Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner l'établissement public de santé mentale de la Guadeloupe (EPSM) à lui verser la somme de 161 686,37 € en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des diverses fautes commises par cet établissement dans la gestion, la tenue et la communication de son dossier.
Par un jugement n° 2000542 du 21 juin 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné l'EPSM à verser à Mme E... une indemnité de 401,6 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 août 2022 et le 19 février 2024, Mme D... E..., agissant pour son compte personnel et en qualité de représentante légale de son fils B... E..., représentée par Me Noël, demande à la cour, dans le dernier état des écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 21 juin 2022 ;
2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 21 juin 2022 limitant l'indemnisation de ses préjudices à la somme de 401,60 euros et rejetant le surplus de sa requête ;
3°) de condamner l'EPSM de Guadeloupe à lui verser une somme de 101 284,77 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2020, au titre de son préjudice professionnel et économique ;
4°) de condamner l'EPSM de Guadeloupe à lui verser les sommes de 50 000 euros et 10 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2020, au titre, respectivement, de son trouble dans les conditions d'existence et de celui de son fils ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière faute d'avoir été convoquée à l'audience en méconnaissance de l'article R. 711-2 du code de justice administrative ;
- le tribunal de la Guadeloupe a substantiellement limité son droit à indemnisation au terme d'une erreur d'appréciation ;
- la responsabilité de l'EPSM de Guadeloupe est engagée en raison de la tardiveté de la communication de documents administratifs communicables ;
- la communication du dossier de médecine de prévention n'a été effectuée que le 11 décembre 2015 alors que la commission d'accès aux documents administratifs avait émis un avis favorable à sa communication le 24 septembre 2015 ;
- son dossier administratif n'est pas correctement constitué et il est incomplet ;
- les pièces de son dossier lui auraient permis d'obtenir satisfaction dans le cadre du recours contentieux relatif à la décision de radiation pour abandon de poste et elles démontraient le bien-fondé de l'exercice de son droit de retrait ;
- son préjudice correspond au montant de l'ensemble des traitements dont l'EPSM de Guadeloupe lui a réclamé à tort le remboursement ;
- l'acharnement de l'EPSM de Guadeloupe à son encontre lui a causé, ainsi qu'à son fils, des troubles dans les conditions d'existence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2022, l'établissement public de santé mentale de la Guadeloupe, représenté par Me Albina-Collidor, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°1983-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Clémentine Voillemot,
- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public,
- et les observations de Me Noël, représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1 Mme E..., praticienne hospitalière spécialisée en psychiatrie, a été nommée, par arrêté du 9 mars 2009 du directeur général du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, au centre hospitalier de Montéran à Saint-Claude, devenu établissement public de santé mentale (EPSM) de la Guadeloupe, pour y servir au pôle de psychiatrie légale. Mme E... a, par courrier du 3 juin 2011, informé la direction de l'établissement de ce qu'elle entendait faire usage de son droit de retrait de son poste. Après avoir été mise en demeure, le 1er juillet 2011, de rejoindre son poste, elle a été radiée des cadres pour abandon de poste par arrêté du 24 octobre 2012 du directeur général du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière. Par un arrêt du 20 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre du 21 décembre 2012 rejetant la demande de Mme E... tendant à la résiliation de son contrat aux torts exclusifs du centre hospitalier de Montéran, à la condamnation de cet établissement à lui verser des indemnités, à la constatation de la rupture abusive de son contrat par le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et à l'annulation de la décision du 8 août 2011 du directeur du centre hospitalier de Montéran suspendant le versement de son traitement. Mme E... a demandé à avoir accès à son dossier administratif à plusieurs reprises et a obtenu de la commission d'accès aux documents administratifs trois avis favorables le 8 avril 2011, le 3 décembre 2015 et le 12 janvier 2017 pour obtenir communication de pièces de son dossier personnel. Par un jugement du 21 mai 2019, le tribunal administratif de la Guadeloupe a enjoint à l'EPSM de communiquer à Mme E... certains des documents demandés. Par un jugement du 21 juin 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné l'EPSM à verser à Mme E... une indemnité de 401,6 euros pour la tarification excessive des frais de photocopies et a rejeté le surplus des conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'établissement public de santé mentale de la Guadeloupe (EPSM) à lui verser la somme de 161 686,37 euros en réparation des préjudices économiques et professionnels et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle estime avoir subis, ainsi que son fils mineur, du fait de l'ensemble des comportements fautifs commis par cet établissement dans la tenue, la gestion et la communication de son dossier administratif. Mme E... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. (...) ". Aux termes de l'article R. 711-2-1 de ce code : " Les parties ou leur mandataire inscrits dans l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 peuvent être convoqués à l'audience par le moyen de cette application. (...) ". L'article R. 431-1 de ce code dispose que : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire ".
3. Mme E... soutient n'avoir pas été convoquée à l'audience devant le tribunal administratif de la Guadeloupe. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment des courriers figurant dans le dossier de première instance, qu'un avis d'audience a été mis à disposition de Me Noël, représentant Mme E..., le 16 mai 2022 à 19h par l'application informatique " Télérecours " et qu'elle en a accusé réception le 17 mai 2022 à 10h20 pour l'audience qui s'est tenue le 7 juin 2022. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 711-2 du code de justice administrative doit être écarté.
Sur les conclusions indemnitaires :
4. Aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité (...). / Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L. 300-2 est soumise à la concurrence ; 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ; 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. Les informations à caractère médical sont communiquées à l'intéressé, selon son choix, directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'il désigne à cet effet, dans le respect des dispositions de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique ".
6. Il résulte de l'instruction que Mme E... a pu consulter son dossier administratif le 16 mars 2011 et le 19 mai 2016. Si Mme E..., soutient qu'elle a mis six années à obtenir communication de son dossier administratif après sa demande initiale du 24 novembre 2010, il résulte toutefois de l'instruction qu'elle a eu accès à son dossier dès le 16 mars 2011 et il ne résulte pas de l'instruction que les délais de communication des pièces complémentaires demandées auraient eu des conséquences sur sa situation ou sa carrière. En outre, par un jugement définitif du 26 janvier 2023, n° 2000721, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande de Mme E... tendant à la condamnation de l'établissement public de santé mentale de la Guadeloupe à une astreinte de 1 000 euros par jour de retard dans l'exécution de son jugement n° 1800720 du 21 mai 2019 en relevant que l'établissement était dans l'impossibilité matérielle de procéder à la communication des documents demandés qui ne figurent pas dans le dossier individuel de Mme E.... Il résulte par ailleurs de l'instruction que la requérante a demandé à plusieurs reprises communication du rapport d'enquête réalisé par l'inspection du travail en s'adressant directement à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et s'il est constant que ce rapport ne figure pas dans le dossier individuel de Mme E..., l'EPSM fait valoir que ce document n'a jamais été en sa possession. Dans ces circonstances, le défaut de communication de ce document ne peut être regardé comme imputable à l'EPSM. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la demande de communication de son dossier de médecine de prévention aurait été présentée le 11 décembre 2015 alors que la commission d'accès au document administratif aurait émis un avis favorable à sa communication le 24 septembre 2015 ni que le délai pour obtenir sa communication lui aurait causé un préjudice. Par conséquent, la responsabilité de l'EPSM ne peut être engagée sur le fondement du défaut de communication du dossier individuel de Mme E....
7. Si Mme E... soutient que son dossier administratif est incomplet et qu'il n'est pas correctement géré, les irrégularités concernant la gestion d'un dossier individuel ne peuvent, en elles-mêmes, faire grief et ne sont de nature à engager la responsabilité de l'administration que si elles ont eu une incidence sur la situation de l'intéressée. Or, d'une part, lors de la consultation de son dossier du 16 mars 2011, si Mme E... a remarqué l'absence d'une lettre du 13 septembre 2010 qu'elle aurait adressée au directeur du centre hospitalier de Montéran et une lettre du Centre national de gestion des patriciens hospitalier qu'on lui aurait indiqué téléphoniquement avoir envoyée et relative à une mise en recherche d'affectation, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de ces deux courriers dans son dossier individuel l'aurait privée d'une garantie ou aurait eu une incidence sur sa situation. De même, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence dans son dossier d'un courrier du docteur A... du 24 septembre 2010 et d'un courrier du docteur C... du 4 mars 2015, postérieur à l'arrêté de radiation du 24 octobre 2012 pour le dernier, aurait eu une incidence sur sa situation. D'autre part, si Mme E... soutient que les pièces dont elle n'a pas obtenu communication et qui auraient dû figurer dans son dossier individuel auraient pu lui servir dans le cadre de l'instance relative à sa radiation, elle ne l'établit pas en se bornant à se prévaloir de l'absence persistante de lettres qu'elle a elle-même adressées, d'une deuxième mise en recherche d'affectation demandée auprès du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers en mai 2012, et dont l'existence est contestée par l'EPSM, ainsi que d'un courrier lui confirmant son inscription à une formation interne proposée en mai 2010. Si elle se prévaut également de l'absence de communication du rapport de l'inspection du travail, aucune pièce ne permet de connaître le contenu de ce rapport que l'EPSM, comme il a été rappelé au point précédent, indique ne pas détenir, et il ne résulte pas de l'instruction que son défaut de communication l'aurait privée d'une chance de se défendre dans les instances engagées devant les juridictions administratives et aurait démontré le bien-fondé de l'exercice de son droit de retrait. En revanche, l'arrêté de radiation vise un rapport définitif relatif à la situation du pôle de psychiatrie légale et sur les fondements du droit de retrait exercé par Mme E..., établi par l'agence régionale de santé de Guadeloupe, du 23 août 2012 mais il résulte de l'instruction que Mme E... en a eu communication. Enfin, Mme E... soutient que son dossier administratif n'est pas correctement constitué en indiquant qu'une facture, une copie d'attestation de présence faite à un patient, des bordereaux de l'administration et une copie d'un courrier adressé en février 2013 au docteur C... n'auraient pas dû être présents dans son dossier. De même, deux accusés de réception figuraient dans une cote intitulée " documents non communicables " mais qu'elle a cependant pu consulter. Toutefois, elle n'établit pas ni même n'allègue que la présence de ces documents dans son dossier personnel aurait eu une incidence sur sa situation. Dans ces circonstances, il ne résulte pas de l'instruction que la tenue du dossier de Mme E... aurait eu des conséquences sur sa situation et sa carrière et aurait été de nature à lui causer un préjudice.
8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'indemnisation de la requête doivent être rejetées, de même, par voie de conséquence, que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et à l'établissement public de santé mentale de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.
La rapporteure,
Clémentine VoillemotLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX02190