Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2024 du préfet de la Charente-Maritime portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2400185 du 29 janvier 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 mars 2024 et un mémoire non communiqué du 6 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Ghettas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 29 janvier 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2024 du préfet de la Charente-Maritime portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
- cette décision est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet de la Charente-Maritime qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision n° 2024/000364 du 5 mars 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,
- et les observations de Me Sirol, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant marocain né le 21 décembre 1990, est entré régulièrement en France le 25 février 2014 muni d'un visa long séjour valant titre de séjour valable du 17 février 2014 au 17 février 2015 en tant que conjoint de français. Il a bénéficié de titres de séjour en qualité de parent d'enfants français durant la période comprise entre le 13 mai 2015 et le 20 mai 2022, date à laquelle il a déposé une demande de renouvellement de son titre de séjour, qui a été classée sans suite en raison de l'absence de communication de documents réclamés par les services de la préfecture. Le 21 janvier 2024. M. A... a été interpellé pour des faits de vol avec violence. Par arrêté du 22 janvier 2024, le préfet de la Charente-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a pris une décision d'interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 29 janvier 2024 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
2. M. A... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance et sans critique du jugement attaqué, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions portant obligation de quitter le territoire et interdiction de retour pour une durée de trois ans, contenues dans l'arrêté en litige. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige, qui n'avait pas à reprendre l'ensemble des éléments de la situation personnelle de M. A..., aurait été prise sans que le préfet de la Charente-Maritime ne procède à un examen particulier de sa situation. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen réel et sérieux de la situation du requérant doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. A... se prévaut de sa qualité de père de deux enfants françaises, nées les 1er octobre 2013 et 15 octobre 2018 de ses relations avec deux ressortissantes françaises, dont il se serait occupé, en l'absence de liens avec les mères, jusqu'à son placement en détention. Toutefois, en se bornant à produire les extraits d'actes de naissance de ses enfants, deux photographies non datées où il pose avec elles et deux courriers qu'il leur aurait adressés, l'intéressé n'établit pas qu'il aurait contribué effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants depuis la naissance de celles-ci ou depuis au moins deux ans. Au contraire, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de son audition du 21 janvier 2024 devant les services de police et d'un arrêt de la cour d'appel de Pau du 26 janvier 2024, qu'il a déclaré s'être occupé de ses enfants jusqu'à leurs 7 et 3 ans, que celles-ci sont depuis lors placées dans une famille d'accueil à la Rochelle et qu'il ne les a pas vues depuis trois ou quatre mois. S'il soutient que, malgré sa détention, il conserverait à tout le moins des contacts téléphoniques avec elles, il n'apporte aucun élément à l'appui de cette affirmation. Par ailleurs, il ressort du bulletin numéro 2 du casier judiciaire de M. A... que celui-ci a été condamné par le tribunal correctionnel de La Rochelle, le 25 septembre 2020, à une peine d'emprisonnement de trois mois avec sursis probatoire pendant un an et six mois pour violence par une personne en état d'ivresse manifeste, sans incapacité, et violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, pour des faits survenus le 11 août 2020. Il a ensuite été condamné pour récidive d'actes de violences conjugales par le tribunal correctionnel de la Rochelle le 25 janvier 2021 à une peine d'emprisonnement de neuf mois dont cinq mois avec sursis probatoire pendant deux ans et écroué à la maison d'arrêt de Rochefort du 23 janvier 2021 au 25 avril 2021. Le 24 août 2021, il a de nouveau été condamné par le tribunal correctionnel de La Rochelle à une peine d'un an d'emprisonnement, dont six mois avec sursis probatoire pendant trois ans, avec interdiction de détenir une arme soumise à autorisation pendant cinq ans, pour récidive d'actes de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et de nouveau incarcéré à la maison d'arrêt de Rochefort, du 22 août 2021 au 16 avril 2022. En dernier lieu, M. A... a été interpellé, le 21 janvier 2024, pour des faits de vol avec violence. Ainsi, eu égard à la nature des faits en cause, ainsi qu'à leur caractère répété, et récent, le comportement de M. A... constitue une menace grave et actuelle pour l'ordre public. A ce titre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, qui est sans profession ni ressources en France, aurait, notamment pendant les sept années comprises entre mai 2015 et mai 2022 où il a bénéficié de titres de séjour en qualité de parent d'enfants français, initié une quelconque intégration dans la société française. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas établi ni même allégué que M. A... serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...)5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...) ".
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 5, que M. A... participerait à l'éducation et à l'entretien de ses enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans serait illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai sur laquelle elle se fonde doit être écarté.
12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 9, les moyens tirés de ce que la décision fixant une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans méconnaitrait les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
14. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.
La rapporteure,
Béatrice Molina-Andréo
La présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00710