Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 juin 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2306849 du 14 mars 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 avril 2024, M. A..., représenté par Me Georges, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2306849 du tribunal administratif de Bordeaux du 14 mars 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 juin 2023 du préfet de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou à défaut de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il réside de manière habituelle et ininterrompue en France depuis plus de 6 ans, qu'il justifie d'une parfaite intégration en France notamment sur le plan professionnel, tout comme son épouse et sa fille qui est scolarisée en France depuis 2017 ;
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son intégration dans la société française, notamment au niveau professionnel, constitue un motif exceptionnel justifiant son admission au séjour et qu'il a fixé le centre de ses intérêts personnels en France ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il porte atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille qui a suivi l'intégralité de sa scolarité en France ;
- à titre subsidiaire, la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 septembre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens du requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les observations de Me Georges, représentant M. A..., également présent à l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... né le 9 octobre 1986, de nationalité albanaise, est entré irrégulièrement en France le 13 avril 2017, d'après ses déclarations. Il a sollicité le bénéfice de l'asile, demande rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le 24 octobre 2017, dont la décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 6 juillet 2018. Par arrêté du 20 août 2018, le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A..., qui n'a pas exécuté cette mesure d'éloignement, a sollicité le 6 juillet 2022 son admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par l'arrêté contesté du 8 juin 2023, le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 14 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ". En outre, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. A... soutient que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale dès lors qu'il réside de manière habituelle et ininterrompue en France depuis plus de 6 ans, qu'il justifie d'une parfaite intégration en France notamment sur le plan professionnel, tout comme son épouse, et que sa fille, âgée de 7 ans, a toujours été scolarisée en France puisqu'elle est entrée sur le territoire français à l'âge d'un an. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui n'a pas exécuté la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet en 2018, s'est maintenu, depuis lors, en situation irrégulière en France, tandis qu'il est constant que son épouse ne bénéficie d'aucun droit au séjour en France. S'il se prévaut de son intégration professionnelle et d'un emploi d'ouvrier au sein de la société Premium Maçonnerie depuis 2019, et qu'il produit à cet effet deux contrats de travail à durée indéterminée et une attestation de son employeur datée du 20 mai 2022 déclarant l'employer depuis presque 3 ans, ce seul élément ne permet pas de conclure à ce que le centre de ses intérêts se soit fixé en France. En outre, s'il se prévaut de la scolarisation de sa fille en France, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer dans son pays d'origine et que sa fille ne puisse y poursuivre normalement sa scolarité. Enfin, il ne produit aucun élément permettant de considérer qu'il ne dispose d'aucune attache privée et familiale dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Il en est de même du moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (....) ".
5. Dans les circonstances exposées au point 3, les pièces du dossier, en particulier les éléments tenant à la situation professionnelle de M. A..., ne suffisent à caractériser ni des circonstances humanitaires, ni des motifs exceptionnels de nature à traduire une erreur manifeste d'appréciation du préfet au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. Dans les circonstances détaillées au point 3, et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la fille de M. A..., qui n'était âgée que de 7 ans à la date de la décision, ne pourrait poursuivre sa scolarité hors de France et que la décision n'a pas pour effet de la séparer de ses parents, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaitrait les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre,
M. Nicolas Normand, président assesseur,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.
La rapporteure,
Héloïse C...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00936