La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2024 | FRANCE | N°24BX00640

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 26 novembre 2024, 24BX00640


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2023, par lequel le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2301966 du 11 janvier 2024, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

>
Par une requête enregistrée le 13 mars 2024, M. A..., représenté par Me Roux, demande à la cour :



1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2023, par lequel le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2301966 du 11 janvier 2024, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mars 2024, M. A..., représenté par Me Roux, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°2301966 du tribunal administratif de Limoges du 11 janvier 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2023 du préfet de la Haute-Vienne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, et subsidiairement de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- sa situation aurait dû être soumise à un nouvel avis du collège des médecins de l'OFII pour prendre en compte la naissance de sa fille, son état de santé et les conséquences sur son propre état de santé ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît le 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation car ses troubles psychiatriques sont en lien avec son vécu dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2024, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une décision du 15 février 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Clémentine Voillemot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité bangladaise, né le 16 octobre 1981, a demandé l'annulation de l'arrêté du 26 septembre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 11 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur le moyen commun aux décisions attaquées :

2. L'arrêté attaqué vise, notamment, les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté mentionne également que M. A... est entré irrégulièrement en France le 28 mars 2016, que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 août 2017, confirmée par décision du 5 février 2019 de la Cour nationale du droit d'asile et qu'il s'est maintenu en France en dépit d'une obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 13 février 2019. Il mentionne que M. A... a présenté une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " puis sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de son état de santé et a examiné son droit au séjour au regard de l'article L. 423-23 et de l'article L. 435-1 du même code. Enfin, il fait état des éléments de fait concernant la situation de M. A..., de la présence en France de sa compagne, également en situation irrégulière, et de la naissance prématurée de leur fille le 26 juillet 2022 à Limoges. Ainsi, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Haute-Vienne n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. A....

Sur la décision de refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ".

4. M. A... soutient que le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration aurait dû se prononcer une nouvelle fois, après le premier avis défavorable du 3 mars 2022, en se prévalant d'une attestation mentionnant l'aggravation de sa détresse morale depuis la naissance prématurée de son enfant le 26 juillet 2022. Toutefois, cette attestation date du 10 novembre 2023 et est donc postérieure à la décision attaquée, et il ne produit aucun autre élément mentionnant la dégradation de son état de santé, qu'il aurait adressé à l'administration et de nature à justifier un nouvel avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). En outre, la simple transmission par une assistante sociale, à la préfecture, d'éléments concernant sa situation familiale et relatifs à l'état de santé de sa fille, dans un courrier ayant pour objet " complément d'information ", le 11 avril 2023, ne peut être regardée comme une demande d'autorisation provisoire de séjour au regard de l'état de santé de sa fille sur le fondement de l'article L. 425-10 du code précité.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ". Pour l'application des stipulations et des dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré sur le territoire français de façon irrégulière au mois de mars 2016 selon ses déclarations, à l'âge de 35 ans, a formulé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 août 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 5 février 2019. Il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prononcée le 13 février 2019 à son encontre. Sa compagne et mère de leur enfant né de façon prématurée au mois de juillet 2022, est une ressortissante bangladaise qui réside de façon irrégulière sur le territoire et a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement le 18 mai 2021, puis postérieurement à l'arrêté attaqué, le 24 mai 2024 dans le cadre de l'arrêté portant refus d'autorisation provisoire de séjour en raison de l'état de santé de sa fille. En outre, si la fille de M. A... a présenté une extrême prématurité et qu'elle est suivie médicalement, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce suivi ne pourrait être effectué qu'en France ni que son interruption, appréciée à la date de la décision attaquée, aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. D'ailleurs, les médecins de l'OFII ont, dans leur avis du 19 mars 2024, confirmé cet élément en indiquant que l'état de santé de la fille de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par ailleurs, M. A... ne justifie pas d'une insertion professionnelle par la simple production d'une promesse d'embauche. Enfin, s'il fait l'objet d'un suivi psychiatrique en raison de son vécu dans son pays d'origine et produit, notamment, un certificat médical du 10 novembre 2023, postérieur à l'arrêté attaqué, indiquant en conclusion qu'un " retour dans son pays d'origine reviendrait à le destiner à une mort certaine, lui et sa famille ", cette affirmation n'est pas justifiée par la description de son état de santé et de celui de sa fille précédant cette conclusion ni par aucune autre pièce du dossier. Ainsi, M. A... n'apporte pas d'éléments permettant d'estimer que le préfet de la Haute-Vienne aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations et dispositions précitées. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet de la Haute-Vienne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande de titre de séjour présentée par le requérant doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Dans les circonstances détaillées au point 6, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la décision attaquée porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant mineur de M. A..., âgé de moins de deux ans à la date de la décision attaquée, et alors que la cellule familiale a vocation à se reconstituer au Bangladesh. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Si M. A... invoque la méconnaissance des dispositions du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux étrangers qui résident régulièrement en France depuis plus de dix ans, il est toutefois constant qu'il ne réside pas en France depuis dix ans et qu'il est en situation irrégulière et n'assortit, en tout état de cause, pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. Au regard de ce qui a été dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet de la Haute-Vienne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... fait l'objet d'un suivi psychiatrique qui serait en lien avec le décès de ses parents avant l'âge de cinq ans et en raison d'événements traumatiques vécus dans son pays d'origine, les certificats médicaux produits se bornent à reprendre le récit d'éléments mentionnés par le requérant. En outre, comme il a été indiqué au point 6, le certificat médical du 10 novembre 2023, postérieur à la décision attaquée, concluant à ce qu'un renvoi dans son pays d'origine reviendrait à le destiner à une mort certaine, n'est étayé par aucun élément justifiant une telle affirmation. Dans ces circonstances, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 26 septembre 2023. Par voie de conséquence ses conclusions à fin de versement d'une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre,

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,

Mme Héloise Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.

La rapporteure,

Clémentine Voillemot

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°24BX00640


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX00640
Date de la décision : 26/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Clémentine VOILLEMOT
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : ROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-26;24bx00640 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award