Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18 mars 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer une licence de pêche amateure aux engins et aux filets sur le domaine public fluvial du département de la Gironde pour l a saison 2020.
Par un jugement n° 2003834 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 4 décembre 2022 et le 29 mars 2024, M. B..., représenté par Me Baulimon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003834 du 6 octobre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de Gironde du 18 mars 2020 refusant de lui délivrer une licence de pêche amateure aux engins et aux filets sur le domaine public fluvial du département de la Gironde pour la saison 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait dès lors que les faits reprochés ne sont matériellement pas établis ;
- l'article 52 du cahier des clauses générales et des clauses techniques particulières pour la location du droit de pêche de l'Etat sur le domaine public fluvial du département de la Gironde pour la période 2017-2021, approuvé par arrêté préfectoral du 29 juin 2019, est entaché d'illégalité dès lors qu'il ajoute une condition supplémentaire non prévue à l'article R. 435-19 du code de l'environnement ;
- l'arrêté attaqué méconnaît le champ d'application de l'article 52 du cahier des clauses générales et des clauses techniques particulières pour la location du droit de pêche de l'Etat sur le domaine public fluvial du département de la Gironde pour la période 2017-2021, approuvé par arrêté préfectoral du 29 juin 2019 et de l'article R. 435-19 du code de l'environnement ;
- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que les faits reprochés ne peuvent justifier un refus de licence de pêche amateure pendant une saison complète ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que la procédure d'audition menée dans le cadre du procès-verbal est irrégulière ; ses droits dans le cadre d'une audition libre ne lui ont pas été notifiés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un courrier du 7 octobre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des moyens de procédure présentés après l'expiration du délai d'appel, qui se rattachent à une cause juridique distincte des moyens soulevés dans ce délai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 29 juin 2016 portant approbation du cahier des clauses générales et des clauses techniques particulières pour la location du droit de pêche de l'Etat sur le domaine public fluvial du département de la Gironde pour la période 2017-2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Clémentine Voillemot ;
- et les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... a déposé le 13 décembre 2019 une demande de licence de pêche amateure aux engins et aux filets sur le domaine public fluvial du département de la Gironde pour la saison 2020. Par un arrêté du 18 mars 2020, la préfète de la Gironde a refusé d'accorder la licence sollicitée au motif qu'il avait commis une infraction à la règlementation départementale de la pêche en eau douce relative au commerce de lamproies marines interdit aux pêcheurs amateurs, constatée par un procès-verbal du 11 juillet 2019 n° 088-2018 par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. M. B... relève appel du jugement du 6 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2020.
2. Aux termes de l'article L. 172-1 du code de l'environnement, dans sa version alors en vigueur : " I. - Outre les officiers et agents de police judiciaire et les autres agents publics spécialement habilités par le présent code, sont habilités à rechercher et à constater les infractions aux dispositions du présent code et des textes pris pour son application et aux dispositions du code pénal relatives à l'abandon d'ordures, déchets, matériaux et autres objets les fonctionnaires et agents publics affectés dans les services de l'Etat chargés de la mise en œuvre de ces dispositions, ou à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, dans les parcs nationaux et à l'Agence des aires marines protégées. / Ces agents reçoivent l'appellation d'inspecteurs de l'environnement. / (...) III. ' Les inspecteurs de l'environnement sont commissionnés par l'autorité administrative et assermentés pour rechercher et constater tout ou partie des infractions mentionnées au 1° ou au 2° du II du présent article ". L'article L. 172-8 de ce code dispose que : " Les fonctionnaires et agents mentionnés à l'article L. 172-4 peuvent recueillir, sur convocation ou sur place, les déclarations de toute personne susceptible d'apporter des éléments utiles à leurs constatations. Ils en dressent procès-verbal. Les personnes entendues procèdent elles-mêmes à sa lecture, peuvent y faire consigner leurs observations et y apposent leur signature. Si elles déclarent ne pas pouvoir lire, lecture leur en est faite par l'agent préalablement à la signature. En cas de refus de signer le procès-verbal, mention en est faite sur celui-ci (...) ". Aux termes de l'article L. 172-16 du code de l'environnement : " Les infractions aux dispositions du présent code et des textes pris pour son application sont constatées par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve contraire ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le procès-verbal d'audition du 28 janvier 2019 ne comporte pas la signature de M. B..., en méconnaissance de l'article L. 172-8 du code de l'environnement et ne peut donc être retenu comme faisant foi. Quant au procès-verbal d'investigations du 10 janvier 2019 et au procès-verbal établi par l'inspecteur de l'environnement du 11 juillet 2019 relatant l'enquête, ils se bornent à constater que M. B... a eu de nombreux contacts téléphoniques durant la période de pêche sans que ce simple constant ne suffise à établir qu'il aurait vendu des lamproies. Si ces procès-verbaux font également état de l'audition, par l'inspecteur de l'environnement, d'une personne ayant déclaré que M. B... lui avait vendu des lamproies marines pendant plusieurs années et d'une deuxième personne, belle-fille de l'intéressé, ayant confirmé qu'il vendait des lamproies à des personnes autres qu'elle-même, ces deux témoignages obtenus verbalement, par téléphone, sans que ces personnes n'aient été en mesure de valider le contenu des propos tenus, et dont la teneur est d'ailleurs remise en cause par les attestations des intéressés produites au dossier, ne permettent pas davantage d'établir la réalité de l'infraction. Enfin, le procès-verbal de synthèse, qui reprend majoritairement les aveux qui auraient été faits lors de l'audition de M. B... et qui relate des propos que M. B... aurait tenus téléphoniquement dans le cadre de cette même audition, avec un interlocuteur non identifié, ne peuvent, faute de signature du procès-verbal d'audition, être retenus pour établir la matérialité des faits reprochés. Dans ces circonstances, M. B... est fondé à soutenir que les faits reprochés de vente de lamproies marines ne sont pas matériellement établis.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
5. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 octobre 2022 est annulé.
Article 2 : L'arrêté de la préfète de la Gironde du 18 mars 2020 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Copie sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 novembre 2024.
La rapporteure,
Clémentine Voillemot
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX02985