La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2024 | FRANCE | N°24BX00927

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 05 novembre 2024, 24BX00927


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2024 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée de trois ans et, enfin, a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2400527 du 12 mars 2024, la magistrate d

ésignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2024 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée de trois ans et, enfin, a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2400527 du 12 mars 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2024, M. A..., représenté par Me Hasan, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 mars 2024 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 18 janvier 2024 ;

4°) de mettre à la charge de l'État et au bénéfice de Me Hasan une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier au motif que la magistrate désignée n'a pas répondu au moyen qu'il soulevait, tiré de ce que le préfet, en omettant de prendre en compte le fait qu'il était en situation de solliciter un titre de séjour en qualité de salarié, n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- le jugement n'est pas fondé :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- le préfet, qui a omis de prendre en compte le fait qu'il était en mesure de demander la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfants français, n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ; en dépit du fait qu'à la date de l'arrêté attaqué, il n'avait pas vu ses enfants depuis un an, il contribue financièrement à leur éducation ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour en France :

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en lui interdisant de revenir en France durant trois ans alors qu'il est présent sur le territoire depuis dix ans et qu'il est le père de deux enfants français qu'il est empêché de voir du seul fait de leur mère.

Le préfet de la Gironde, auquel la requête a été régulièrement communiquée, n'a pas présenté d'observations.

Par une ordonnance du 10 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2024 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mai 2024.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Valérie Réaut a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant marocain né le 12 février 1987 à Boumaiz, a fait l'objet le 18 janvier 2024 d'un contrôle inopiné des agents de la Mutualité sociale agricole et d'un inspecteur de la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités alors qu'il travaillait sur une parcelle de vigne à Jau-Dignac-et-Loirac. A la suite de son audition, constatant qu'il ne disposait d'aucun droit au séjour en France, le préfet de la Gironde, par un arrêté du même jour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 12 mars 2024 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 18 janvier 2024.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Il ressort des pièces du dossier que par une décision du 28 mai 2024, la présidente du bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. A... le bénéfice de cette aide pour la présente instance. Par suite, les conclusions tendant à ce que la cour lui accorde une telle aide à titre provisoire ont perdu leur objet. Il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort de la procédure de première instance qu'au soutien de sa demande tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement, M. A... a soulevé le moyen tiré de ce que le préfet de la Gironde n'avait pas préalablement procédé à un examen réel et sérieux de sa situation, en faisant valoir plusieurs arguments dont celui tiré de ce qu'il était en situation d'obtenir un titre de séjour en qualité de parent d'enfants français. La magistrate désignée, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments dont le requérant s'est prévalu au soutien de ce moyen, sur lequel elle a statué au point 5 de son jugement, n'a pas entaché celui-ci d'irrégularité en n'écartant pas explicitement cet argument.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

4. En premier lieu, à l'appui du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le jugement attaqué à ce moyen. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif pertinemment retenu par la magistrate déléguée.

5. En deuxième lieu, l'arrêté en litige a pour objet d'éloigner M. A... du territoire français et de lui interdire tout retour pendant une durée de trois ans. Pour prendre ces décisions, le préfet de la Gironde a retenu, au vu des informations recueillies lors de l'audition de M. A... et transcrites dans un procès-verbal du 18 janvier 2024, que celui-ci s'était maintenu en situation irrégulière en France à l'expiration de la période de validité de son titre de séjour pluriannuel qui avait expiré le 3 novembre 2022 et dont il n'avait pas demandé le renouvellement à quelque titre que ce soit, notamment pas en qualité de salarié, et qu'il ne vivait plus avec ses enfants français et leur mère depuis plus d'un an. Le préfet a ainsi pris en considération, de manière réelle et sérieuse, la situation particulière de M. A....

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... dit être présent en France depuis 2014, il n'apporte aucun élément l'établissant tout comme il n'établit pas la présence régulière de son frère et de ses sœurs sur le territoire national, dont il se prévaut pour établir l'existence de liens familiaux et stables. Par ailleurs, il ne justifie pas participer, dans les conditions prévues à l'article L. 371-2 du code civil, à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants nés en France, avec lesquels il n'avait plus de lien depuis plus d'un an à la date de l'arrêté en litige. A ce titre, s'il fait valoir pour la première fois en appel qu'il a participé à leur éducation, cette allégation n'est aucunement étayée. Enfin, M. A... est le père d'une fille ainée qui vit au Maroc, où elle est née d'une première union. Dans ces conditions, alors que le requérant ne justifie pas de la stabilité ni de l'intensité de liens privés et familiaux en France, le préfet de la Gironde n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'interdiction de retour en France :

8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". L'article L. 612-10 du même code précise que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

10. Pour interdire à M. A..., soumis à une mesure d'éloignement sans délai de départ volontaire, tout retour sur le territoire national pendant trois ans, le préfet de la Gironde a retenu qu'il vivait en France sans revenus légaux, qu'il ne justifiait pas de l'ancienneté et de l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France et qu'il était défavorablement connu des services de police pour des faits de violence à l'égard d'une personne étant ou ayant été partenaire ou concubin. Le requérant ne conteste pas sérieusement ces éléments et, comme il a été dit au point 7, ne justifie pas de la durée de sa présence en France ni des liens qu'il entretient avec ses enfants français. Dans ces conditions, quand bien même M. A... n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, le préfet, en prenant cette mesure, n'a ni méconnu les dispositions précitées, ni entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 18 janvier 2024.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761 1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instante, la somme que le conseil de M. A... demande, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, présidente-assesseure,

Mme Valérie Réaut, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 novembre 2024.

La rapporteure,

Valérie Réaut

Le président,

Laurent PougetLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°24BX00927 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX00927
Date de la décision : 05/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Valérie RÉAUT
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : HASAN ZINEB

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-05;24bx00927 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award