fait l'objet d'une sanction disciplinaire et bénéficiait d'évaluations élogieuses, celui-ci est fondé à soutenir, pour la première fois en appel, que la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois est disproportionnée à la gravité de cette faute.

14. Il résulte de tout ce qui précède, et alors que le jugement attaqué n'est pas critiqué en cause d'appel en ce qu'il a retenu que le grief tiré de la " divulgation d'informations confidentielles à des tiers " ne pouvait légalement justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire, que M. G... est fondé à demander l'annulation de la décision du 16 avril 2021 ainsi que celle du jugement attaqué, en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les frais liés au litige :

15. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme réclamée par le CH d'Esquirol au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de M. G..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CH Esquirol la somme de 1 500 euros demandée par M. G... sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 17 novembre 2022 du tribunal administratif de Limoges est annulé en tant qu'il rejette la demande de M. G... tendant à l'annulation de la décision

du 16 avril 2021.

Article 2 : La décision du 16 avril 2021 est annulée.

Article 3 : Le centre hospitalier Esquirol versera à M. G... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier Esquirol présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... G... et au centre hospitalier Esquirol.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure

M. Antoine Rives, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.

Le rapporteur,

Antoine B...

La présidente,

Catherine GiraultLe greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX00175


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00175
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Antoine RIVES
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : MARET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;23bx00175 ?
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