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27/11/2024 | FRANCE | N°22BX01411

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 6ème chambre, 27 novembre 2024, 22BX01411


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société BDM Architectes a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon de condamner le centre hospitalier François Dunan à lui verser la somme de 27 624,57 euros assortie des intérêts au taux légal ainsi que la capitalisation des intérêts.



Par un jugement n° 1700006 du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa demande.



Procédure initiale devant la cour :


> Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 septembre 2018, le 1er octobre 2018 et le 13 octobre 2020, la soc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BDM Architectes a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon de condamner le centre hospitalier François Dunan à lui verser la somme de 27 624,57 euros assortie des intérêts au taux légal ainsi que la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1700006 du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa demande.

Procédure initiale devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 septembre 2018, le 1er octobre 2018 et le 13 octobre 2020, la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, a demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon du 13 juillet 2018 ;

2°) de condamner le centre hospitalier François Dunan à lui verser la somme de 27 624,57 euros assortie des intérêts au taux légal ainsi que la capitalisation des intérêts, au titre du solde du marché ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier François Dunan la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire de l'instruction ;

- sa demande était recevable dès lors que la garantie de parfait achèvement ayant pris fin au 3 octobre 2013, sa mission devait être regardée comme terminée au sens et pour l'application de l'article 9-2 du cahier des clauses particulières applicable au marché de maîtrise d'œuvre litigieux ; sa mission devait être regardée comme achevée dès lors que la Sodepar, mandataire du maître de l'ouvrage, a visé et lui a retourné son projet de décompte final dans les délais contractuels prévus, sans observation ; le décompte devenu définitif vaut reconnaissance tacite de l'achèvement de sa mission de maîtrise d'œuvre ;

- s'étant acquittée des termes de sa mission de maîtrise d'œuvre, sa demande indemnitaire tendant à la condamnation du centre hospitalier François Dunan à lui verser la somme de 27 624,57 euros en règlement de sa note d'honoraires n° 34 est fondée.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mai 2019, le centre hospitalier François Dunan conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société BDM Architectes la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas irrégulier dès lors que le principe du contradictoire de l'instruction a été respecté ; le mémoire en défense qu'il a déposé a été enregistré au greffe du tribunal le 8 mars 2018 soit avant la clôture de l'instruction fixée au 20 avril suivant ; la société requérante n'établit pas que le tribunal aurait tardivement communiqué son mémoire ;

- la demande présentée par la société BDM Architectes devant le tribunal administratif était irrecevable dès lors qu'il ressort de la combinaison des articles 4.2.6. et 9.2 du cahier des clauses particulières relatif au marché de maîtrise d'œuvre que le projet de décompte n'est établi qu'après constatation de l'achèvement de la mission du maître d'œuvre, achèvement qui doit être constaté par une décision expresse du maître de l'ouvrage ; en l'espèce, le maître d'œuvre n'a pas respecté ces prescriptions contractuelles en adressant directement son projet de décompte final sans avoir fait constater au préalable l'achèvement de sa mission ; cette démarche revient à priver le maître de l'ouvrage de la possibilité d'intégrer dans le décompte toute créance résultant de fautes éventuelles du maître d'œuvre et à remettre en cause l'intangibilité du décompte général ;

- la société requérante, en violation de l'article 4.2 du cahier des clauses particulières, n'a pas présenté de demande auprès du maître de l'ouvrage au titre de l'achèvement de sa mission et la personne responsable du marché n'a pris aucune décision pour constater cet achèvement ;

- la circonstance que la réception soit intervenue le 3 octobre 2012 est sans incidence sur le constat d'achèvement en l'absence de toute décision de la personne responsable du marché attestant la fin de la mission de maîtrise d'œuvre ;

- la société requérante ne pouvait lui transmettre un projet de décompte sans y intégrer le coût de la réparation des surcoûts occasionnés par ses fautes ; en effet, les manquements constatés à ses obligations contractuelles font l'objet de mesures d'expertise et d'instances actuellement pendantes de sorte que la société BDM Architectes n'est pas fondée, en l'état de l'instruction, à demander sa condamnation à lui verser des indemnités au titre du règlement du solde du marché de maîtrise d'œuvre, tant que le décompte général n'a pu être établi ;

- à supposer que la mission de maîtrise d'œuvre soit regardée comme étant terminée, la société requérante n'a pas présenté son mémoire en réclamation conformément à l'article 12 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de prestations intellectuelles issu du décret du 26 décembre 1978 ;

- la circonstance invoquée par la société BDM Architectes que la Sodepar, son mandataire délégué, lui ait renvoyé visé le projet de décompte n'a pas eu pour effet de le rendre définitif, dès lors que, conformément à l'article 12.31 du cahier des clauses administratives générales et à l'article 4.2.6. du cahier des clauses particulières, il appartient à la personne responsable du marché d'arrêter le montant du décompte, et que son directeur ne l'a pas signé.

Par un arrêt n° 18BX03526 du 17 mai 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon du 13 juillet 2018 et a rejeté la demande présentée par la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, devant le tribunal administratif ainsi que ses conclusions d'appel.

Par une décision n° 454637 du 19 mai 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi de la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, a annulé l'arrêt du 17 mai 2021 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :

Par un mémoire enregistré le 23 août 2022, la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, représentée par Me Puybaret, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 juillet 2018 du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

2°) de condamner le centre hospitalier François Dunan à lui verser la somme de 27 624,57 euros assortie des intérêts au taux légal ainsi que la capitalisation des intérêts, au titre du solde du marché ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier François Dunan la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la question de la régularité du jugement est définitivement tranchée, le Conseil d'Etat n'ayant pas annulé l'arrêt sur ce point ;

- sa demande de première instance était recevable dès lors que la garantie de parfait achèvement ayant pris fin au 3 octobre 2013, sa mission devait être regardée comme terminée au sens et pour l'application de l'article 9-2 du cahier des clauses particulières applicable au marché de maîtrise d'œuvre litigieux ; sa mission devait être regardée comme achevée dès lors que la Sodepar, mandataire du maître de l'ouvrage, a visé et lui a retourné son projet de décompte dans les délais contractuels prévus, sans observation ; le décompte devenu définitif vaut reconnaissance tacite de l'achèvement de sa mission de maîtrise d'œuvre ;

- s'étant acquittée de sa mission de maîtrise d'œuvre, ce qui n'est pas contesté, sa demande indemnitaire tendant à la condamnation du centre hospitalier François Dunan à lui verser la somme de 27 624,57 euros en règlement de sa note d'honoraires n° 34 est fondée.

Par des mémoires en défense enregistrés le 30 juin 2022 et le 9 septembre 2022, le centre hospitalier François Dunan, représenté par Me Jaafar, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société BDM Architectes la somme de 9 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la demande présentée par la société BDM Architectes devant le tribunal administratif était irrecevable, dès lors qu'il ressort de la combinaison des articles 4.2.6. et 9.2 du cahier des clauses particulières relatif au marché de maîtrise d'œuvre que le projet de décompte n'est établi qu'après constatation de l'achèvement de la mission du maître d'œuvre, achèvement qui doit être constaté par une décision expresse du maître de l'ouvrage ; en l'espèce, le maître d'œuvre n'a pas respecté ces prescriptions contractuelles en adressant directement son projet de décompte final sans avoir fait constater au préalable l'achèvement de sa mission par la maitrise d'ouvrage ; cette démarche revient à priver le maître de l'ouvrage de la possibilité d'intégrer dans le décompte toute créance résultant de fautes éventuelles du maître d'œuvre et à remettre en cause l'intangibilité du décompte général ;

- la société requérante, en violation de l'article 4.2 du cahier des clauses particulières, n'a pas présenté de demande auprès du maître de l'ouvrage au titre de l'achèvement de sa mission et la personne responsable du marché n'a pris aucune décision pour constater cet achèvement ;

- la circonstance que la réception soit intervenue le 3 octobre 2012 est sans incidence sur le constat d'achèvement en l'absence de toute décision de la personne responsable du marché attestant la fin de la mission de maîtrise d'œuvre ;

- la société requérante ne pouvait lui transmettre un projet de décompte sans y intégrer le coût de la réparation des surcoûts occasionnés par ses fautes ; en effet, les manquements constatés à ses obligations contractuelles font l'objet de mesures d'expertise et d'instances actuellement pendantes de sorte que la société BDM Architectes n'est pas fondée à demander sa condamnation à lui verser des indemnités au titre du règlement du solde du marché de maîtrise d'œuvre tant que le décompte général n'a pu être établi ;

- la circonstance invoquée par la société BDM Architectes que la Sodepar, son mandataire délégué, lui ait renvoyé le projet de décompte visé n'a pas eu pour effet de le rendre définitif, dès lors que, conformément à l'article 12.31 du cahier des clauses administratives générales et à l'article 4.2.6. du cahier des clauses particulières, il appartient à la personne responsable du marché d'arrêter le montant du décompte, et que son directeur seul à même d'y procéder, ne l'a pas signé ;

- à supposer que la mission de maîtrise d'œuvre soit regardée comme étant terminée, la société n'a pas respecté les dispositions de l'article 40.1 du CCAG-PI selon lesquelles le titulaire du marché doit adresser un mémoire en réclamation préalablement à la mise en œuvre de toute instance contentieuse ; la société n'a pas davantage mis en demeure le maître de l'ouvrage d'établir le décompte général ainsi que l'exige la jurisprudence ; en outre, la demande de paiement n'a pas été présentée selon les formes prescrites par l'article 12 bis du CCAG-PI ; ainsi, la société a formé un recours contre la maitrise d'ouvrage sans avoir transmis le moindre mémoire en réclamation et sans avoir respecté les prescriptions imposées par l'article 12 bis du CCAG-PI, rendant ainsi sa demande irrecevable ;

- plusieurs désordres sont apparus au sein du nouvel hôpital, lesquels résultent pour la plupart d'erreurs de conseil de la maitrise d'œuvre ; des expertises complémentaires sont en train d'être réalisées pour déterminer les manquements de la maitrise d'œuvre ; ainsi, la société BDM Architecte n'était pas fondée à solliciter la condamnation du centre hospitalier François Dunan, le décompte n'ayant pu être réalisé en l'absence de l'intégration des préjudices subis du fait des fautes commises par le groupement de maitrise d'œuvre.

Par une ordonnance du 23 août 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 octobre 2022.

Un mémoire, enregistré le 23 janvier 2023, a été présenté par le centre hospitalier François Dunan.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 approuvant le cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles et l'annexe à ce décret ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- et les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

l. Par un acte d'engagement signé le 6 juin 2003, le groupement d'entreprises solidaire constitué par la société Bouey, Digneaux, Maurice (BDM) Architectes, la société Socotrap Ingénierie International, la société A.E.C. Ingénierie, la société T.L.R. Architecture, dont le mandataire était la société BDM Architectes, s'est vu confier la maîtrise d'œuvre des travaux de construction du centre hospitalier François Dunan à Saint-Pierre-et-Miquelon pour un montant définitif de 3 494 822, 70 euros hors taxes (HT). La réception est intervenue le 3 octobre 2012. La société BDM Architectes a établi, le 12 novembre 2015, un projet de décompte final qui a été visé le 29 février 2016 et retourné le 14 mars suivant par la société Sodepar, mandataire du maître de l'ouvrage. Les 4 octobre 2016 et 20 janvier 2017, la société BDM Architectes a demandé au centre hospitalier François Dunan de lui payer le solde d'honoraires restés selon elle impayés à hauteur de 27 624,57 euros correspondant à des missions qu'elle a réalisées en propre, cette somme ayant été incluse dans le montant global de 52 028 euros figurant dans le décompte final comme restant due aux membres du groupement. Le maître de l'ouvrage ayant gardé le silence sur sa demande, la société BDM Architectes a saisi le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier François Dunan, en sa qualité de maître de l'ouvrage, à lui verser la somme de 27 624,57 euros correspondant au règlement de sa note d'honoraires n° 34.

2. Par un jugement du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté la demande de la société BDM Architectes comme étant irrecevable. La société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, a relevé appel de ce jugement. La cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon pour irrégularité, a rejeté pour un autre motif d'irrecevabilité la demande de la société appelante par un arrêt du 17 mai 2021. Par une décision n° 454637 du 19 mai 2022, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi de la société Patriarche, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour. Dans le dernier état de ses écritures, la société Patriarche venant aux droits de la société BDM Architectes, sollicite l'annulation du jugement du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon et réitère sa demande de condamnation du centre hospitalier François Dunan à lui verser les honoraires restant dus d'un montant de 27 624,57 euros assortis des intérêts et de leur capitalisation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Le jugement attaqué, qui a accueilli la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier François Dunan, a rejeté comme étant irrecevable la demande de première instance de la société BDM Architectes, tendant au paiement d'une note d'honoraires impayés d'un montant de 27 624 euros, au motif que le projet de décompte avait été transmis sans qu'ait été préalablement constaté l'achèvement de la mission du maître d'oeuvre conformément à l'article 4.2.6 du cahier des clauses particulières (CCP).

4 . Aux termes de l'article 4.2.6 du CCP du marché en litige :" Solde. 1. projet de décompte. Après constatation de l 'achèvement de sa mission dans les conditions prévues à l'article 9-2 du présent CCP, le maître d'œuvre adresse à la PRM le projet de décompte correspondant aux prestations fournies, en précisant leurs prix évalués en prix de base. Ce projet de décompte est envoyé à la PRM par lettre recommandé avec accusé de réception ou remis contre récépissé. 2. Décompte- Solde. Le montant du décompte est établi par la PRM et correspond au montant des sommes dues au maître d'œuvre pour sa mission, diminué du montant cumulé des acomptes payés (...) La PRM notifie au maître d'œuvre le décompte du marché avant la plus tardive des deux dates ci après : 15 jours à compter de la réception du projet de décompte ; 10 jours à compter de la publication de l'index de référence permettant la révision du solde. Le décompte du marché devient définitif après acceptation expresse ou tacite par le maître d'œuvre ". Aux termes de l'article 9.2 du même CCP : " Achèvement de la mission. La mission du maître d'œuvre s'achève à la plus tardive des dates suivantes ; -l'expiration du/des délais de " garantie de parfait achèvement " (...) ; -la levée de la dernière réserve ; -l'instruction du dernier mémoire de réclamation des entreprises ; ou lorsque la PRM décide que les obligations contractuelles du maître d'œuvre sont globalement remplies. / L'achèvement de la mission fait l'objet d'une décision établie par la PRM, sur demande du maître d'œuvre ".

5. Aux termes de l'article 12 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles (CCAG-PI), dans sa rédaction applicable au litige : " (...) 12.32 Toute réclamation sur un décompte doit être présentée par le titulaire à la personne publique dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte. Passé ce délai, le titulaire est réputé avoir accepté le décompte. (...) ". Aux termes de l'article 5 du contrat de mandat conclu le 4 mars 2003 entre la société Sodepar et le centre hospitalier François Dunan : " Conformément aux dispositions des articles 3 et suivants de la loi précitée du 12 Juillet 1985, le Maître d'Ouvrage donne mandat à la société pour exercer, en son nom et pour son compte, les attributions suivantes qui sont ci-après précisées dans l'annexe 3 :- définition des conditions administratives et techniques selon lesquelles l'ouvrage sera étudié et exécuté,- préparation, signature et suivi des contrats d'assurance et de contrôle technique,- préparation du choix du maître d'œuvre, signature et gestion du contrat de maîtrise d'œuvre, - approbation des avant-projets et accord sur le projet,- préparation du choix des entreprises de travaux et établissement, signature et gestion des dits contrats,- versement de la rémunération de la mission de maîtrise d'œuvre et du prix des travaux et plus généralement de toutes les sommes dues à des tiers, - suivi du chantier sur les plans technique, financier et administratif, - réception de l'ouvrage- ainsi que l'accomplissement de tous les actes afférents à ces attributions. ". Lorsqu'au nombre des attributions du mandataire désigné par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues par les articles 3 et suivants de la loi du 12 juillet 1985 figure la gestion du contrat de travaux, le représentant légal du maître d'ouvrage délégué ou la personne physique désignée par celui-ci pour le représenter dans l'exécution du marché doit, pour l'application des stipulations précitées du cahier des clauses administratives particulières applicables aux marchés publics, et sauf clause contraire du contrat, être regardé comme la personne responsable du marché.

6. D'une part, il résulte de l'acte d'engagement signé le 6 juin 2003 et de la convention de mandat conclue le 4 mars 2003 entre la société Sodepar et le centre hospitalier François Dunan que la société Sodepar avait la qualité de mandataire désigné par le maître d'ouvrage. Ainsi, en l'absence de toute stipulation contraire, et dès lors qu'il n'était pas contesté que figurait au nombre des attributions de la société Sodepar la gestion du contrat de travaux dont était titulaire le groupement de maitrise d'œuvre ayant pour mandataire la société BDM Architectes, la société Sodepar devait être regardée comme la personne responsable du marché.

7. D'autre part, il résulte de l'instruction que la société Sodepar, ainsi habilitée à signer le décompte général du marché de maîtrise d'oeuvre, a visé le 29 février 2016 le projet de décompte final établi par la société BDM Architectes le 12 novembre 2015, avant de le retourner signé et sans modification dans les délais contractuels. Aucune réclamation n'est intervenue dans le délai de 45 jours, prévu à l'article 12.32 du CCAG-PI, à compter de la notification du décompte général au mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, le 14 mars 2016. Dans ces conditions, et alors même qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société BDM Architectes, mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, aurait demandé au maître d'ouvrage de constater l'achèvement de sa mission ni que le centre hospitalier, maître d'ouvrage, aurait pris une décision constatant l'achèvement de la mission du maître d'oeuvre, le décompte général présente un caractère définitif et intangible. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Saint-Pierre-et Miquelon a accueilli la fin de non-recevoir exposée au point 3 et rejeté comme étant irrecevable la demande dont il était saisi par la société BDM Architectes. Son jugement est entaché d'irrégularité pour ce motif.

8 . Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société BDM Architectes devant le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en raison de la méconnaissance du principe du contradictoire de l'instruction conduite en première instance.

Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :

9 . En premier lieu, compte tenu de ce qui a été exposé aux points 3 à 7, la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier François Dunan à la demande de première instance de la société BDM Architectes et tirée de ce que le projet de décompte aurait été transmis sans qu'ait été préalablement constaté l'achèvement de la mission du maître d'œuvre doit être écartée.

10. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 7, le décompte général et définitif a été établi par le mandataire du maître d'ouvrage dûment habilité. Il suit de là que la société requérante, en tant que mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, n'avait pas à mettre en demeure le centre hospitalier François Dunan d'établir ledit décompte. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de mise en demeure du maitre d'ouvrage d'établir le décompte général et définitif doit être écartée.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 40.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles (CCAG-PI), approuvé par le décret du 26 décembre 1978, et applicable au marché en cause en vertu de l'article 2 de son cahier des clauses administratives particulières : " Tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation qui doit être remis à la personne responsable du marché (...) ". Il résulte de ces stipulations que le différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet, préalablement à toute instance contentieuse, d'un mémoire en réclamation de la part du titulaire du marché. Un mémoire du titulaire d'un marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens de l'article 40.1 du CCAG-PI que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose de façon précise et détaillée les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées.

12. En l'espèce, la société BDM Architectes aux droits de laquelle vient la société Patriarche, en adressant au centre hospitalier, le 20 janvier 2017, une mise en demeure de régler la note d'honoraires n° 34 d'un montant de 27 624 euros, a fait naître un différend et cette mise en demeure doit être regardée comme un mémoire de réclamation au sens de l'article 40.1 du CCAG-PI. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de mémoire en réclamation au sens des stipulations précitées de l'article 40.1 du CCAG-PI doit être écartée.

13. En dernier lieu, l'article 12 bis du CCAG-PI, stipule que : " La remise de la demande d'acompte ou du projet de décompte, mentionnée à l'article 12, est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal ou contre récépissé daté. Dès qu'il est en possession de l'avis de réception ou du récépissé, le titulaire informe le comptable assignataire de la dépense de sa demande de paiement par une note établie sur papier à en-tête et comportant les indications suivantes : / 1. La référence à l'article 178 ou à l'article 353 du code des marchés publics ; /(...)/ Les pièces justificatives mentionnées au 44 de l'article 12 sont transmises dans les conditions précisées au deuxième alinéa du présent article ".

14. Le centre hospitalier soutient que la demande de paiement de la facture d'honoraires n°34 est irrecevable à défaut d'avoir été présentée dans les formes prescrites par l'article 12 bis du CCAG-PI. Toutefois, la procédure prévue par ces stipulations concerne la remise du projet de décompte, une fois reçu l'avis de réception ou du récépissé par le titulaire. Si elle est opposable au règlement du décompte et ainsi à la demande de paiement du décompte, elle ne l'est pas à la demande de paiement de la facture d'honoraires en litige. Dès lors, la fin de non-recevoir tirée de ce que cette procédure n'aurait pas été suivie ne peut qu'être écartée.

Sur la demande de paiement des prestations :

15. Il résulte de l'instruction que la réalité des prestations du maitre d'œuvre correspondant à la facture d'honoraires n° 34 d'un montant de 27 624,57 euros n'est pas contestée par le centre hospitalier François Dunan. Il en résulte qu'il y a lieu de condamner ce dernier à régler le montant de cette facture.

Sur les intérêts moratoires et leur capitalisation :

16. La somme de 27 624,57 euros portera intérêts moratoires en application de l'article 4-2.1 du CCP, à savoir dans le délai de 50 jours à compter de la réception de la mise en demeure adressée le 20 janvier 2017, soit le 11 mars 2017.

17. La société requérante a droit à la capitalisation des intérêts qu'elle avait demandée dès sa requête introductive d'instance le 26 juin 2017. Toutefois, à cette date, n'était pas due une année d'intérêts. Il sera donc fait droit à sa demande à compter du 11 mars 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Patriarche venant aux droits de la société BDM Architectes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le centre hospitalier François Dunan au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier François Dunan une somme de 1 500 euros à verser à la société Patriarche sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700006 du 13 juillet 2018 du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier François Dunan est condamné à verser à la société Patriarche la somme de 27 624,57 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 11 mars 2017 et de la capitalisation des intérêts à compter du 11 mars 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le centre hospitalier François Dunan versera la somme de 1 500 euros à la société Patriarche au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, et au centre hospitalier François Dunan.

Copie en sera adressée au ministre en charge de l'outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Stéphane Guéguein, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 novembre 2024.

La rapporteure,

Caroline Gaillard

La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX01411


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01411
Date de la décision : 27/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : VATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-27;22bx01411 ?
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