Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2023 par lequel le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2301316 du 5 mars 2024, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 mars 2024 et le 24 octobre 2024, Mme B..., représentée par Me Wandrey, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de La Réunion du 18 septembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de La Réunion de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " étudiant " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et à défaut procéder au réexamen de sa situation.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation quant au caractère réel et sérieux de ses études au regard notamment de la circulaire du 7 octobre 2008 relative à l'appréciation du caractère sérieux des études des étudiants étrangers ;
- elle est également entachée d'une erreur de droit, le préfet s'étant fondé exclusivement sur les difficultés rencontrées lors de sa troisième année sans tenir compte de sa progression en première et deuxième année ;
- la décision d'éloignement est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- cette décision est également entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- le préfet s'est estimé, à tort, en situation de compétence liée pour édicter cette décision ;
- cette décision méconnait son droit à une vie privée et familiale normale.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 octobre 2024, le préfet de La Réunion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Kolia Gallier Kerjean a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante comorienne née le 30 septembre 2003, a sollicité auprès des services de la préfecture de La Réunion le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " étudiant " sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 septembre 2023, le préfet de La Réunion a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Elle relève appel du jugement du
5 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. (...) ". Lorsque l'autorité administrative est saisie d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour présentée par un étranger en qualité d'étudiant sur le fondement de ces dispositions, il lui appartient d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la réalité et le sérieux des études poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a brillamment réussi sa première année d'études de médecine à l'université de La Réunion en obtenant la note de 16,302/20 et une mention très bien au terme de l'année universitaire 2020-2021. Inscrite en deuxième année de parcours d'accès spécifique de santé pour l'année 2021-2022, elle a été déclarée non admise au terme de cette année avec une moyenne de 9,149/20, bien qu'ayant validé six unités d'enseignement. Elle a également été déclarée non admise, avec une moyenne de 8,288/20 au terme de l'année universitaire 2022-2023 durant laquelle elle a redoublé cette deuxième année en validant une unité d'enseignement supplémentaire. Toutefois, l'intéressée justifie avoir souffert, durant cette dernière année, de problèmes de santé lui ayant occasionné d'importants maux de ventre, de tête, des malaises et des problèmes de sommeil, une maladie ulcéreuse bulbaire évolutive lui ayant été diagnostiquée au mois d'août 2023. Dans ces conditions, compte tenu de la difficulté des études poursuivies par l'intéressée qui n'a été déclarée défaillante à aucune de ses épreuves, le préfet a commis une erreur d'appréciation en retenant que, faute de progression dans son cursus universitaire, le caractère réel et sérieux de ses études n'était pas avéré. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de La Réunion a entaché la décision de refus de séjour litigieuse d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être accueilli. Cette décision doit dès lors être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, détermination du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt implique, eu égard au motif d'annulation retenu, que le préfet de La Réunion délivre à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, il y a lieu d'enjoindre au préfet de La Réunion d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 5 mars 2024 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de La Réunion du 18 septembre 2023 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de La Réunion de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au préfet de La Réunion et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.
La rapporteure,
Kolia Gallier KerjeanLa présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24BX00762 2