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14/11/2024 | FRANCE | N°22BX01875

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 14 novembre 2024, 22BX01875


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... et Mme E... D... ont a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner solidairement la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique et son assureur, la société CNA Hardy, à leur verser une indemnité

de 10 519,57 euros en réparation du préjudice matériel subi du fait de l'abordage de leur voilier par une vedette de plaisance sur la zone de mouillage et d'équipements légers de Grande Anse

le 12 mars 2019.



Par un jugement n° 2100490 du 12 mai 2022, le tribunal a rejeté leur demande.



Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme E... D... ont a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner solidairement la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique et son assureur, la société CNA Hardy, à leur verser une indemnité

de 10 519,57 euros en réparation du préjudice matériel subi du fait de l'abordage de leur voilier par une vedette de plaisance sur la zone de mouillage et d'équipements légers de Grande Anse

le 12 mars 2019.

Par un jugement n° 2100490 du 12 mai 2022, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 juillet 2022 et un mémoire enregistré

le 12 décembre 2022, M. A... et Mme D..., représentés par Me Krebs, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner solidairement la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique et la société CNA Hardy, à leur verser une indemnité de 13 037,37 euros, ou à titre subsidiaire de 6 158,68 euros ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique et de la société CNA Hardy une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

- c'est à bon droit que le tribunal a retenu un défaut d'entretien normal du corps mort auquel était amarrée la vedette de plaisance " Triton ", qui a abordé leur navire, de nature à engager la responsabilité de la communauté de communes ;

- leur voilier " Rouille ma poule " n'était pas mouillé à l'ancre mais amarré à un bloc de béton, et était donc usager d'un ouvrage public constitué par les installations de la zone de mouillage et d'équipements légers de Grande Anse ;

- l'administration n'apporte aucune preuve de la notification des avis de passage invoqués, lesquels sont dépourvus de force probante dès lors qu'ils sont tous identiques, qu'il n'a pas été demandé aux anciens propriétaires du voilier de le déplacer hors de la zone mais seulement de ne plus mouiller à l'ancre, et que la dangerosité de la zone de mouillage, qui n'a été révélée que lors de l'expertise, n'était pas signalée ; c'est ainsi à tort que le tribunal a retenu une faute de la victime de nature à exonérer la communauté d'agglomération de toute responsabilité ; à titre subsidiaire, à supposer que les anciens propriétaires du " Rouille ma poule " aient commis une faute en le laissant stationner sur la zone de mouillage et d'équipements légers de Grande Anse, l'exonération de responsabilité ne pourrait être que partielle à hauteur de 50 % ;

- la responsabilité du propriétaire du " Triton ", fait d'un tiers, ne peut être utilement invoquée par la communauté d'agglomération ;

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

- la communauté d'agglomération n'a pas pris d'arrêté pour interdire le mouillage sur le site de la Grande Anse et n'a installé aucune signalisation informant les usagers sur les risques induits par la défectuosité des ouvrages publics restés en place ; alors qu'elle ne démontre pas avoir commissionné des agents publics assermentés pour faire constater des infractions, c'est à tort que le tribunal a jugé, en se fondant sur les seuls avis de passage, qu'elle aurait décidé d'interdire l'utilisation, même gratuite, des bouées d'amarrage en raison de leur dangerosité ; une telle interdiction ne saurait être déduite du rapport d'expertise qui fait référence aux déclarations du responsable de la zone de mouillage selon lesquelles le propriétaire du " Triton " aurait utilisé un corps mort non autorisé ; la responsabilité de la communauté d'agglomération pour carence fautive dans l'exercice de son pouvoir de police est ainsi engagée ;

- la communauté d'agglomération n'a pas davantage entrepris dans un délai raisonnable la réalisation des travaux de remise en état des ouvrages de la zone de mouillage et d'équipements légers de Grande Anse ;

En ce qui concerne le préjudice :

- ils ont fait établir le 13 juillet 2022 un devis qui actualise à 11 718 euros le coût des travaux, auquel il faut ajouter 1 319,37 euros pour la mise au sec et le stockage du navire " Rouille ma poule " ; ils ont droit à une indemnité correspondant au coût de réfection, de sorte qu'aucun coefficient de vétusté n'est applicable.

Par des mémoires en défense enregistrés le 7 octobre 2022 et le 28 décembre 2022, la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique, représentée par le cabinet Legal Consultant et Partners, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A... et Mme D... une somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que " les entiers dépens ".

Elles font valoir que :

- d'importants phénomènes d'électrolyse ont corrodé prématurément les dispositifs d'ancrage et de connexion des lignes de mouillage, ce qui a conduit la communauté d'agglomération à enlever les lignes de mouillage fin 2015 afin de garantir la sécurité des biens et des personnes ; tous les navires qui se maintenaient sur le plan d'eau, à l'ancre, sur corps mort privatif ou amarrés par le fond sur les socles restants, étaient en infraction au regard du règlement de police ; le mouillage à Grande Anse était irrégulier, et l'ancien propriétaire du voilier " Rouille ma poule " en avait été averti par 7 avis de passage ; alors que le service proposé dans une zone de mouillage est un amarrage à flot par lequel l'usager récupère la bouée de surface, l'amarrage à un bloc de béton invoqué par les requérants, impliquant une plongée pour récupérer les éléments immergés, était irrégulier ; alors que les anciens propriétaires du " Rouille ma poule ", aux droits desquels viennent les requérants, n'ignoraient pas le risque d'une rupture d'amarrage, il leur appartenait d'amarrer leur navire dans une autre zone, dotée d'équipements d'amarrage disponibles et accessibles ; ils reconnaissent l'avoir amarré à un bloc de béton par 7 à 8 mètres de fond, ce qui est dangereux et ne correspond en rien aux instructions de déplacement de la communauté d'agglomération ; leur imprudence est ainsi de nature à exonérer la communauté d'agglomération de toute responsabilité ;

- le fait générateur du dommage n'est pas la rupture d'amarrage du " Rouille ma poule " mais du " Triton ", lequel avait déjà heurté un navire le 18 février 2019, de sorte que son propriétaire avait connaissance du risque encouru ; le " Triton " était irrégulièrement amarré à un dispositif personnel défectueux, et non à un équipement de la communauté d'agglomération ; c'est ainsi son propriétaire, et non la communauté d'agglomération, qui est à l'origine du dommage et doit en supporter l'indemnisation en application de l'article L. 5131-3 du code des transports ;

- elle n'a pas été mise à même de constater les dommages ; la demande indemnitaire est excessive dès lors que le coût des réparations, qui représente 87,6 % du prix d'achat du " Rouille ma poule ", âgé de 29 ans à la date de la réclamation, ne tient pas compte d'un coefficient de vétusté, que l'expert a choisi sans explications le devis le plus élevé, et que les dégâts causés par une embarcation en plastique très légère sur une lourde unité en acier ne peuvent être que superficiels.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Krebs, représentant M. A... et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 mars 2019 dans la matinée, alors qu'il était amarré dans la zone de mouillage

et d'équipements légers de Grande Anse, sur le territoire de la commune des Anses d'Arlet,

le voilier " Rouille ma poule " a été abordé par la vedette de plaisance " Triton " qui dérivait,

et les chocs ont endommagé la peinture de sa coque bâbord. M. A... et Mme D..., qui ont acquis le " Rouille ma poule " le 23 avril 2019 et ont repris l'ensemble des droits et obligations attachés à la propriété du voilier au moment de son acquisition, ont sollicité de leur assureur une expertise amiable, dont le rapport a conclu que le propriétaire du " Triton " était responsable de l'abordage fautif, mais que cette situation avait pu se produire du fait que le gestionnaire de la zone de mouillage laissait les plaisanciers utiliser les corps morts, lesquels n'étaient plus loués car dangereux. Par une réclamation du 26 avril 2021, M. A... a demandé au président

de la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique de lui verser une somme

de 10 519,57 euros correspondant au coût des travaux évalués par l'expert. En l'absence de réponse, M. A... et Mme D... ont saisi le tribunal administratif de la Martinique

d'une demande de condamnation solidaire de la communauté d'agglomération de l'Espace

Sud Martinique et de son assureur, la société CNA Hardy, à leur verser une indemnité

de 10 519,57 euros. Ils relèvent appel du jugement du 12 mai 2022 par lequel le tribunal a rejeté leur demande et actualisent leur demande indemnitaire à 13 037,37 euros.

Sur la responsabilité pour dommage de travaux publics :

2. Il résulte de l'instruction que les dispositifs d'ancrage de la zone de mouillage et d'équipements légers de Grande Anse, ouverte en janvier 2013, ont rapidement présenté une importante corrosion, ce qui a conduit la communauté d'agglomération à procéder à la fin de l'année 2015 à l'enlèvement des lignes de mouillage et des bouées d'amarrage, ne laissant subsister que des corps morts au fond de l'eau. Le " Triton ", qui était amarré le 11 mars 2019 sur la zone de mouillage et d'équipements légers de Grande Anse par un dispositif installé par son propriétaire sur un corps mort, s'est détaché dans la soirée du fait de la rupture de l'œil de fixation de la bouée d'amarrage et a commencé à dériver. Un plaisancier alerté vers 23 heures par des riverains s'est rendu sur le bateau et a jeté l'ancre afin de l'immobiliser, mais l'ancrage a cédé un peu plus tard, la chaîne étant trop courte, et le " Triton ", reprenant sa dérive, est venu heurter le " Rouille ma poule ". Si le " Triton " était initialement amarré à un corps mort ayant la qualité d'ouvrage public, sa dérive n'est pas imputable à cet ouvrage dont la fixation ne s'est pas rompue, mais à la défectuosité de la bouée faisant partie du dispositif privé d'amarrage mis en place par le propriétaire du bateau. Par suite, la responsabilité de la communauté d'agglomération n'est pas engagée sur le fondement d'un dommage de travaux publics.

Sur la responsabilité pour faute :

3. Il résulte de l'instruction, notamment des déclarations du responsable de la zone de mouillage de Grande Anse lors de l'expertise amiable, que les corps morts, considérés comme dangereux en raison de la fragilité de leurs moyens de fixation sur les fonds, qui n'étaient plus loués depuis l'enlèvement des lignes de mouillage et des bouées d'amarrage, ne devaient pas être utilisés par les plaisanciers, même à titre gratuit, et que le " Triton " avait déjà été à l'origine d'un incident similaire, ce qui avait donné lieu à un procès-verbal. Le propriétaire du " Triton " ne pouvait donc ignorer que l'amarrage sur le corps mort n'était pas autorisé. Les anciens propriétaires du " Rouille ma poule ", qui avaient été invités, par six avis de passage

des 17 janvier, 18 janvier, 26 mai, 7 juin et 29 août 2017 et 29 août 2018, à déplacer sans délai leur navire amarré à l'ancre en méconnaissance du règlement de police des zones de mouillage, ne pouvaient davantage s'estimer autorisés à utiliser les corps morts, comme l'a d'ailleurs admis M. A... en indiquant dans sa réclamation préalable que la communauté d'agglomération, après avoir retiré les lignes de mouillage et les bouées d'amarrage, " tentait d'interdire aux usagers démunis de s'amarrer aux corps morts demeurés sous l'eau ". L'accident survenu

le 12 mars 2019 dans la zone de Grande Anse qui n'avait plus à être utilisée par les plaisanciers, que ce soit pour un amarrage à l'ancre ou sur les corps morts, ne saurait donc être imputé ni à une absence de réglementation pour y interdire le mouillage, ni à une absence de signalisation de la dangerosité d'une utilisation des corps morts, alors au demeurant que le dommage est sans lien avec la défectuosité d'un corps mort.

4. Pour regrettable qu'elle soit, la circonstance que les ouvrages de la zone de mouillage et d'équipements légers de Grande Anse se sont trouvés indisponibles durant plusieurs années ne justifiait pas un mouillage non autorisé du " Rouille ma poule " dans cette zone. Le retard pris par la communauté d'agglomération dans la réalisation des travaux de réfection de la zone de mouillage ne peut donc être utilement invoqué.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et Mme D... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leur demande.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

6. M. A... et Mme D..., qui sont la partie perdante, ne sont pas fondés à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à leur charge une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... et Mme D... est rejetée.

Article 2 : M. A... et Mme D... verseront à la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et Mme E... D..., à la communauté d'agglomération de l'Espace Sud Martinique et à la société CNA Hardy.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Catherine Girault, présidente de chambre,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.

La rapporteure,

Anne B...

Le président,

Luc DerepasLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX01875


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01875
Date de la décision : 14/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : KREBS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-14;22bx01875 ?
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