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26/11/2024 | FRANCE | N°24BX01854

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 26 novembre 2024, 24BX01854


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 1er février 2023 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.



Il a également demandé à ce tribunal d'enjoindre à la préfète des Deux-Sèvres de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa

situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 1er février 2023 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.

Il a également demandé à ce tribunal d'enjoindre à la préfète des Deux-Sèvres de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail.

Par un jugement n° 2301005 du 10 juin 2024, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 1er février 2023 et a enjoint à la préfète des Deux-Sèvres de délivrer à M. A... un titre de séjour " parent d'enfant français ".

Procédure devant la cour :

I. Par une requête n° 24BX01854 enregistrée le 5 juillet 2024, la préfète des Deux-Sèvres demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 juin 2024 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. A....

Elle soutient que :

- l'arrêté du 1er février 2023 n'a pas été pris en méconnaissance de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; à l'appui de sa demande de renouvellement de titre de séjour, M. A... n'a fourni aucun élément permettant de justifier qu'il contribuerait à l'entretien et à l'éducation de son fils ; la seule production d'une décision du juge des affaires familiales ne suffit pas à justifier d'une telle contribution pour le parent demandeur ; des éléments d'ordre public n'ont pas été pris en compte par les premiers juges, alors que le comportement de M. A... constitue une menace à l'ordre public ;

- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Poitiers ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2024, M. A..., représenté par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson, conclut à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à la SCP Breillat-Dieumegard-Masson en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à elle-même en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le moyen soulevé par la préfète des Deux-Sèvres n'est pas fondé ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée et relève un défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- son comportement ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée.

II. Par une requête n° 24BX01861, enregistrée le 5 juillet 2024, la préfète des deux Sèvres demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2301005 du 10 juin 2024 du tribunal administratif de Poitiers.

Elle soutient qu'elle soulève des moyens sérieux de nature à lui permettre d'obtenir le sursis à exécution du jugement attaqué.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2024, M. A..., représenté par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson conclut à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à la SCP Breillat-Dieumegard-Masson en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à elle-même en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle.

Il soutient que les moyens invoqués par la préfète des Deux-Sèvres ne sont pas fondés.

M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2024.

Par une ordonnance du 26 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 septembre 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Vincent Bureau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 1er janvier 1987, est entré en France en 2015 selon ses déclarations. Il a obtenu un titre de séjour " parent d'enfant français " valable du 12 octobre 2021 au 11 octobre 2022. Par un courrier du 12 septembre 2022, il a sollicité auprès de la préfecture des Deux-Sèvres le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 1er février 2023 la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 10 juin 2024, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté. La préfète des Deux-Sèvres relève appel de ce jugement.

2. Les requêtes enregistrées sous les n°s 24BX01854 et 24BX01861 de la préfète des Deux-Sèvres tendent, pour l'une, à l'annulation et, pour l'autre, au sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

3. Par une décision du 26 septembre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions de M. A... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont dépourvues d'objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ".

6. Pour refuser de renouveler le titre de séjour qui avait été délivré à M. A..., la préfète des Deux-Sèvres a estimé, d'une part, que l'intéressé n'apportait pas la preuve de sa contribution à l'éducation et à l'entretien de son enfant mineur au cours des deux dernières années ce qui faisait obstacle à la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et d'autre part que son comportement constitue une menace à l'ordre public.

7. En premier lieu, il est constant que M. A... est père d'un enfant français, C..., né en juin 2019, qu'il a eu de sa relation avec Mme B..., ressortissante française. Par un jugement du 16 juin 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Niort a constaté l'autorité parentale conjointe sur l'enfant, fixé la résidence au domicile de la mère, accordé à M. A... des droits de visite et d'hébergement un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires, et mis à la charge de M. A... une pension alimentaire de 50 euros. Cependant, suite à des violences du nouveau compagnon de Mme B... sur le jeune C..., le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Niort a, par un jugement du 28 septembre 2021, fixé la résidence de l'enfant au domicile de son père et constaté l'impécuniosité de sa mère. Si par un jugement avant dire droit du 5 août 2022, le juge aux affaires familiales a ordonné une enquête sociale et, dans l'attente, a fixé la résidence de l'enfant au domicile de sa mère, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des nombreuses attestations produites par M. A..., que C... n'a jamais cessé de vivre à son domicile. D'ailleurs, il ressort des termes mêmes du jugement du 30 mars 2023 du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Niort que le jugement avant dire droit du 5 août 2022 n'a jamais été exécuté et que la mère de l'enfant a déclaré qu'elle ne pouvait pas l'accueillir, alors qu'elle avait donné naissance en août 2022 à un quatrième enfant et qu'elle était menacée d'expulsion de son logement. En outre, ce jugement précise que les vérifications menées auprès des différents intervenants évoluant autour de l'enfant indiquent que le père est très investi dans l'éducation de C..., qu'il est en capacité de poser un cadre éducatif clair et se montre à l'écoute des observations des professionnels de l'enfance.

8. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que M. A... remplissait les conditions posées à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions citées au point 4.

9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné à 200 euros d'amende par le tribunal de grande instance de Bobigny le 26 septembre 2016 pour des faits de conduite d'un véhicule sans être titulaire du permis correspondant à la catégorie du véhicule et en faisant usage d'un permis de conduire faux ou falsifié, à 200 euros d'amende par le tribunal judiciaire le 27 janvier 2022 pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis, à six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Poitiers pour des faits commis en 2020 de violence sans incapacité, en présence d'un mineur, par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et à trois mois d'emprisonnement avec sursis par le tribunal correctionnel de Niort pour des faits commis en mars 2022 de violence commise en réunion suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours. Eu égard à la nature des faits ayant donné lieu à ces condamnations et à la relative ancienneté de certains d'entre eux, la préfète des Deux-Sèvres ne pouvait se fonder sur la menace à l'ordre public que représenterait le comportement de M. A... pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. En outre, si la préfète des Deux-Sèvres se prévaut également de la mise en cause de M. A... pour des violences sur son fils, il ressort des pièces du dossier que la procédure ouverte à l'encontre de M. A... du chef de violence sur C... a été classée sans suite et que le jugement du 30 mars 2023 du juge aux affaires familiales précise que l'intérêt de l'enfant commande de fixer sa résidence au domicile paternel.

10. Par suite, la préfète des Deux-Sèvres n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé son arrêté du 1er février 2023. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

11. Le présent arrêt statue sur les conclusions de la préfète des Deux-Sèvres tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 10 juin 2024. Dès lors, les conclusions de la requête n° 24BX01861 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont dépourvues d'objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

12. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Masson, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à cette dernière de la somme de 1 200 euros en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur la demande de M. A... tendant à être admis au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle et sur les conclusions aux fins de sursis à exécution de la requête n° 24BX01861.

Article 2 : La requête n° 24BX01854 de la préfète des Deux-Sèvres est rejetée.

Article 3 : L'État versera à Me Masson, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 200 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à la préfète des Deux-Sèvres et à M. D... A....

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Vincent Bureau, conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.

Le rapporteur,

Vincent Bureau

Le président,

Laurent Pouget

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX01854, 24BX01861


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01854
Date de la décision : 26/11/2024

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Vincent BUREAU
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-26;24bx01854 ?
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