Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 1er juin 2023 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2301404 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 mars 2024 et 3 octobre 2024, Mme A..., représentée par Me Fadiaba-Gourdonneau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 7 novembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Haute-Vienne du 1er juin 2023 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour a été édictée au terme d'une procédure irrégulière faute pour la préfète d'avoir saisi la commission du titre de séjour alors qu'elle remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour et qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est entachée d'erreurs de fait quant à son âge à la date de son entrée en France et à celle de l'édiction de la décision ; ces erreurs ont eu une incidence sur le sens de la décision, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, dès lors que l'étranger âgé de dix-huit ans et moins de deux mois qui ne remplit pas les conditions pour obtenir de plein droit un titre de séjour bénéficie de la protection contre l'éloignement résultant des dispositions de l'article
L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle bénéficiait également d'une telle protection dès lors qu'elle était mineure lors de son arrivée en France ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est entrée régulièrement en France, qu'elle y poursuit des études et qu'elle dispose de moyens d'existence suffisants ;
- la préfète a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 412-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " au motif qu'elle ne justifiait pas d'un visa de long séjour ; la décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation à cet égard ; en outre, elle est dispensée de la nécessité d'obtenir un visa de court séjour inférieur à trois mois pour entrer en France en application du règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- les décisions d'éloignement et fixant le pays de destination sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour. ;
- les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à son éloignement.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2024, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 750 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Kolia Gallier Kerjean a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante mauricienne née le 18 décembre 2004, est entrée en France le 2 février 2022 et a sollicité auprès des services de la préfecture de la Haute-Vienne, le 7 février 2023, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ". Par un arrêté du 1er juin 2023, la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 7 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, il est constant que Mme A... est entrée en France le 2 février 2022 à l'âge de 17 ans et que l'arrêté litigieux mentionne à tort qu'elle était âgée de 19 ans à cette date et qu'elle a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 18 ans. Toutefois, ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, ces mentions erronées constituent de simples erreurs de plume, l'arrêté mentionnant par ailleurs la date correcte de naissance de l'intéressée. Au surplus, contrairement à ce que soutient la requérante, les circonstances qu'elle était mineure à la date de son entrée en France et âgée de dix-huit ans et moins de deux mois à la date de sa demande de titre de séjour, n'étaient de nature à faire obstacle ni au refus de séjour qui lui a été opposé ni à son éloignement par la préfète de la Haute-Vienne.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". L'article L. 412-1 du même code prévoit : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. " Enfin, aux termes de l'article L. 412-3 du même code : " Par dérogation à l'article L. 412-1 l'autorité administrative peut, sans que soit exigée la production du visa de long séjour mentionné au même article, accorder les cartes de séjour suivantes : / 1° La carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " prévue à l'article L. 422-1 (...) ".
4. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, si la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " est subordonnée à une condition de présentation d'un visa de long séjour, le préfet peut, en vertu de son pouvoir de régularisation, dispenser l'étranger qui suit en France un enseignement ou y fait des études, en cas de nécessité liée au déroulement des études, de la présentation d'un visa long séjour dans certains cas particuliers, en tenant compte des motifs pour lesquels le visa de long séjour ne peut être présenté, du niveau de formation de l'intéressé, ainsi que des conséquences que présenterait un refus de séjour pour la suite de ses études.
5. D'une part, il ne ressort pas des termes de la décision de refus de séjour litigieuse, qui cite les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en particulier son deuxième alinéa, que la préfète de la Haute-Vienne aurait commis une erreur de droit en s'estimant dans l'impossibilité de délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " à Mme A... en raison de la seule circonstance, qui est constante, qu'elle ne disposait pas d'un visa de long séjour.
6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France à l'âge de 17 ans et qu'elle s'est inscrite pour l'année scolaire 2022 - 2023 en classe de seconde " animation, enfance et personnes âgées " dans un lycée professionnel et technique de Limoges. Si l'intéressée indique que ses études ne pourront être poursuivies dans son pays d'origine puisque la filière dans laquelle elle est inscrite n'existe pas à l'Ile Maurice, elle n'en justifie par aucune pièce. Dans ces conditions, il ne ressort des pièces du dossier aucune nécessité liée au déroulement des études, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article
L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, justifiant la délivrance d'un titre de séjour. Par ailleurs, Mme A... n'a pas suivi sa scolarité en France depuis l'âge de seize ans et ne poursuit pas d'études supérieures. Par suite, la préfète de la Haute-Vienne, qui n'a pas entaché la décision de refus de séjour d'un défaut d'examen particulier de la situation de Mme A..., a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées, refuser de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant ".
7. En troisième lieu, si Mme A... expose avoir rejoint en France son oncle qui vit à Limoges, elle ne fait état d'aucun autre lien privé ou familial qu'elle aurait noué sur le territoire national. Par ailleurs, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, il ne ressort des pièces du dossier aucune nécessité liée au déroulement de ses études de la poursuite de son séjour sur le territoire national. Dans ces conditions le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative :/ 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ".
9. Le préfet n'est tenu, en application des dispositions précitées, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, Mme A... n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un des titres de séjour qui sont énumérés par ces dispositions. Par suite, la préfète de la Haute-Vienne n'était pas tenue de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.
10. Aucun des moyens dirigés contre la décision de refus de séjour n'ayant été accueilli, les moyens tirés de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et détermination du pays de destination seraient dépourvues de base légale en raison de l'illégalité de cette décision ne peuvent qu'être écartés.
11. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. "
12. Mme A... n'étant pas mineure à la date d'édiction de l'arrêté attaqué, elle ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions. Il n'y a pas lieu, dans els circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande du préfet présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de la Haute-Vienne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
La rapporteure,
Kolia Gallier KerjeanLa présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24BX00699 2