Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté en date du 21 octobre 2023 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, d'autre part, l'arrêté du 21 octobre 2023 par lequel le préfet de la Gironde l'a assigné à résidence dans le département de la Gironde pour une durée de 45 jours.
Par un jugement n° 2305834 du 26 octobre 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 avril 2024, M. B..., représenté par Me Lanne, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2305834 du tribunal administratif de Bordeaux du 26 octobre 2023 ;
2°) d'annuler, d'une part, l'arrêté en date du 21 octobre 2023 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, d'autre part, l'arrêté du 21 octobre 2023 par lequel le préfet de la Gironde l'a assigné à résidence dans le département de la Gironde pour une durée de 45 jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de prendre sans délai toute mesure propre à mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen et toute mesure propre à mettre fin à son inscription au fichier des personnes recherchées ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative avec application du bénéfice des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique au profit de Me Lanne.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de toute base légale, en violation des dispositions de l'article L. 611-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'arrêt du 7 novembre 2023 de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui annule la décision de la préfète de la Gironde du 27 octobre 2021 portant retrait de sa carte de séjour a eu pour effet de le placer en situation régulière sur le territoire français à la date de l'arrêté attaqué ;
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle est illégale car le préfet de la Gironde n'établit pas le risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français, en méconnaissance de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision est illégale dès lors qu'elle est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- elle est illégale dès lors que l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'autorise l'administration à édicter une interdiction de retour que si un délai de départ n'a pas été accordé à l'étranger, le refus de délai de départ volontaire étant en l'espèce illégal ;
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant assignation à résidence :
- la décision contestée est illégale dès lors qu'elle est fondée sur les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour pour une durée de trois ans elles-mêmes illégales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les coordonnées de l'interprète et la langue utilisée ne sont pas mentionnées dans l'arrêté, ce qui ne permet pas de vérifier la régularité de la notification ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par ordonnance du 6 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 1er octobre 2024 à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du 5 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Nicolas Normand a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan né en 1990, s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire le 27 septembre 2016 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). L'OFPRA a mis fin au bénéfice de sa protection subsidiaire le 31 août 2021. Par une décision du 27 octobre 2021, la préfète de la Gironde a procédé au retrait de la carte de séjour pluriannuelle de M. B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par un arrêté du 21 octobre 2023, le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, et par un autre arrêté du même jour, le préfet de la Gironde l'a assigné à résidence dans le département de la Gironde pour une durée de 45 jours. M. B... relève appel du jugement du 26 octobre 2023 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 21 octobre 2023.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 424-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " bénéficiaire de la protection subsidiaire " d'une durée maximale de quatre ans. Cette carte est délivrée dès la première admission au séjour de l'étranger ". L'article L. 424-15 du même code dispose que : " Lorsqu'il est mis fin au bénéfice de la protection subsidiaire par décision définitive de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par décision de justice (...), la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 424-9 et L. 424-11 est retirée. (...) La carte de séjour pluriannuelle ne peut être retirée en application du premier alinéa quand l'étranger est en situation régulière depuis au moins cinq ans ". L'article L. 611-3 du même code dispose que : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; ".
3. Il résulte de l'instruction que par un arrêt n° 22BX02713 du 7 novembre 2023 devenu définitif, intervenu après le jugement attaqué, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé l'arrêté du 27 octobre 2021 par lequel la préfète de la Gironde avait retiré la carte de séjour précédemment délivrée à M. B... et lui avait fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours avec une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Il suit de là, qu'à la date du 21 octobre 2023 à laquelle le préfet de la Gironde a de nouveau obligé M. B... à quitter le territoire français, eu égard à l'effet rétroactif de l'annulation prononcée par l'arrêt du 7 novembre 2023, celui-ci résidait régulièrement en France sous couvert d'une carte de séjour temporaire valable du 22 septembre 2017 au 21 septembre 2018, renouvelée jusqu'au 29 mars 2025. L'arrêté attaqué du préfet de la Gironde qui oblige M. B... à quitter le territoire français sans délai sur le fondement de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est donc entaché d'une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Il y a lieu d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai contenue dans l'arrêté du préfet de la Gironde du 21 octobre 2023 et, par voie de conséquence, les décisions fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans et l'arrêté du même jour assignant le requérant à résidence dans le département de la Gironde pour une durée de 45 jours.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour
des étrangers en France et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (UE) n° 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n° 1987/2006. Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. ". Aux termes de l'article R. 613-7 du même code : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, aux cas d'extinction du motif d'inscription dans ce traitement. ". Aux termes de l'article 7 du décret du 28 mai 2010 : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas (...) d'extinction du motif de l'inscription. (...) ".
6. Le présent arrêt, qui annule la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, implique l'effacement du signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de mettre en œuvre la procédure d'effacement de ce signalement dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. Lanne, avocat de M. B..., d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2305834 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux du 26 octobre 2023 est annulé.
Article 2 : Les arrêtés du 21 octobre 2023 du préfet de la Gironde sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de faire procéder à l'effacement des informations concernant l'interdiction de retour sur le territoire français de M. B... dans le système d'information Schengen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Lanne, avocat de M. B..., la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
Le rapporteur,
Nicolas Normand
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01026