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26/11/2024 | FRANCE | N°24BX01870

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 26 novembre 2024, 24BX01870


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2024 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2400606 du 27 juin 2024, le tribunal administratif de Limoges a prononcé l'annulation de l'arrêté préfectoral du 26 janvier 2024

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Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2024, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2024 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2400606 du 27 juin 2024, le tribunal administratif de Limoges a prononcé l'annulation de l'arrêté préfectoral du 26 janvier 2024.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2024, le préfet de la Gironde demande à la cour d'annuler ce jugement du 27 juin 2024 du tribunal administratif de Limoges.

Il soutient que contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la vie privée et familiale de l'intéressé ne justifie pas une annulation de l'arrêté préfectoral sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2024, M. A..., représentée par Me Marty, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ces moyens soulevés par le préfet de la Haute-Vienne ne sont pas fondés ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est nulle en conséquence des nullités affectant le refus de séjour ;

- les décisions sont entachées d'erreur de droit car elles sont la conséquence automatique de la décision de refus de séjour, le préfet ayant omis d'exercer son pouvoir d'appréciation ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- cette décision méconnaît le 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par ordonnance du 10 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 24 octobre 2024 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du 26 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Nicolas Normand a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né en 1992, est entré en France au mois de juillet 2022 selon ses déclarations, de façon irrégulière. Il a sollicité, le 10 octobre 2023, la délivrance d'un certificat de résidence algérien. Par un arrêté du 26 janvier 2024, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de faire droit à cette demande de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de la Haute-Vienne relève appel du jugement du 27 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Limoges a prononcé l'annulation de l'arrêté préfectoral du 26 janvier 2024.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. A... résidait en France depuis 18 mois environ et était marié depuis le 16 août 2023 à une ressortissante française, déjà mère de deux enfants nés en 2018 et 2020. Si ce n'est que postérieurement à l'arrêté attaqué qu'un enfant est né de leur union le 1er mars 2024, son épouse n'en était pas moins enceinte à la date de cet arrêté. En outre, leur communauté de vie d'époux mariés est confirmée par une attestation de la caisse d'allocations familiales de la Haute-Vienne certifiant que les intéressés ont bénéficié de prestations sociales au titre de mois de janvier 2024 et une attestation, certes non datée mais signée de Mme A..., selon laquelle son époux se montre investi dans l'éducation des enfants nés de sa précédente union, dont l'un présente une situation justifiant le bénéfice de l'allocation pour éducation d'un enfant handicapé. Par suite, dans ces circonstances particulières, et alors même que comme le soutient le préfet de la Haute-Vienne, M. A... s'est maintenu irrégulièrement pendant plus d'un an sur le territoire français avant de solliciter la délivrance d'un titre de séjour, qu'il a vécu l'essentiel de son existence dans son pays d'origine et qu'il ne partage, de façon certaine, une communauté de vie avec son épouse que depuis le 16 août 2023, l'arrêté a porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant de mener une vie privée et familiale normale tel qu'il est garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de lui délivrer un titre de séjour.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Vienne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges, par le jugement attaqué, a prononcé l'annulation de l'arrêté préfectoral du 26 janvier 2024.

Sur les frais liés au litige :

5. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, le conseil du requérant peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, Me Marty renonçant à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à ce conseil d'une somme de 1 200 euros.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Haute-Vienne est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Marty la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Haute-Vienne et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.

Le rapporteur,

Nicolas Normand

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX01870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01870
Date de la décision : 26/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : MARTY

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-26;24bx01870 ?
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