Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme K... H..., M. D... J..., Mme E... C..., M. A... B... et M. G... I... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision tacite née le 1er mars 2019 du maire du Verdon-sur-Mer portant non-opposition à la déclaration préalable déposée par la société Sodiver pour la construction d'une station-service de deux pistes et le déplacement d'un stockage de gaz, sur les parcelles cadastrées section AL n°s 213, 321, 322, 416, 417 et 419 situées 17 rue de Verdun, ainsi que l'arrêté du 22 mai 2019 par lequel le maire du Verdon-sur-Mer, agissant au nom de l'État, a délivré à la société Sodiver une autorisation conduisant à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public de cinquième catégorie portant sur cette station-service, ensemble la décision du 23 septembre 2019 par laquelle le maire du Verdon-sur-Mer a rejeté leur recours gracieux dirigé contre ces deux décisions.
Par un jugement n° 1905678 du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête n° 22BX02360 et un mémoire, enregistrés les 30 août 2022 et 13 juin 2024, Mme H... et Mme C..., représentées par Me Achou-Lepage, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 juin 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler la décision tacite née le 1er mars 2019 et l'arrêté du 22 mai 2019, ensemble la décision du 23 septembre 2019 par laquelle le maire du Verdon-sur-Mer a rejeté leur recours gracieux dirigé contre ces deux décisions ;
3°) de mettre à la charge de la commune du Verdon-sur-Mer et de la société Sodiver la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la requête est recevable ;
- le jugement est irrégulier dès lors que la minute n'est pas signée ;
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas tiré les conséquences de l'acquiescement aux faits de la commune du Verdon-sur-Mer et de la société Sodiver ;
- le jugement est insuffisamment motivé, dès lors que les premiers juges ne répondent pas au moyen tiré de la fraude consistant, en ce qui concerne le dossier de déclaration préalable, à ne pas avoir mentionné la suppression de 23 places de stationnement ;
- la décision tacite du 1er mars 2019 et l'arrêté du 22 mai 2019 ont été prises par une autorité incompétente ;
- les premiers juges ont commis des erreurs d'appréciation et des erreurs de droit en considérant que le dossier de demande de déclaration préalable ne devait pas mentionner que les travaux portaient sur un ouvrage soumis à déclaration en application de la section 1 du chapitre IV du titre 1er du livre II du code de l'environnement ; le dossier de demande est incomplet, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-35 du code de l'urbanisme, à défaut de plan de masse coté en trois dimensions afin d'apprécier l'accessibilité des personnes à mobilité réduite ; le dossier de demande est incomplet, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme, en l'absence de document graphique relatif à l'insertion du projet par rapport aux constructions avoisinantes ; le dossier de demande est incomplet, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme, à défaut du dépôt de la déclaration " ICPE " ;
- le dossier de demande d'autorisation de travaux pour un établissement recevant du public est incomplet, en méconnaissance des dispositions des articles R. 111-19-17, D. 111 19 18 et R. 123-22 du code de la construction et de l'habitation, faute de comporter un plan de l'installation ; le plan d'accessibilité joint au dossier de déclaration préalable n'est pas coté et ne contient pas d'indications sur les cheminements extérieurs, les sens de circulation, la largeur des passages et de la bande de roulement, ni sur la zone de dépotage du gaz ;
- les décisions attaquées sont entachées de fraude, les plans ne faisant pas apparaître le local associé à la station-service, mentionné dans l'avis du service départemental d'incendie et de secours du 11 avril 2019, ainsi que la suppression de 23 places de stationnement ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation du risque d'explosion et de projection d'éclats métalliques, du risque de pollution et du risque d'accident de la route, induits par le projet, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- elles ont été prises en méconnaissance des dispositions de l'article 2.5 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme de la commune, dès lors que le projet va entrainer des nuisances pour le voisinage ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que les dispositions de l'article 3.2 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme de la commune ne s'imposaient qu'aux voies nouvelles ; la voie desservant le projet n'est pas adaptée à l'usage d'une station-service et d'un dépôt de gaz ;
- les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance des dispositions de l'article 3.1 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme de la commune, dès lors qu'il y aura des difficultés d'accès au terrain d'assiette du projet ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'annexe I de l'arrêté du 15 avril 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux stations-service relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 1435 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement n'est pas inopérant ; le projet prévoit une distance insuffisante entre les immeubles d'habitation alentours et les aires de dépotage et de distribution de carburant.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 mai 2024, la société Sodiver, représentée par Me Courrech, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme H... et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, dès lors que les appelantes ne justifient pas de la notification prévue à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- les moyens de la requête sont infondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.
II. Par une requête n° 22BX02372 et un mémoire, enregistrés les 31 août 2022 et 13 juin 2024, M. I..., représenté par Me Achou-Lepage, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 juin 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler la décision tacite née le 1er mars 2019 et l'arrêté du 22 mai 2019, ensemble la décision du 23 septembre 2019 par laquelle le maire du Verdon-sur-Mer a rejeté son recours gracieux dirigé contre ces deux décisions ;
3°) de mettre à la charge de la commune du Verdon-sur-Mer et de la société Sodiver la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est recevable ;
- le jugement est irrégulier dès lors que la minute n'est pas signée ;
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas tiré les conséquences de l'acquiescement aux faits de la commune du Verdon-sur-Mer et de la société Sodiver ;
- le jugement est insuffisamment motivé, dès lors que les premiers juges ne répondent pas au moyen tiré de la fraude consistant, en ce qui concerne le dossier de déclaration préalable, à ne pas avoir mentionné la suppression de 23 places de stationnement ;
- la décision tacite du 1er mars 2019 et l'arrêté du 22 mai 2019 ont été prises par une autorité incompétente ;
- les premiers juges ont commis des erreurs d'appréciation et des erreurs de droit en considérant que le dossier de demande de déclaration préalable ne devait pas mentionner que les travaux portaient sur un ouvrage soumis à déclaration en application de la section 1 du chapitre IV du titre 1er du livre II du code de l'environnement ; le dossier de demande est incomplet, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-35 du code de l'urbanisme, à défaut de plan de masse coté en trois dimensions afin d'apprécier l'accessibilité des personnes à mobilité réduite ; le dossier de demande est incomplet, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme, en l'absence de document graphique relatif à l'insertion du projet par rapport aux constructions avoisinantes ; le dossier de demande est incomplet, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme, à défaut du dépôt de la déclaration " ICPE " ;
- le dossier de demande d'autorisation de travaux sur un établissement recevant du public est incomplet, en méconnaissance des dispositions des articles R. 111-19-17, D. 111 19 18 et R. 123-22 du code de la construction et de l'habitation, faute de comporter un plan de l'installation ; le plan d'accessibilité joint au dossier de déclaration préalable n'est pas coté et ne contient pas d'indications sur les cheminements extérieurs, les sens de circulation, la largeur des passages et de la bande de roulement, ni sur la zone de dépotage du gaz ;
- les décisions attaquées sont entachées de fraude, les plans ne faisant pas apparaître le local associé à la station-service, mentionné dans l'avis du service départemental d'incendie et de secours du 11 avril 2019, ainsi que la suppression de 23 places de stationnement ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation du risque d'explosion et de projection d'éclats métalliques, du risque de pollution, et du risque d'accident de la route, induits par le projet, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- elles ont été prises en méconnaissance des dispositions de l'article 2.5 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme de la commune, dès lors que le projet va entrainer des nuisances pour le voisinage ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que les dispositions de l'article 3.2 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme de la commune ne s'imposaient qu'aux voies nouvelles ; la voie desservant le projet n'est pas adaptée à l'usage d'une station-service et d'un dépôt de gaz ;
- les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance des dispositions de l'article 3.1 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme de la commune, dès lors qu'il y aura des difficultés d'accès au terrain d'assiette du projet ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'annexe I de l'arrêté du 15 avril 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux stations-service relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 1435 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement n'est pas inopérant ; le projet prévoit une distance insuffisante entre les immeubles d'habitation alentours et les aires de dépotage et de distribution de carburant.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 mai 2024, la société Sodiver, représentée par Me Courrech, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. I... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, dès lors que l'appelant ne justifie pas de la notification prévue à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- les moyens de la requête sont infondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vincent Bureau,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- les observations de Me Achou-Lepage, représentant Mme H..., Mme C... et M. I..., et les observations de Me Marti, représentant la société Sodiver.
Considérant ce qui suit :
1. Le 31 janvier 2019, la société Sodiver a déposé une déclaration préalable portant sur la construction d'une station-service de deux pistes et le déplacement d'un stockage de gaz, sur un terrain situé 17 rue de Verdun au Verdon-sur-Mer, sur les parcelles cadastrées section AL n°s 213, 321, 322, 416, 417 et 419, ainsi qu'une demande connexe d'autorisation de travaux conduisant à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public de 5ème catégorie. Par une décision tacite née le 1er mars 2019, le maire du Verdon-sur-Mer ne s'est pas opposé à la déclaration préalable, et par un arrêté du 22 mai 2019, il a, au nom de l'État, délivré l'autorisation de travaux sollicitée. Mme H..., Mme C... et M. I... relèvent appel du jugement du 29 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande d'annulation de ces trois décisions.
2. Les requêtes de Mme H..., Mme C... et M. I... sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
3. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas (...) de recours contentieux à l'encontre (...) d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant (...) une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. (...) ".
4. Ces dispositions visent, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme, ainsi qu'à l'auteur de cette décision, d'être informés à bref délai de l'existence d'un recours contentieux dirigé contre elle.
5. Il ressort des pièces du dossier que les appelants justifient de la notification de la requête d'appel au pétitionnaire et à l'auteur de l'autorisation d'urbanisme. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par la société Sodiver tirée du non-respect de la formalité prévue par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme doit être écartée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
6. En premier lieu, la minute du jugement attaqué figurant au dossier de première instance transmis à la cour par le tribunal administratif de Bordeaux comporte les signatures du président de la formation de jugement, du magistrat rapporteur et du greffier d'audience, ainsi que l'exigent les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que ces signatures ne figuraient pas sur l'ampliation adressée à la société requérante est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge administratif n'est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit et il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier.
8. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le tribunal administratif de Bordeaux a, le 20 novembre 2020, adressé à la commune du Verdon-sur-Mer sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, une mise en demeure de produire dans le délai d'un mois ses observations en réponse à la requête enregistrée le 20 novembre 2019. Ce courrier, qui a été notifié à la commune du Verdon-sur-Mer le 24 novembre 2020, rappelait en outre qu'en vertu de l'article R. 612-6 du même code, elle serait réputée avoir acquiescé aux faits si elle ne produisait pas de mémoire en défense dans le délai imparti par la mise en demeure. Si la commune du Verdon-sur-Mer n'a pas, malgré cette mise en demeure, produit de mémoire en défense, il revenait néanmoins aux premiers juges, ainsi qu'ils l'ont fait, de vérifier l'exactitude des faits exposés par les requérants dans leurs écritures au regard des pièces produites à l'appui de la requête et des écritures du préfet de la Gironde. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le tribunal aurait, en rejetant la requête, méconnu la " règle de l'acquiescement aux faits " et le principe du contradictoire doit être écarté.
9. En troisième lieu, il ressort des motifs mêmes du jugement attaqué, au point 2, que le tribunal administratif de Bordeaux a répondu au moyen relatif à la fraude. Nonobstant l'absence de réponse à la contestation brièvement formulée sur la suppression de 23 places de stationnement, cette motivation est suffisante, eu égard à la manière dont cette argumentation était invoquée, le tribunal n'étant en tout état de cause pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :
10. La fraude suppose, pour pouvoir être caractérisée, que le pétitionnaire ait procédé à des manœuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet. Pour caractériser l'existence d'une fraude entachant les deux demandes d'autorisation présentées par la société Sodimer, les appelants font valoir que les plans ne font pas apparaître le local associé à la station-service mentionné dans l'avis du service départemental d'incendie et de secours du 11 avril 2019, ni la suppression de 23 places de stationnement. Toutefois, si l'avis du service départemental d'incendie et de secours de la Gironde du 11 avril 2019 mentionne un local associé à la station-service, cette mention doit être regardée comme erronée dès lors que les formulaires et différents plans joints aux demandes de la société Sodiver ne laissent aucunement apparaitre l'existence d'un tel local. En outre, si le plan de masse figurant dans les dossiers de déclaration préalable ne fait pas apparaître les 23 places de stationnement existantes sur le terrain d'assiette du projet, dont celui-ci emporte la suppression, cette information a été portée à la connaissance de l'administration par les photographies jointes aux mêmes dossiers. Dans ces conditions, les requérants ne démontrent pas que la société Sodiver se serait livrée à des manœuvres de nature à fausser l'appréciation du service instructeur, et le moyen tiré de l'existence d'une fraude doit être écarté.
En ce qui concerne la décision tacite du 1er mars 2019 :
11. En premier lieu, les appelants ne peuvent utilement soutenir que la décision tacite née le 1er mars 2019 par laquelle le maire du Verdon-sur-Mer ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée le 31 janvier 2019 par la société Sodiver serait adoptée par une autorité incompétente. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté.
12. En deuxième lieu, la circonstance que le dossier de déclaration préalable ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
13. D'une part, aux termes de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Lorsque les travaux projetés portent sur une installation classée soumise à enregistrement ou déclaration en application des articles L. 512-7 et L. 512-8 du code de l'environnement, la demande de permis de construire doit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande d'enregistrement ou de la déclaration. ". Aux termes de l'article R. 431 35 du même code, alors en vigueur : " La déclaration préalable précise : (...) f) S'il y a lieu, que les travaux portent sur une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumis à déclaration en application de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l'environnement ; (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants. ". Aux termes de l'article R. 412-1 du même code : " La nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 figure au tableau annexé au présent article. (...) ".
14. Les appelants ne peuvent utilement soutenir que le dossier de demande de déclaration préalable devait mentionner que les travaux portaient sur un ouvrage soumis à déclaration en application de la section 1 du chapitre IV du titre 1er du livre II du code de l'environnement, dès lors que les stations-services et l'activité de stockage de gaz ne figurent pas dans la nomenclature prévue à l'article R. 214-1 du code de l'environnement. Par ailleurs, les appelants ne peuvent davantage utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme alors en vigueur, qui figurent dans la section 2 du chapitre Ier du titre III du livre IV intitulée " Dossier de demande de permis de construire ", qui ne sont applicables qu'aux seuls permis de construire, et non aux déclarations préalables portant sur un projet de construction dont la composition du dossier est régie par la section 3, telle celle en litige. En outre, la circonstance que le décret n° 2022-422 du 25 mars 2022 relatif à l'évaluation environnementale des projets ait rendu obligatoire cette information pour les déclarations préalables est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée antérieure à l'entrée en vigueur de ce décret.
15. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-36 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la déclaration comprend : (...) b) Un plan de masse coté dans les trois dimensions lorsque le projet a pour effet de créer une construction ou de modifier le volume d'une construction existante ; (...) ; Lorsque la déclaration porte sur un projet de création ou de modification d'une construction et que ce projet est visible depuis l'espace public ou que ce projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le dossier comprend également les documents mentionnés aux c et d de l'article R. 431-10 ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; (...) ".
16. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de déclaration préalable de la société Sodiver ne comporte pas de plan de masse en trois dimensions et de document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages.
17. Toutefois, ces insuffisances n'ont pas été de nature à fausser l'appréciation de l'autorité administrative dès lors que l'ensemble des autres pièces produites, notamment le plan de masse en deux dimensions, les vues d'ensemble de l'existant ainsi que la vue aérienne du terrain, ont permis au service instructeur d'apprécier les principales composantes du projet, le volume des constructions nouvelles et leur implantation par rapport aux rues voisines. En outre, le plan d'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite permet d'apprécier l'accessibilité du projet. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux a écarté, dans toutes ses branches, le moyen tiré de ce que le dossier de déclaration préalable aurait été incomplet.
18. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
19. En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect. A ce titre, s'il n'appartient pas à cette autorité d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être.
20. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'implantation d'une station-service de deux pistes, qui génèrera un trafic d'ampleur limitée, serait de nature à aggraver le risque d'accident de la circulation dans le secteur considéré, alors notamment que la vitesse maximale des automobilistes est limitée au sein du bourg du Verdon-sur-Mer et que l'accès à l'installation projetée est parfaitement visible, compte tenu de la configuration de la rue de desserte. Par ailleurs, il n'est pas sérieusement contesté que les prescriptions relatives à la prise en compte des risques de pollution et d'explosion régis par les dispositions de l'annexe I de l'arrêté du 15 avril 2010, qui imposent notamment la mise en place d'un système de récupération des vapeurs, sont en l'espèce respectées par la société pétitionnaire, et les appelants n'apportent aucun élément précis de nature à établir un risque particulier d'embrasement des hydrocarbures de la station-service ou des gaz entreposés. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des risques pour la sécurité publique.
21. En quatrième lieu, aux termes de l'article 2.5 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme, sont autorisées : " La création, l'extension ou la transformation d'installations classées pour la protection de l'environnement, quels que soient les régimes auxquelles elles sont soumises, sous réserve qu'elles soient compatibles avec le caractère de la zone urbaine et qu'elles n'entrainement pas de nuisances pour le voisinage et qu'elles soient compatibles avec l'infrastructure et les équipements existants ".
22. Comme l'ont estimé les premiers juges, il ne ressort pas des pièces du dossier que le déplacement du dépôt de gaz comme la création d'une station-service entraîneraient une augmentation substantielle des nuisances sonores ou visuelles pour le voisinage. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2.5 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme doit être écarté.
23. En cinquième lieu aux termes de l'article 3.1 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme : " Tout accès individuel desservant une construction existante doit présenter des caractéristiques permettant de satisfaire aux règles minimales de desserte, défense contre l'incendie, protection civile et de collecte sélective des ordures ménagères. / Les accès doivent être aménagés de façon à ne pas présenter un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Une construction pourra être refusée ou n'être acceptée que sous réserve de prescriptions spéciale si son accès au réseau routier qui la dessert présente des risques pour la sécurité des usagers ".
24. Ainsi qu'il a été dit au point 20, l'implantation d'une station-service de deux pistes n'apparaît pas de nature à créer des risques pour la sécurité des usagers des voies de circulation dans le secteur d'implantation, alors notamment que la vitesse maximale des automobilistes est réduite au sein du bourg du Verdon-sur-Mer et que les conditions de visibilité au niveau des accès sont bonnes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3.1 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme doit être écarté.
25. En sixième lieu, aux termes de l'article 3.2 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme : " Voirie / Les voies publiques ou privées communes ouvertes à la circulation automobile, cycliste ou piétonnière devront avoir des caractéristiques techniques adaptées aux usages qu'elles supportent et aux opérations qu'elles doivent desservir et satisfaire aux règles de sécurité et d'accessibilité. Elles devront permettre l'approche du matériel de lutte contre l'incendie. Leur projet devra recueillir l'accord du gestionnaire des voies auxquelles elles se raccordent / Les voies nouvelles seront soumises à des conditions particulières de tracé et d'exécution dans l'intérêt de la circulation et de l'utilisation de certains terrains riverains ou avoisinants, ou en vue de leur intégration dans la voirie publique communale ".
26. Les appelants ne peuvent utilement soutenir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 3.2 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme, dès lors que le projet n'emporte pas la création de voirie.
27. En dernier lieu, eu égard au principe d'indépendance des législations, les appelants ne peuvent utilement soutenir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'annexe 1 de l'arrêté du 15 avril 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux stations-service relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 1435 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement.
En ce qui concerne l'arrêté du 22 mai 2019 :
28. Aux termes de l'article R.111-19-13 du code de la construction et de l'habitation, alors en vigueur : " L'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un établissement recevant le public prévue à l'article L. 111-8 est délivrée au nom de l'Etat par : / a) Le préfet, lorsque celui-ci est compétent pour délivrer le permis de construire ou lorsque le projet porte sur un immeuble de grande hauteur ; / b) Le maire, dans les autres cas. ". Aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, alors en vigueur : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation, à des membres du conseil municipal. (...) ".
29. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 22 mai 2019 a été signé par M. F..., adjoint délégué. Il ressort également des pièces du dossier que par un arrêté du 8 avril 2014, le maire du Verdon-sur-Mer a consenti à M. F..., 3ème adjoint au maire, une " délégation de signature (...) pour ce qui concerne les commissions " dont il exerce la vice-présidence, à savoir les finances, l'urbanisme et les travaux. L'objet et l'étendue de cette délégation ne sont pas définis avec une précision suffisante pour autoriser son auteur à signer valablement, au nom de l'Etat, la décision contestée portant autorisation prévue par le code de la construction et de l'habitation pour l'exécution des travaux conduisant à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public. Par suite, l'arrêté du 22 mai 2019, pris par une autorité incompétente, est entaché d'illégalité.
30. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 22 mai 2019, ensemble la décision du 23 septembre 2019 en tant que le maire du Verdon-sur-Mer a rejeté leur recours gracieux dirigé contre cet arrêté.
Sur les frais liés au litige :
31. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Sodiver la somme globale de 1 500 euros à verser à Mme H..., Mme C... et M. I... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de Mme H..., Mme C... et M. I..., qui ne sont pas les parties perdantes.
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêté du maire du Verdon-sur-Mer du 22 mai 2019, ensemble la décision du 23 septembre 2019 en tant que le maire a rejeté le recours gracieux de Mme H..., Mme C... et M. I... dirigé contre cet arrêté, sont annulés.
Article 2 : Le jugement du 29 juin 2022 tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il est contraire à l'article 1er.
Article 3 : La société Sodiver versera à Mme H..., Mme C... et M. I... la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la société Sodiver au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme K... H..., à Mme E... C..., à M. G... I..., à la société Sodiver et au ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Copie en sera adressée à la commune du Verdon-sur-Mer.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.
Le rapporteur,
Vincent Bureau
Le président,
Laurent Pouget
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 22BX02360, 22BX02372