Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'agriculture a implicitement rejeté son recours gracieux reçu le 6 décembre 2020 aux fins d'obtenir une réévaluation de sa situation administrative et une reconstitution de sa carrière et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices ayant résulté des fautes commises dans la gestion de sa carrière en qualité d'agent non-titulaire.
Par un jugement n°2000930 du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2022, M. A..., représenté par Me Saint-Martin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 avril 2022 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a rejeté ses conclusions en annulation ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du ministre de l'agriculture et de l'alimentation ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de régulariser sa situation administrative dans un délai de trente jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision attaquée était une décision confirmative, dès lors qu'il ne conteste pas la décision de reclassement de 2010 mais le refus qui a été opposé à sa demande de régularisation de sa situation, qui est fondée sur une cause juridique nouvelle de rétablissement de la légalité ; en outre, sa situation a changé dès lors qu'il a bénéficié d'un avancement d'échelon ;
- les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article 7 du décret du 23 décembre 2006 ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 7 du décret du 23 décembre 2006, dès lors qu'il aurait dû bénéficier d'une reprise d'ancienneté de la moitié de ses services en qualité de contractuel ;
- elle méconnaît le principe d'égalité de traitement entre les fonctionnaires.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 avril 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance qu'il verse au dossier.
Par une ordonnance du 12 juin 2024, la clôture a été fixée au 3 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,
- les conclusions de M. Mickaël Kauffmann, rapporteur public,
- et les observations de Me Saint-Martin, représentant M. B... A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ancien officier de la Marine marchande, a été recruté, à partir du 1er septembre 2003, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée d'un an, pour exercer les fonctions d'enseignant au lycée maritime et aquacole de La Rochelle. Son contrat a été renouvelé à plusieurs reprises jusqu'au 31 août 2010. En 2010, M. A... a été admis au concours externe de professeur de lycée professionnel agricole et a été nommé par un arrêté ministériel du 6 août 2010, professeur de lycée professionnel agricole stagiaire à compter du 1er septembre 2010. Par un arrêté du 28 juin 2011, M. A... a été titularisé, à compter du 1er septembre 2011, en qualité de professeur de lycée professionnel agricole de classe normale et il a été classé au 5ème échelon, avec une ancienneté décomptée à partir du 1er mars 2008. Il a progressé dans sa carrière en tant que titulaire jusqu'à accéder, au choix, à l'échelon 8, à compter du 1er mars 2017. Par une lettre du 3 décembre 2019, reçue le 6 décembre 2019, adressée au directeur du lycée d'enseignement maritime et aquacole de La Rochelle et transmise au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, M. A... a contesté les conditions de reprise de sa carrière professionnelle antérieure à sa titularisation et a demandé la prise en compte des années d'exercice en qualité de contractuel, de son expérience comme officier de la Marine marchande et des brevets de capitaine de la navigation maritime et de patron de plaisance qu'il détient. Le silence gardé par l'administration pendant plus de deux mois a fait naitre une décision implicite de rejet le 6 février 2020. M. A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler cette décision et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison d'une gestion fautive de sa situation en tant qu'agent contractuel. M. A... relève appel du jugement du 29 avril 2022, par lequel le tribunal a rejeté ses demandes, en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du ministre.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
3. Une deuxième décision dont l'objet est le même que la première revêt un caractère confirmatif, dès lors que ne s'est produit entre temps aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait de nature à emporter des conséquences sur l'appréciation des droits ou prétentions en litige.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment des écritures de M. A... et des courriers qu'il a adressés à l'administration, qu'à la suite de sa réussite au concours externe des professeurs de lycées professionnels agricoles, l'intéressé a reçu une notification de situation administrative, datée du 6 août 2010, lui indiquant qu'il était reclassé au 1er septembre 2010 à l'échelon 5, indice brut 510, indice majoré 439 avec une ancienneté dans l'échelon au 1er mars 2009, accompagnée d'un document récapitulant les modalités de prise en compte d'une ancienneté de six ans ayant conduit à ce classement. Il a ensuite reçu un second courrier, daté du 17 février 2011, le classant à compter du 1er septembre 2010, à l'échelon 5, indice brut 529, indice majoré 453, avec une ancienneté dans l'échelon au 1er mars 2008 résultant d'une reprise d'ancienneté portée à sept ans, accompagné également d'un tableau récapitulatif des modalités de reprise d'ancienneté. Enfin, il a été destinataire d'une notification de situation administrative, datée du 28 juin 2011, concernant sa situation à compter du 1er septembre 2011, date de sa titularisation dans le corps des professeurs de lycée professionnel agricole classe normale avec une date d'ancienneté dans le corps et le grade fixée au 1er septembre 2010 l'informant de son classement à l'échelon 5, indice brut 529, indice majoré 453 avec une ancienneté dans l'échelon au 1er mars 2008. Ainsi, M. A... ne conteste pas avoir eu connaissance de l'ensemble de ces décisions au plus tard le 1er septembre 2011, ainsi que l'alléguait l'administration en défense devant le tribunal. Dès lors, en l'absence de toute circonstance particulière de nature à justifier qu'il n'ait pas pu présenter de contestation dans le délai raisonnable d'un an suivant cette prise de connaissance, ces décisions étaient devenues définitives à la date de sa demande du 3 décembre 2019.
5. D'autre part, contrairement à ce que M. A... soutient, le refus implicite du 6 février 2020 opposé à sa demande du 3 décembre 2019 portant contestation des conditions dans lesquelles est intervenu son reclassement lors de sa titularisation, a le même objet que les décisions de 2010 et 2011 procédant audit reclassement. L'avancement d'échelon dont il se prévaut, qui constitue le déroulement normal de la carrière d'un fonctionnaire, ne constitue pas un changement de circonstance de fait ou de droit de nature à emporter des conséquences sur l'appréciation des conditions dans lesquelles est intervenu son reclassement. Il en est de même des circonstances qu'il n'aurait pris conscience d'une éventuelle erreur dans la gestion de sa situation que tardivement, en 2019, à l'occasion d'échanges avec un collègue qui aurait bénéficié d'un reclassement plus favorable et de la diffusion d'un courrier en date du 14 octobre 2019 des syndicats alertant le directeur des affaires maritimes sur les difficultés rencontrées dans la gestion des reclassements des anciens officiers, qui au regard de leur caractère très général ne sont pas de nature à établir qu'un changement de pratiques de l'administration serait intervenu depuis sa titularisation. Dans ces conditions, les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation de la décision implicite du 6 février 2020, qui est purement confirmative des décisions ayant fixé les modalités de son reclassement, sont irrecevables.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions en annulation. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 novembre 2024.
La rapporteure,
Béatrice Molina-Andréo, La présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22BX01736 2