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14/11/2024 | FRANCE | N°22BX02122

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 14 novembre 2024, 22BX02122


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 9 juillet 2020 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Libourne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 7 mars 2019, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n° 2005567 du 9 juin 2022, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juillet 2022 et le 7 février 2024,

Mme B..., représentée pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 9 juillet 2020 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Libourne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 7 mars 2019, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2005567 du 9 juin 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juillet 2022 et le 7 février 2024,

Mme B..., représentée par Me Baltazar, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 9 juillet 2020 ;

3°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Libourne de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 7 mars 2019 dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge " de l'Etat " la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a écarté le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée, qui se borne à mentionner une chronologie d'évènements sans indiquer les éléments de fait sur lesquels elle se fonde ;

- l'annonce brutale de la suppression de son emploi, inattendue, à l'occasion de l'entretien du 7 mars 2019, a été traumatisante et génératrice d'incertitude quant à son avenir professionnel ;

- alors qu'elle exerce ses fonctions sur le même poste avec dévouement depuis plus de vingt ans, les conditions dans lesquelles la suppression de son poste lui a été annoncée révèlent un fonctionnement anormal du service ;

- le tribunal s'est à tort référé à l'absence de circonstances particulières au sein de l'EHPAD susceptibles d'expliquer objectivement le développement de sa pathologie psychique, pour en conclure que l'évènement du 7 mars 2019 ne constituait pas un accident de service, alors que cette condition est exclusivement requise pour la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie professionnelle ;

- elle souffre d'un syndrome dépressif réactionnel majeur, consécutif à l'annonce de la suppression de son poste ; l'expert et la commission départementale de réforme ont reconnu l'existence d'un lien direct entre l'évènement du 7 mars 2019 et son état psychique ; en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'évènement du service, l'accident survenu le 7 mars 2019 présente le caractère d'un accident de service ;

- le tribunal s'est également placé à bon droit sur le terrain de la maladie professionnelle, c'est néanmoins à tort qu'il a écarté l'imputabilité au service de sa pathologie en estimant qu'elle n'avait pas été maltraitée ni n'avait reçu d'informations contradictoires concernant son repositionnement sur un autre poste, alors que le rapport rédigé par une représentante du personnel de la confédération générale du travail (CGT), qui l'avait assistée le 15 mai 2019 lors d'un entretien avec la directrice de l'établissement, démontre le contraire ;

- elle a postulé dès le 8 mars 2019 sur un poste en oncologie et radiothérapie suivant les directives du directeur des ressources humaines, mais la directrice de l'établissement a exprimé son mécontentement face à cette candidature, arguant que le service comptait sur sa présence jusqu'au 1er avril et l'obligeant à se désister ; cependant, le 27 mars, le directeur des ressources humaines lui a demandé de postuler sur un autre poste en diabétologie-endocrinologie ; ces directives contradictoires ont exacerbé son mal-être ;

- si la cour devait estimer que les contradictions dans les ordres donnés par la hiérarchie n'étaient pas suffisamment établies, il n'en reste pas moins qu'elle a été confrontée, pendant plusieurs mois, à une situation d'incertitude quant à son affectation professionnelle future, après que la suppression soudaine de son poste lui ait été annoncée, cette situation ayant contribué à la détérioration de son état psychique ;

- ce bouleversement dans ses conditions de travail, associé à la nécessité de postuler rapidement sur des postes vacants sans savoir quand elle pourrait quitter l'EHPAD, caractérise un contexte professionnel à risque, propice au déclenchement de troubles psychiques ;

- l'expert a précisé qu'elle souffre d'un " trouble de l'adaptation " directement lié à son environnement professionnel ; alors qu'elle ne présente aucun antécédent psychiatrique et qu'elle s'est toujours adaptée aux différents postes qu'elle a précédemment occupés, sa pathologie est imputable au service ;

- le centre hospitalier ne saurait sérieusement faire valoir que sa demande ne tendait pas à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie dès lors que sa déclaration faisait aussi état du harcèlement qui avait suivi l'annonce de son changement d'affectation ; il a d'ailleurs statué sur cette demande comme en matière de maladie.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 août 2023, le centre hospitalier de Libourne, représenté par Me Brocheton, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la cour ne pourra apprécier la légalité de la décision contestée qu'au regard de l'objet de la demande de Mme B..., qui tendait exclusivement à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 7 mars 2019 ;

- le moyen tiré du défaut de motivation est la reproduction littérale de celui présenté devant les premiers juges, et leur raisonnement n'est pas critiqué ; la critique de l'inintelligibilité de la décision contestée relève par ailleurs de la légalité interne ; la décision est en tout état de cause suffisamment motivée ;

- Mme B... n'établit, ni même n'allègue, que lors de l'entretien professionnel

du 7 mars 2019, le pouvoir hiérarchique aurait été exercé de manière abusive au point de revêtir un caractère traumatique ;

- la requérante a été informée à l'automne 2018 des modifications du poste qu'elle occupait ; lors de l'entretien du 7 mars 2019, il ne s'agissait pas de l'informer d'une suppression de son emploi mais simplement d'un changement d'affectation, ce qui constitue un évènement normal et ordinaire de la vie professionnelle ; la pathologie de l'intéressée trouve son origine dans sa personnalité.

Par une ordonnance du 22 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée

au 22 février 2024.

Un mémoire présenté pour le centre hospitalier de Libourne a été enregistré

le 26 juin 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lagarde, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., assistante médico-administrative, était affectée à la fondation Sabatié, EHPAD relevant du centre hospitalier de Libourne. Placée en congé de maladie ordinaire à compter du 20 mai 2019, elle a déclaré, le 24 mai 2019, un accident de service à raison d'un évènement survenu le 7 mars 2019. Par une décision du 10 juillet 2020, le directeur du centre hospitalier de Libourne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident puis a rejeté, le 4 septembre 2020, le recours gracieux formé par Mme B.... Celle-ci relève appel du jugement du 9 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions.

2. En premier lieu, la décision du 10 juillet 2020 énonce de manière précise le déroulement des entretiens au cours desquels Mme B... a été informée des changements à venir dans l'organisation des secrétariats médicaux, les démarches pour l'associer à un pôle puis, au regard de ses réticences, la décision de ne pas l'y affecter, souligne la date à laquelle elle a procédé le 24 mai 2019 à une déclaration d'accident de service survenu, selon elle, le 7 mars 2019, et critique le caractère non contradictoire des conclusions de l'expert et de la commission de réforme. Contrairement à ce que soutient la requérante, cette décision comporte ainsi les éléments de faits sur lesquels elle se fonde, et permet à l'intéressée d'en comprendre les motifs.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / (...)."

4. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Constitue un accident de service un évènement, quelle que soit sa nature, survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

5. Mme B... soutient que l'arrêt de travail dont elle a fait l'objet à compter

du 20 mai 2019 est en lien avec les conditions dans lesquelles elle a été informée de la suppression imminente de son poste à l'occasion de l'entretien s'étant tenu le 7 mars 2019 avec ses supérieurs hiérarchiques, M. E..., directeur des ressources humaines du centre hospitalier universitaire de Libourne, et Mme D..., directrice des EHPAD. Elle allègue que l'annonce de cette suppression été faite de manière " inopinée ", sans qu'elle ait été informée au préalable de l'objet de sa convocation et que le choc psychologique et la situation d'incertitude professionnelle qui en ont résulté sont à l'origine d'une dépression majeure ayant justifié son congé de maladie. Toutefois, les propos tenus par le directeur des ressources humaines, tels qu'ils sont indirectement rapportés par une représentante syndicale de l'établissement, qui ont consisté à exposer à l'intéressée les motifs pour lesquels la décision de supprimer son emploi avait été prise et à l'inviter à faire acte de candidature sur des emplois vacants au sein de l'établissement, n'ont pas excédé les limites normales de son pouvoir hiérarchique, notamment celui d'organisation du service. L'entretien litigieux ne caractérise au demeurant pas, dans les circonstances de l'espèce, un évènement soudain, Mme B... ayant déjà été avisée, au cours de l'automne 2018, de l'évolution de la situation à l'EHPAD, du fait du départ rapproché des médecins de l'établissement et de la décision de rattacher la gestion de son poste à la coordination des secrétariats médicaux. Une telle situation était ainsi susceptible de laisser présager de changements à venir, notamment en termes d'organisation de ses missions.

6. Enfin, si Mme B... fait également état, dans les suites de cet entretien, d'agissements qu'elle estime être constitutifs d'une situation de harcèlement moral, en raison de consignes contradictoires quant aux postes sur lesquels sa candidature était attendue, une telle argumentation, qui pourrait être présentée à l'appui d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, est inopérante au soutien de son moyen tiré de l'erreur d'appréciation dès lors qu'il ressort du formulaire de déclaration qu'elle a établi le 24 mai 2019 que sa demande transmise au centre hospitalier de Libourne tendait exclusivement à la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident survenu le 7 mars 2019, et non de celle d'une maladie professionnelle.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

8. Mme B..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Libourne à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Libourne au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au centre hospitalier de Libourne.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président,

Mme Catherine Girault, présidente de chambre,

M. Antoine Rives, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.

Le rapporteur,

Antoine A...

Le président,

Luc DerepasLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX02122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02122
Date de la décision : 14/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: M. Antoine RIVES
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : BALTAZAR

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-14;22bx02122 ?
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