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17/05/2021 | FRANCE | N°18BX03526

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 17 mai 2021, 18BX03526


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BDM Architectes a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon de condamner le centre hospitalier François Dunan à lui verser la somme de 27 624,57 euros assortie des intérêts au taux légal ainsi que la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1700006 du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, sa régularisation et un mémoire récapitulatif, enregist

rés le 11 septembre 2018, le 1er octobre 2018 et le 13 octobre 2020, la société Patriarche, venan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BDM Architectes a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon de condamner le centre hospitalier François Dunan à lui verser la somme de 27 624,57 euros assortie des intérêts au taux légal ainsi que la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1700006 du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, sa régularisation et un mémoire récapitulatif, enregistrés le 11 septembre 2018, le 1er octobre 2018 et le 13 octobre 2020, la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le centre hospitalier François Dunan à lui verser la somme de 27 624,57 euros assortie des intérêts au taux légal ainsi que la capitalisation des intérêts, au titre du solde du marché ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier François Dunan la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges, en communiquant tardivement le premier mémoire en défense produit par le centre hospitalier François Dunan, ont méconnu le principe du contradictoire de l'instruction, alors qu'ils ont retenu son argumentation pour rejeter sa demande ; eu égard à la brièveté du délai imparti, elle n'a pas été mise en mesure d'y répliquer ;

- sa demande introductive d'instance était recevable, dès lors que la garantie de parfait achèvement ayant pris fin au 3 octobre 2013, sa mission devait être regardée comme terminée au sens et pour l'application de l'article 9-2 du cahier des clauses particulières applicable au marché de maîtrise d'oeuvre litigieux ; sa mission devait être regardée comme achevée dès lors que la Sodepar, mandataire du maître de l'ouvrage, a visé et lui a retourné son projet de décompte final dans les délais contractuels prévus, sans observation ; le décompte devenu définitif vaut reconnaissance tacite de l'achèvement de sa mission de maîtrise d'oeuvre ;

- s'étant parfaitement acquittée des termes de sa mission de maîtrise d'oeuvre, sa demande indemnitaire tendant à la condamnation du centre hospitalier François Dunan à lui verser la somme de 27 624,57 euros en règlement de sa note d'honoraires n° 34 est fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2019, le centre hospitalier François Dunan, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société BDM Architectes la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le jugement attaqué n'est pas irrégulier, dès lors que le principe du contradictoire de l'instruction a été respecté ; le mémoire en défense qu'il a déposé a été enregistré au greffe du tribunal le 8 mars 2018, soit avant la clôture de l'instruction fixée au 20 avril suivant ; la société requérante n'établit pas que le tribunal aurait tardivement communiqué son mémoire ;

- la demande présentée par la société BDM Architectes devant le tribunal administratif était irrecevable, dès lors qu'il ressort de la combinaison des articles 4.2.6. et 9.2 du cahier des clauses particulières relatif audit marché de maîtrise d'oeuvre que le projet de décompte n'est établi qu'après constatation de l'achèvement de la mission du maître d'oeuvre, achèvement qui doit être constaté par une décision expresse du maître de l'ouvrage ; en l'espèce, le maître d'oeuvre n'a pas respecté ces prescriptions contractuelles en adressant directement son projet de décompte final sans avoir fait constater au préalable l'achèvement de sa mission ; cette démarche revient à priver le maître de l'ouvrage de la possibilité d'intégrer dans le décompte toute créance résultant de fautes éventuelles du maître d'oeuvre et à remettre en cause l'intangibilité du décompte général ;

- la société requérante, en violation de l'article 4.2 du cahier des clauses particulières, n'a pas présenté de demande auprès du maître de l'ouvrage au titre de l'achèvement de sa mission et la personne responsable du marché n'a pris aucune décision pour constater cet achèvement ;

- la circonstance que la réception soit intervenue le 3 octobre 2012 est sans incidence sur le constat d'achèvement en l'absence de toute décision de la personne responsable du marché attestant la fin de la mission de maîtrise d'oeuvre ;

- la société requérante ne pouvait lui transmettre un projet de décompte sans y intégrer le coût de la réparation des surcoûts occasionnés par ses fautes ; en effet, les manquements constatés à ses obligations contractuelles font l'objet de mesures d'expertise et d'instances actuellement pendantes de sorte que la société BDM Architectes n'est pas fondée, en l'état de l'instruction, à demander sa condamnation à lui verser des indemnités au titre du règlement du solde du marché de maîtrise d'oeuvre, tant que le décompte général n'a pu être établi ;

- à supposer que la mission de maîtrise d'oeuvre soit regardée comme étant terminée, la société requérante n'a pas présenté son mémoire en réclamation conformément à l'article 12 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de prestations intellectuelles issu du décret du 26 décembre 1978 ;

- la circonstance invoquée par la société BDM Architectes que la Sodepar, son mandataire délégué, lui ait renvoyé visé le projet de décompte n'a pas eu pour effet de le rendre définitif, dès lors que, conformément à l'article 12.31 du cahier des clauses administratives générales et à l'article 4.2.6. du cahier des clauses particulières, il appartient à la personne responsable du marché d'arrêter le montant du décompte, et que son directeur ne l'a pas signé.

Par une lettre du 31 mars 2021, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, tiré de l' irrecevabilité de la requête de la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, en sa qualité de mandataire d'un groupement d'entreprises solidaire, présentée en son seul nom pour avoir paiement d'honoraires relatifs à des prestations qu'elle a personnellement exécutées.

La société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, a produit des observations en réponse à ce moyen d'ordre public le 1er avril 2021.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret no 78-1306 du 26 décembre 1978 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles et l'annexe à ce décret ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... C...,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

l. Par un acte d'engagement signé le 6 juin 2003, le groupement d'entreprises solidaire constitué par la société Bouey, Digneaux, Maurice (BDM) Architectes, la société Socotrap Ingénierie International, la société A.E.C. Ingénierie, la société T.L.R. Architecture, représenté par la société Bouey Digneaux Maurice (BDM) Architectes, s'est vu confier la maîtrise d'oeuvre des travaux de construction du centre hospitalier François Dunan à Saint-Pierre-et-Miquelon. La réception est intervenue le 3 octobre 2012. La société BDM Architectes a envoyé son projet de décompte final le 29 février 2016, qui a été visé et retourné par le mandataire du maître de l'ouvrage le 14 mars 2016. Les 4 octobre 2016 et 20 janvier 2017, la société BDM Architectes a demandé au maître de l'ouvrage de lui payer le solde d'honoraires restés impayés à hauteur de 27 624,57 euros. Le maître de l'ouvrage ayant gardé le silence sur ses demandes, la société BDM Architectes a alors saisi le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier François Dunan, en sa qualité de maître de l'ouvrage, à lui verser la somme de 27 624,57 euros correspondant au règlement de sa note d'honoraires n° 34. Par un jugement du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa demande comme étant irrecevable. La société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) ". En vertu du principe du contradictoire, le premier mémoire présenté par chaque défendeur avant la clôture de l'instruction doit être communiqué aux parties en leur laissant un délai suffisant afin de pouvoir présenter leurs observations.

3. Il ressort de l'examen des visas du jugement attaqué et des pièces du dossier de première instance qu'un mémoire en défense enregistré au greffe du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon le 8 mars 2018, antérieurement à la clôture de l'instruction fixée par ordonnance à la date du 20 avril 2018, a été déposé par le centre hospitalier François Dunan. Ce mémoire, qui était le premier mémoire en défense du centre hospitalier, n'a été communiqué à la société BDM Architectes que le 22 juin 2018. Si cette communication a eu pour effet de rouvrir l'instruction, celle-ci s'est trouvée clôturée automatiquement trois jours francs avant l'audience du 29 juin 2018, soit le 25 juin 2018 à minuit. Les conclusions de la société BDM Architectes ont été rejetées par le tribunal qui a retenu la fin de non-recevoir tirée par le centre hospitalier François Dunan de l'irrecevabilité de la demande. Ainsi, eu égard à la motivation du jugement attaqué, cette communication tardive ne saurait être regardée comme n'ayant pu avoir d'influence sur l'issue du litige. Il résulte de ce qui précède que la société BDM Architectes est fondée à soutenir qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour pouvoir présenter ses observations relatives au premier mémoire en défense. Par suite, le jugement attaqué a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure contentieuse et doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande indemnitaire présentée par la société BDM Architectes devant le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Sur la recevabilité de la demande de la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, devant le tribunal administratif et devant la Cour :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête ;

5. Il résulte de l'article 3.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, auquel fait référence le marché litigieux, que les entrepreneurs groupés sont solidaires lorsque chacun d'entre eux est engagé pour la totalité du marché et doit pallier une éventuelle défaillance de ses partenaires, l'un d'entre eux étant désigné dans l'acte d'engagement comme mandataire et représentant l'ensemble des entrepreneurs vis à vis du maître de l'ouvrage pour l'exécution du marché. Les entreprises qui se sont engagées solidairement par un même marché à participer à l'exécution d'un même ouvrage sans qu'aucune répartition des tâches soit faite entre elles par le marché doivent être regardées comme s'étant donné mandat mutuel de se représenter.

6. Cependant en l'absence de stipulation particulière dans le contrat d'engagement, la désignation d'un mandataire pour représenter les membres du groupement auprès du maître de l'ouvrage n'a pas pour effet de confier à ce mandataire la représentation exclusive des autres entreprises solidaires devant le juge du contrat, qui gardent donc la possibilité de s'adresser à ce dernier pour obtenir le paiement du solde global du marché.

7. Il résulte de l'instruction que l'acte d'engagement du marché litigieux indique que les entreprises Bouey, Digneaux, Maurice (BDM) architectes, Socotrap Ingénierie International, A.E.C. Ingénierie, T.L.R. Architecture, et Gruet Ingenierie, dont la société BDM Architectes est le mandataire, se présentent sous la forme d'un groupement solidaire. Si un tableau de répartition des honoraires figure en annexe à l'acte d'engagement signé le 10 avril 2003, ce document, complété en dernier lieu par avenant n°5 signé le 30 septembre 2010, portant le marché à la somme de 3 895 622,70 euros hors taxe, qui se borne à préciser que la société BDM Architectes devait percevoir la somme totale de 1 765 680,05 euros au titre de la mission de base, qui représentait 50.5 % du marché de maîtrise d'oeuvre, et 12 330 euros au titre de missions complémentaires, ne permet pas d'identifier la part qui revenait précisément à chacun des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre dans l'exécution des tâches qui lui avaient été contractuellement confiées. Dans ces conditions, en l'absence de toute disposition relative à la répartition des paiements, la société BDM Architectes, bien qu'elle ait été désignée comme mandataire commun, n'est pas recevable à demander la condamnation du maitre de l'ouvrage à payer une note d'honoraires afférente à des éléments de mission qu'elle a personnellement exécutés.

8. Ainsi il y a lieu de rejeter comme irrecevable la demande de la société BDM Architectes tendant au règlement d'une somme de 27 624,57 euros au titre de la note d'honoraires n° 34 concernant des éléments de mission qu'elle a personnellement exécutés.

Sur les frais d'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier François Dunan, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, demande le versement à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du centre hospitalier François Dunan présentées sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700006 du 13 juillet 2018 du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, devant le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier François Dunan au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Patriarche, venant aux droits de la société BDM Architectes, et au centre hospitalier François Dunan.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme A... C..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2021.

Le président,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne à la ministre des outre-mer en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 18BX03526


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03526
Date de la décision : 17/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : LARRIEU ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-17;18bx03526 ?
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