La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2024 | FRANCE | N°24BX00790

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 05 novembre 2024, 24BX00790


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Gironde sur sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de " conjoint d'européen ".



Par une ordonnance n° 2400262 du 22 mars 2024, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.



Procédure devant la Cour :

>
Par une requête enregistrée le 2 avril 2024, M. B..., représenté par Me Landète, demande à la Cour :



1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Gironde sur sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de " conjoint d'européen ".

Par une ordonnance n° 2400262 du 22 mars 2024, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 avril 2024, M. B..., représenté par Me Landète, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance de la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux du 22 mars 2024 ;

2°) d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le préfet de la Gironde sur sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de " conjoint d'européen " ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Landète sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi sur l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée constatant l'irrecevabilité manifeste de la requête est irrégulière dans la mesure où il a adressé au tribunal un inventaire détaillé des pièces produites regroupées en lots constituant des séries homogènes conformément à l'alinéa 5 de l'article R. 414-5 du code de justice administrative ; au surplus, le non-respect de cette formalité n'est pas sanctionné par le rejet de la requête pour irrecevabilité mais par l'irrecevabilité des pièces irrégulièrement transmises ; cet article ne peut avoir pour effet de mettre à la charge du justiciable et de son conseil de produire chacune des pièces par fichier distinct, sauf à porter une atteinte grave au droit d'accès à la justice ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation dès lors qu'il remplit les conditions pour obtenir le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 233 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Une demande d'aide juridictionnelle présentée pour M. B... a été enregistrée par le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux le 28 octobre 2024.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

On été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Réaut,

- et les observations de Me Guérin, substituant Me Landète, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Gironde sur sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de " conjoint d'européen ". M. B... relève appel de l'ordonnance du 22 mars 2024 par laquelle la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable.

Sur la demande tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Une demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été enregistrée par le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux le 28 octobre 2024, sans que son président ait statué sur cette demande à la date du présent arrêt. Il y a donc lieu, dans ces circonstances, d'accorder à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, dans l'attende de la décision de cette autorité.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7 "

4. D'autre part, l'article R. 412-2 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. Sauf lorsque leur nombre, leur volume ou leurs caractéristiques y font obstacle, ces pièces sont accompagnées d'une copie. Ces obligations sont prescrites aux parties sous peine de voir leurs pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. / L'inventaire détaillé présente, de manière exhaustive, les pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite.". L'article R. 414-1 du même code dispose que : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat, (...) la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. La même obligation est applicable aux autres mémoires du requérant (...)". L'article R. 414-3 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur ajoute que : " (...) / Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. / Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête. / Les mêmes obligations sont applicables aux autres mémoires du requérant, sous peine pour celui-ci, après invitation à régulariser non suivie d'effet, de voir ses écritures écartées des débats. (...) ". Et aux termes de l'article R. 414-5 de ce code : " Le requérant transmet chaque pièce par un fichier distinct, à peine d'irrecevabilité de sa requête (...) Par dérogation aux dispositions des deuxième et troisième alinéas, lorsque le requérant entend transmettre un nombre important de pièces jointes constituant une série homogène eu égard à l'objet du litige, il peut les regrouper dans un ou plusieurs fichiers (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions, qui organisent la transmission par voie électronique des pièces jointes à la requête, que chacune d'elles doit être transmise par un fichier distinct. Toutefois, ces pièces peuvent, à titre dérogatoire, être regroupées au sein d'un même fichier lorsqu'un nombre important d'entre elles constitue une série homogène. En cas de méconnaissance de cette règle, la requête est irrecevable si le requérant n'a pas donné suite à l'invitation à régulariser que la juridiction doit, en ce cas, lui adresser par un courrier lui indiquant précisément les modalités de régularisation de la requête.

6. Il ressort des pièces du dossier que la demande de première instance de M. B... a été déposée au greffe du tribunal administratif de Bordeaux par son conseil au moyen de l'application Télérecours. Il a produit à l'appui de celle-ci 136 pages de pièces réparties dans six fichiers distincts non inventoriés. La présidente de la formation de jugement lui a adressé, par courrier du 2 février 2024 réceptionné le 9 février 2024, une invitation à régulariser sa requête par la production d'un fichier distinct pour chacune des pièces jointes, rappelant en outre que ces pièces devaient faire l'objet d'un inventaire détaillé.

7. En réponse à l'invitation à régulariser, le conseil de M. B... a produit le 4 mars 2024 un nouveau bordereau des pièces jointes regroupant celles-ci dans les six mêmes fichiers thématiques, y ajoutant un inventaire détaillé de celle-ci. Les pièces, regroupées dans des fichiers respectivement intitulés " Procédure ", " Etat civil et titres de séjour ", " pièces professionnelles ", " pièces relatives à l'hébergement ", " pièces médicales ", soit présentent un lien logique entre elles et en rapport avec le thème du fichier, soit sont de même nature. Dès lors, elles constituent des séries homogènes au sens et pour l'application de l'article R. 414-5 du code de justice administrative, permettant à titre dérogatoire de ne pas répertorier chacune d'elle par un signet. M. B... est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a estimé que sa demande n'avait pas été régularisée et l'a rejetée pour ce motif comme manifestement irrecevable par application du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

8. Par suite, il y lieu d'annuler cette ordonnance, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de première instance de M. B....

9. La décision refusant la délivrance d'un titre de séjour constitue une mesure de police devant être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. L'article L. 232-4 de ce code dispose que : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. [...] ". En l'absence de communication de ces motifs, la décision implicite est entachée d'illégalité.

10. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un dysfonctionnement du site internet de la préfecture de la Gironde, M. B... a fait parvenir son dossier de demande de délivrance d'un titre de séjour par un courrier du 12 juillet 2023 envoyé par lettre recommandée dont les services préfectoraux ont accusé réception le 17 juillet 2023. En vertu des articles R. 432-1 et R. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le silence gardé par le préfet de la Gironde sur cette demande de titre de séjour durant quatre mois a donné naissance à une décision implicite de rejet le 17 novembre 2023. M. B... a adressé au préfet, par courrier du 17 novembre 2023 reçu le 23 novembre 2023, une demande de communication des motifs de cette décision implicite de rejet qui est restée sans réponse. Dans ces conditions, la décision implicite du préfet de la Gironde rejetant la demande de titre de séjour de l'intéressé, qui n'est pas motivée, est illégale.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus après examen de l'ensemble des moyens présentés au soutien de la demande dont M. B... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux, le présent arrêt implique seulement que le préfet de la Gironde procède au réexamen de la demande de titre de séjour de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'aide juridictionnelle est accordée à titre provisoire à M. B....

Article 2 : L'ordonnance de la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux du 22 mars 2024 est annulée.

Article 3 : La décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Gironde sur la demande de titre de séjour présentée par M. B... est annulée.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de procéder au réexamen de la demande de délivrance d'un titre de séjour de M. B... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 5 : Une somme de 1 200 euros est mise à la charge de l'Etat à verser à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président de chambre,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

Mme Valérie Réaut, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.

La rapporteure,

Valérie Réaut

Le président,

Laurent Pouget

Le greffier

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX00790


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX00790
Date de la décision : 05/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Valérie RÉAUT
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : LANDETE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-05;24bx00790 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award