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05/12/2024 | FRANCE | N°22BX02187

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 05 décembre 2024, 22BX02187


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges, sous le n° 2000163 d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2019 par lequel la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction (CNG) a mis fin

à ses fonctions de directrice de la direction commune du centre gériatrique du Muret à Ambazac et des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de

Bessines-sur-Gartempe et d

e Nantiat et l'a nommée directrice de l'EHPAD de Bessines-sur-Gartempe, et sous le n° 2001423 d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges, sous le n° 2000163 d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2019 par lequel la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction (CNG) a mis fin

à ses fonctions de directrice de la direction commune du centre gériatrique du Muret à Ambazac et des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de

Bessines-sur-Gartempe et de Nantiat et l'a nommée directrice de l'EHPAD de Bessines-sur-Gartempe, et sous le n° 2001423 d'annuler les décisions implicites de rejet de ses réclamations préalables et de condamner le CNG et l'EHPAD de Bessines-sur-Gartempe à lui verser une indemnité d'un montant total de 18 500 euros.

Par un jugement nos 200011423, 20011423 en date du 9 juin 2022, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 août 2022, 20 février 2024

et 21 février 2024, Mme B..., représentée par Me Douniès, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté de la directrice générale du CNG du 3 décembre 2019, ainsi que les décisions implicites de rejet de de ses réclamations préalables ;

3°) de condamner l'EHPAD de Bessines-sur-Gartempe et le CNG à lui verser les sommes de 10 000 euros au titre de son préjudice moral et de 7 252 euros au titre de ses pertes de rémunération ;

4°) de mettre à la charge de l'EHPAD de Bessines-sur-Gartempe et du CNG une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- l'arrêté du 3 décembre 2019, qui inflige une sanction, n'est pas motivé, de même que les décisions implicites de rejet de ses réclamations préalables ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle était partie à la convention dès lors qu'elle était directrice de la direction commune des trois établissements ; l'article 5 de la convention conclue pour une durée d'un an avec reconduction tacite prévoyait une dénonciation avec un préavis de six mois, de sorte que le non-respect de ce délai entache d'illégalité l'arrêté du 3 décembre 2019 ; alors que la direction commune avait été tacitement renouvelée, sa dissolution n'était plus possible, et elle aurait dû conserver ses fonctions de directrice commune des trois établissements jusqu'à son admission à la retraite en septembre 2020 ;

- elle était en congé pour accident reconnu imputable au service et avait informé l'agence régionale de santé (ARS), le 6 septembre 2019, de ce qu'elle allait pouvoir reprendre ses fonctions compte tenu de l'amélioration de son état de santé ; la réunion précipitée des conseils d'administration des établissements en vue de dénoncer la convention de direction commune avait pour objet de la sanctionner, comme le démontre le courriel de l'ARS

du 19 septembre 2019 ; alors que le 1er août 2013, elle avait été nommée, comme il est d'usage, directrice de deux EHPAD, l'arrêté du 3 décembre 2019 l'a nommée directrice du seul EHPAD de Bessines-sur-Gartempe, le plus petit des trois ; ainsi, cet arrêté révèle une sanction déguisée, et il est entaché de détournement de pouvoir ;

- l'illégalité fautive de l'arrêté du 3 décembre 2019 engage la responsabilité de l'EHPAD de Bessines-sur-Gartempe et du CNG ;

- elle a subi une perte de rémunération totale de 7 252 euros (4 640 euros au titre de l'indemnité de direction commune, 1 120 euros au titre de la prime de fonctions et 1 492 euros au titre de la prime de résultats), et elle sollicite 10 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par des mémoires en défense enregistrés les 22 septembre 2023 et 19 avril 2024, l'EHPAD de Bessines-sur-Gartempe, représenté par l'AARPI Angle Droit Avocats, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme B... d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la demande indemnitaire que Mme B... lui a adressée le 9 juin 2020, à laquelle il a été fait droit en août 2020, ne portait que sur la prime de logement pour un montant

de 1 485 euros ; en l'absence de demande préalable relative aux préjudices invoqués, le contentieux n'est pas lié et la requête ne peut qu'être rejetée en ce qu'elle est dirigée à son encontre ;

- la requête d'appel est insuffisamment motivée ;

- il n'est pas l'auteur de la décision du 3 décembre 2019 ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 février 2024, le CNG, représenté

par la SELARL Bazin et Associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge

de Mme B... d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête d'appel qui se borne à reproduire les écritures de première instance, est insuffisamment motivée ;

A titre subsidiaire :

- les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet de la réclamation préalable sont irrecevables dès lors que cette décision a eu pour seul effet de lier le contentieux ;

- l'arrêté du 3 décembre 2019, qui ne prononce pas une sanction, n'avait pas à être motivé, et au demeurant, il l'est suffisamment ;

- Mme B... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de la convention dont elle n'est pas partie, auxquelles les signataires pouvaient librement déroger, et elle ne démontre pas en quoi la méconnaissance du délai de préavis entacherait l'arrêté d'illégalité ;

- l'arrêté, sans lien avec la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident de Mme B..., se borne à tirer les conséquences de la dénonciation de la direction commune par les conseils d'administration des trois établissements ; l'existence d'un détournement de pouvoir ou d'une sanction déguisée n'est pas démontrée ;

- en l'absence de faute susceptible d'engager la responsabilité du CNG, les conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées ; au surplus, les préjudices allégués ne sont pas établis.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n°2007-1930 du 26 décembre 2007 ;

- le code de la santé publique ;

- le code des relations du public et de l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., directrice d'établissement sanitaire, social et médico-social hors classe, a été nommée directrice du centre gériatrique du Muret à Ambazac et des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Bessines-sur-Gartempe et de Nantiat (Haute-Vienne) à compter du 15 septembre 2015, dans le cadre d'une convention de direction commune signée le 23 avril 2015. Par délibérations des 13 et 20 septembre 2019, les conseils d'administration de ces établissements ont dénoncé la convention, et par un arrêté du 3 décembre 2019, la directrice du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction (CNG) a mis fin aux fonctions de Mme B... en sa qualité de directrice de la direction commune et l'a nommée directrice du seul EHPAD de Bessines-sur-Gartempe. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Limoges, sous le n° 2000163 d'une demande d'annulation de cet arrêté, et sous le n° 2001423 d'une demande d'annulation des décisions implicites de rejet de ses réclamations préalables et de condamnation du CNG

et de l'EHPAD de Bessines-sur-Gartempe à lui verser une indemnité d'un montant total

de 18 500 euros. Elle relève appel du jugement du 9 juin 2022 par lequel le tribunal, qui a joint ses demandes, les a rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les décisions implicites de rejet des réclamations préalables :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. "

3. Les réclamations préalables présentées par Mme B... n'ont eu pour effet que de lier le contentieux à l'égard de ses demandes indemnitaires. Les conclusions à fin d'indemnisation relevant d'un litige de plein contentieux, la demande d'annulation des décisions implicites de rejet ne peut qu'être rejetée, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen invoqué.

En ce qui concerne l'arrêté du 3 décembre 2019 :

S'agissant de la fin de fonctions de directrice de la direction commune :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

5. En faisant référence aux délibérations des conseils d'administration de l'EHPAD de Bessines-sur-Gartempe, du centre gériatrique du Muret et de l'EHPAD de Nantiat qui ont approuvé la dénonciation de la direction commune entre ces établissements, l'arrêté du 3 décembre 2019 a suffisamment motivé, en droit et en fait, la fin de fonctions de Mme B... en qualité de directrice de cette direction commune.

6. En deuxième lieu, selon son article 5, la convention de direction commune était conclue pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction, et pouvait être dénoncée par délibération des conseils d'administration des établissements d'Ambazac, de Bessines-sur-Gartempe et de Nantiat, avec un préavis de six mois avant l'expiration de chaque période. La qualité de directrice de la direction commune dont se prévaut Mme B... ne saurait la faire regarder comme une partie à la convention entre les trois établissements, dont elle n'était pas signataire, et l'arrêté mettant fin à ses fonctions n'a pas été pris pour l'application de l'article 5 de la convention, lequel ne constitue pas la base légale de la fin de fonctions résultant de la dénonciation de la convention par ses parties. C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que le préavis prévu par la convention n'avait pas été respecté.

7. En troisième lieu, Mme B... produit un courrier du syndicat national des cadres hospitaliers Force Ouvrière du 21 octobre 2019 à la directrice générale du CNG, exposant qu'une mission d'inspection du centre gériatrique d'Ambazac avait été diligentée par l'ARS

le 4 juillet 2018 après une dénonciation anonyme, que le procureur de la République avait été saisi pour trois décès suspects de résidents de cet établissement, qu'une décision de classement sans suite avait été prise en août 2019, que Mme B..., très éprouvée, avait été placée en arrêt de travail à compter du 10 juillet 2019, et que le 6 septembre 2019, elle avait informé l'ARS de ce qu'elle devrait être en mesure de reprendre ses fonctions dans les semaines suivantes. La requérante produit également un courriel qu'elle a envoyé le 17 septembre 2019 au délégué départemental de la Haute-Vienne de l'ARS au sujet de la dissolution de la direction commune dont elle venait d'avoir connaissance, en indiquant qu'elle était convaincue que la nomination d'un directeur à plein temps à Ambazac était " la meilleure décision ", tout en regrettant d'en avoir été " tenue à l'écart ". Le délégué départemental lui a répondu qu'elle avait auparavant exprimé son intention de ne pas revenir, et qu'il convenait de trouver une solution afin de ne pas laisser les établissements sans direction pour une longue période. Alors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des délibérations des conseils d'administration des trois établissements, que la dénonciation de la convention de direction commune correspondait à une volonté d'affecter un directeur à plein temps à l'établissement d'Ambazac, les moyens tirés de ce que la fin de fonctions de directrice de la direction commune constituerait une sanction déguisée et serait entachée de détournement de pouvoir doivent être écartés.

S'agissant de l'affectation en qualité de directrice de l'EHPAD de Bessines-sur-Gartempe :

8. Aux termes de l'article 32 du décret du 26 décembre 2007 portant statut particulier du corps des directeurs d'établissements sanitaires, socio-médical : " En cas de dénonciation de la convention instituant la direction commune, le directeur qui dirigeait l'un des établissements relevant de la direction commune est nommé, sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé ou du représentant de l'Etat dans le département, selon le type d'établissement concerné, qui aura préalablement recueilli l'avis du président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance concerné ou du président de l'organe délibérant de la personne publique dont dépend l'établissement, directeur de l'établissement qui dispose du nombre le plus important de lits ou, le cas échéant, de l'un des autres établissements de la direction commune. A défaut, il est réaffecté, dans les mêmes conditions dans l'établissement où il exerçait précédemment. / (...). "

9. Si Mme B... fait valoir qu'elle a été nommée directrice du plus petit des trois établissements dont elle assurait auparavant la direction commune, les dispositions précitées n'imposaient pas de l'affecter sur celui qui disposait du plus grand nombre de lits, et l'usage qu'elle invoque de nommer les directeurs sur deux établissements au minimum ne saurait faire regarder son affectation comme directrice du seul EHPAD de Bessines-sur-Gartempe comme constituant une sanction déguisée.

Sur les conclusions indemnitaires :

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à invoquer l'illégalité de l'arrêté du 3 décembre 2019. Par suite, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.

11. Il résulte de tout qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins

de non-recevoir opposées en défense, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Sur les frais exposés à l'occasion du litige :

12. Mme B..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par l'EHPAD de Bessines-sur-Gartempe et le CNG à l'occasion du présent litige. Enfin, la demande de Mme B... relative à des dépens inexistants ne peut qu'être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'EHPAD de Bessines-sur-Gartempe et le CNG au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Bessines-sur-Gartempe et au centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Antoine Rives, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.

La rapporteure

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLe greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX02187 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02187
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : ANGLE DROIT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;22bx02187 ?
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