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05/12/2024 | FRANCE | N°22BX02048

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 05 décembre 2024, 22BX02048


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SA VIAMEDIS a demandé au tribunal administratif de Poitiers de la décharger de l'obligation de payer la somme de 2 405,34 euros mise à sa charge par avis à tiers détenteur émis par le CHU de Poitiers.



Par un jugement n°2100615 du 20 mai 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.



Procédure devant la cour :



Par une re

quête, enregistrée le 20 juillet 2022, et un mémoire enregistré

le 19 juillet 2024, la société VIAMEDIS, représentée par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA VIAMEDIS a demandé au tribunal administratif de Poitiers de la décharger de l'obligation de payer la somme de 2 405,34 euros mise à sa charge par avis à tiers détenteur émis par le CHU de Poitiers.

Par un jugement n°2100615 du 20 mai 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2022, et un mémoire enregistré

le 19 juillet 2024, la société VIAMEDIS, représentée par Me Bensoussan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 mai 2022 ;

2°) d'annuler le titre de recettes n'°6028177 ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Poitiers une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle avait contesté le bien-fondé de la créance et la juridiction administrative est bien compétente pour se prononcer ;

- le titre de recettes du 27 janvier 2014 a été émis au-delà du délai de deux ans dont disposait l'ordonnateur, dès lors que la prescription de deux ans s'applique aux actions dérivant d'un contrat d'assurance en vertu de l'article L.114-1 du code des assurances ; elle est subrogée aux droits des mutuelles pour lesquelles elle gère le tiers-payant ; les soins en cause avaient été dispensés le 21 novembre 2011 ;

- par suite le centre hospitalier ne pouvait poursuivre le recouvrement d'une créance prescrite ;

- le titre de recettes avait au demeurant été émis à l'encontre de la société Omnirep, dont elle n'était pas la mandataire au moment des soins en cause ;

Par un mémoire enregistré le 15 novembre 2022, le directeur départemental des finances publiques de la Vienne indique que les conclusions relatives à l'annulation du titre exécutoire ne relèvent que du CHU, et que le recouvrement de la créance, qui a fait l'objet de multiples actes de relance depuis un titre émis le 19 janvier 2012 sous le N° 6021970, renuméroté en 2016, après la fusion du centre hospitalier de Montmorillon avec celui du Poitiers, 701406028177, ne peut être contesté devant le juge administratif au motif de forme qu'il n'aurait pas fait l'objet d'un avertissement préalable à la saisie à tiers détenteur ; par ailleurs le recouvrement n'était pas prescrit au regard des 5 mises en demeure adressées entre 2014 et 2020 par la trésorerie de Poitiers.

Par un mémoire, enregistré le 21 juin 2024, le CHU de Poitiers, représenté

par Me Verger (Lavalette Avocats Conseils), conclut au rejet de la requête, subsidiairement au rejet de la demande de la société Viamedis comme tardive, et à ce que soit mise à la charge de la société Viamedis une somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la contestation de première instance ne portait que sur la saisie à tiers détenteur,

et relevait bien de la juridiction judiciaire ;

- le titre de recette a été notifié à la société Viamedis dès le 19 janvier 2012, ce qu'il ne peut démontrer au regard de son ancienneté ; la société en avait toutefois connaissance

dès 2013 comme le prouvent les mails alors échangés pour contester la prise en charge par Viamedis de la mutuelle Omnirep en 2011 ; ainsi, le délai raisonnable pour le contester était largement expiré le 8 mars 2021 lorsqu'elle a saisi le tribunal administratif ;

Les parties ont été avisées le 7 novembre 2024, en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible de reposer partiellement sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation du titre exécutoire n°6028177 du 27 janvier 2014, présentées pour la première fois en appel.

Des observations en réponse ont été produites le 8 novembre 2024 pour

la société Viamedis.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Catherine Girault,

- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. Le 2 décembre 2020, la trésorerie des établissements hospitaliers de Poitiers a effectué une saisie administrative à tiers détenteur sur le compte bancaire de la société anonyme Viamedis, organisme de gestion du tiers payant pour le compte d'organismes d'assurance maladie complémentaires (mutuelles), en vue du recouvrement de la somme de 2 405,34 euros. La société Viamedis a été informée de cette saisie administrative par un courrier électronique que lui a adressé sa banque le 16 décembre 2020. Elle a sollicité du tribunal administratif

de Poitiers la décharge de l'obligation de payer cette somme et relève appel du jugement

du 20 mai 2022 qui a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, applicable aux établissements publics de santé : " (...) / 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. (...) / L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales (...) ". Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2019 : " (...) Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : (...) / c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution ".

3. Il ressort de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales et des établissements d'hospitalisation est de la compétence du juge de l'exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances est de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond.

4. Il résulte de l'instruction qu'un premier titre exécutoire avait été émis

le 14 janvier 2012 par le centre hospitalier de Montmorillon, aux droits duquel vient le CHU de Poitiers après la fusion des deux hôpitaux, à l'encontre de la société Viamedis, pour facturer la part mutuelle des frais d'hospitalisation d'une patiente entre le 21 novembre 2011 et

le 9 décembre 2011 à hauteur de 2 405,34 euros. Il résulte de l'instruction, notamment des échanges de courriels avec le CHU, que ce titre avait été contesté, et un nouveau titre exécutoire ayant le même objet pour la même somme avait été émis sous le n° 6028177 le 27 janvier 2014, cette fois à l'encontre du groupe OMNIREP, lequel a par la suite été mis en demeure de payer cette somme, en vain. La trésorerie du centre hospitalier de Poitiers a alors recherché le paiement de ces frais auprès de la société Viamedis, qu'elle regardait comme mandataire de la société OMNIREP en dépit de ses protestations. En l'absence de paiement, elle a adressé à la BNP, établissement bancaire de la société Viamedis, l'avis à tiers détenteur en litige.

5. La société Viamedis a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à " ordonner le rejet d'un titre de recettes " et la décharger du paiement des sommes visées dans l'avis à tiers détenteur n° 35770457133 pour 2 405,34 euros. Son argumentation consistait principalement à soutenir qu'elle n'avait pas de délégation de tiers payant pour la société OMNIREP pour l'année 2011, et qu'il appartenait donc au centre hospitalier de se tourner directement vers cette société pour le paiement de soins dispensés à une patiente en novembre et décembre 2011. Elle contestait ainsi son obligation au paiement de la somme en litige, y ajoutant qu'elle n'avait pas reçu les lettres de relance adressées à la société OMNIREP et que le recouvrement de la créance était ainsi prescrit à son égard. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a décliné la compétence de la juridiction administrative pour se prononcer sur ces conclusions au regard de ces moyens.

6. Toutefois, les écritures de la société Viamedis, bien que présentées sous la forme d'un catalogue de moyens sans réel rattachement au litige, pouvaient également être interprétées comme soulevant, à l'appui de sa demande de décharge de l'obligation de payer, un moyen relatif au bienfondé du titre de recettes à l'origine de la saisie à tiers détenteur, tiré de la prescription d'assiette en raison de la méconnaissance de la prescription biennale fixée par l'article L. 114-1 du code des assurances. Dans cette mesure, la contestation relevait de la juridiction administrative et le jugement doit être annulé en tant qu'il a omis d'y répondre. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ce moyen, lequel, s'il n'était pas assorti des précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé devant les premiers juges, a été développé en appel.

Sur le bienfondé de la créance :

7. Aux termes de l'article L.114-1 du code des assurances : " Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. (...) ". Ces dispositions ne sont pas applicables à la facturation par un centre hospitalier de soins à une mutuelle, cette action ne dérivant pas directement du contrat d'assurance entre le patient et sa mutuelle. Par suite, seule la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil était applicable. Il résulte de l'instruction que l'évènement à l'origine de la dette est une hospitalisation du 21 novembre 2011 au 9 décembre 2011. Un premier titre exécutoire a été émis le 14 janvier 2012 à l'encontre de la société Viamedis. Le second a été émis le 27 janvier 2014 à l'encontre de la société Omnirep, dans le délai quinquennal. Ainsi, à supposer que la société Viamedis, qui n'est pas une société d'assurance, soit recevable à invoquer pour contester la dette de la mutuelle Omnirep un moyen tiré d'une prescription d'assiette, ce moyen n'est pas fondé.

8. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le CHU de Poitiers, la demande de décharge de l'obligation de payer la société Viamedis doit être rejetée.

9. Si la société Viamedis demande désormais à la cour d'annuler le titre de recettes

n° 6028177 du 27 janvier 2014, de telles conclusions ne peuvent être présentées nouvellement en appel, et sont par suite en tout état de cause irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 mai 2022 est annulé en ce qu'il a rejeté comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions en décharge de l'obligation de payer en tant qu'elles sont fondées sur un moyen tiré d'une prescription d'assiette.

Article 2 : La demande de la société Viamedis fondée sur ce moyen est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Viamedis et au CHU de Poitiers.

Copie en sera délivrée à la direction régionale des finances publiques de Nouvelle-Aquitaine.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Antoine Rives, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.

La présidente-assesseure,

Anne Meyer

La présidente, rapporteure

Catherine Girault

Le greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

22BX02048 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02048
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : LAVALETTE AVOCATS CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;22bx02048 ?
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