Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an et, enfin, l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2400160 du 21 février 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers, a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mars 2024, et des pièces enregistrées le 21 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Nganga, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 février 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 28 décembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai, et à défaut, de procéder au réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué n'est pas motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où sa pathologie nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et le préfet n'a pas justifié de l'existence d'un traitement approprié au Cameroun auquel il pourrait effectivement avoir accès ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement et de l'interdiction de retour pendant un an sur sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 septembre 2024, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 21 octobre 2024 à 12 heures.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Valérie Réaut a été entendu au cours de l'audience publique,
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant camerounais né le 20 novembre 1977 à Douala, est entré en France au cours de l'année 2008 selon ses déclarations. Il a été auditionné le 26 décembre 2023 dans le cadre de la plainte déposée par son épouse pour des faits de violence. Informé de cette situation, par un arrêté du 28 décembre 2023, le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant un an. M. A... relève appel du jugement du 21 février 2024 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 28 décembre 2023.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte les visas des dispositions dont le préfet a fait application ainsi que l'énoncé des considérations de fait qui en sont le fondement, satisfaisant ainsi aux exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". L'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
4. D'une part, l'arrêté en litige n'a pas pour objet de répondre à une demande de M. A... tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Il s'ensuit que le requérant ne peut utilement soutenir que le préfet aurait fait une inexacte application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. D'autre part, à supposer que M. A... soit regardé comme soulevant un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et s'il lève le secret médical en évoquant la maladie psychiatrique dont il souffre, les pièces qu'il produit attestent d'un suivi médical entamé à l'hôpital Saint-Anne, poursuivi à compter de 2021 au sein de l'établissement public de santé Roger Prévot sans toutefois établir que l'absence d'un tel suivi aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'il ne pourrait pas bénéficier dans son pays d'un traitement approprié à son état de santé, se bornant à cet égard à renvoyer à un article publié en 2016 par un collectif de médecins psychiatres et un anthropologue à propos d'un projet pilote relatif à la prise en charge des malades mentaux errants à Yaoundé. Au vu de ces éléments, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas méconnu les dispositions précitées.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations et dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
7. Il ressort des écritures de M. A... et des pièces du dossier que s'il est marié depuis le 1er octobre 2019 avec une compatriote en situation régulière avec qui il a vécu plusieurs années, il était séparé de celle-ci à la date de l'arrêté en litige, à la suite de faits de violence dont il a été l'auteur à son égard. Par ailleurs, il n'a jamais été en situation régulière en France, sa seule demande de régularisation présentée en juin 2020 n'ayant pas abouti. Au vu de ses éléments, et alors que M. A... ne justifie d'aucune insertion particulière sur le territoire français ni qu'il se trouverait isolé dans son pays d'origine, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, ni par conséquent méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette autorité n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle du requérant.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. "
9. Si M. A... soutient que son retour au Cameroun l'exposerait à un traitement inhumain et dégradant du fait de l'abandon de son traitement médical en France et de l'impossibilité d'avoir accès à un tel traitement dans son pays, comme il a été dit au point 5, les pièces produites n'en justifient pas. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être qu'écarté.
10. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que le préfet des Hauts-de-Seine, bien qu'il ait mentionné à tort que M. A... ne justifiait pas avoir tenté de régulariser sa situation, a bien procédé à un examen particulier de sa situation en retenant que sa présence en France portait atteinte à l'ordre public, avant de décider de l'éloigner du territoire français.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Dès lors que le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, présidente assesseure,
Mme Valérie Réaut, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 novembre 2024.
La rapporteure,
Valérie Réaut
Le président,
Laurent PougetLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 24BX00782 2