Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2306548 du 13 février 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mai 2024, et des pièces enregistrées le 10 juin 2024, M. A..., représenté par Me Cesso, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2306548 du tribunal administratif de Bordeaux du 13 février 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 3 novembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente, une attestation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative avec application du bénéfice des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique au profit de Me Cesso.
Il soutient que :
- l'autorité signataire de l'arrêté contesté ne justifie pas d'une délégation de signature régulière ;
- la décision portant refus de séjour méconnait les stipulations de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 dès lors, notamment, qu'il justifie de la conclusion d'un pacte civil de solidarité avec une Française depuis deux ans et demi, d'une communauté de vie de plus de quatre ans, de la présence en France de nombreux cousins avec lesquels il entretient des relations proches et d'une promesse d'embauche ;
- elle méconnait, pour les mêmes motifs, les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- dès lors qu'il doit bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour de plein droit, la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale ;
- cette même décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur d'appréciation puisqu'il vit avec une Française depuis 4 ans et est " pacsé " avec elle depuis 2 ans.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.
Par ordonnance du 6 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 1er octobre 2024 à 12 heures.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du 25 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Nicolas Normand a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né en 1986, est entré en France pour la dernière fois le 16 août 2020, selon ses propres déclarations. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour auprès de la préfecture de la Gironde le 26 octobre 2021, qui a été refusé par décision du 9 novembre 2021. M. A... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Bordeaux qui l'a annulée par jugement du 4 juillet 2023 et a enjoint au préfet de réexaminer sa situation. Par un nouvel arrêté du 3 novembre 2023, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 13 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions en annulation :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : [...] 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 : " La conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France, au sens du 7º de l'article 12 bis de l'ordonnance nº 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, pour l'obtention d'un titre de séjour ". Aux termes de l'article L. 515-1 du code civil " Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'engagent à une vie commune, ainsi qu'à une aide matérielle et une assistance réciproques. Si les partenaires n'en disposent autrement, l'aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives.[...] ; ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a conclu un pacte civil de solidarité (PACS) le 15 avril 2021 avec Mme C..., ressortissante française née en 1943. Une présomption de communauté de vie entre l'intéressé et sa compagne s'attache à la signature de ce pacte civil de solidarité. Il ressort, au surplus, des pièces du dossier qu'une communauté de vie réelle et stable est établie depuis 2019 par des factures d'eau au nom des deux partenaires, des photographies, différents témoignages de proches et de voisins et une procuration bancaire que le requérant verse au dossier sans que le préfet ne fasse état d'éléments permettant de mettre en doute la communauté de vie du couple. Par suite, alors même que l'intéressé a vécu la majeure partie de sa vie en Algérie où il a conservé des attaches personnelles puisque ses parents et ses frères et sœurs y vivent toujours et que l'intéressé ne justifie d'aucune insertion socio-professionnelle particulière autre qu'une promesse d'embauche dans le secteur de la maçonnerie, au demeurant postérieure à l'arrêté attaqué, le préfet de la Gironde, en refusant à M. A... un titre de séjour, a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnu les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. A... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer ce titre dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Cesso.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 février 2024 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Gironde du 3 novembre 2023 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Cesso la somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Gironde et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.
Le rapporteur,
Nicolas Normand
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01195