Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mmes C... B... et Martine Valentin ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2019 par lequel le préfet de la Dordogne a accordé à M. D... un permis d'aménager en vue de régulariser l'existence du circuit de motocross à usage privé qu'il a aménagé en 2014 sur les parcelles cadastrées section AI n° 81 et n° 88 du territoire de la commune de Saint-Jory-Las-Bloux, ainsi que la décision portant rejet implicite du recours gracieux formé à l'encontre de cette autorisation.
Par jugement n° 2002450 du 31 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 décembre 2022, M. D..., représenté par Me Bertrandon, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 octobre 2022 ;
2°) de rejeter la requête de Mmes B... et Valentin ;
3°) de mettre à la charge de Mmes B... et Valentin une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dans la mesure où la demande était irrecevable du fait de sa tardiveté et de l'absence d'intérêt à agir de Mmes B... et Valentin ;
- le jugement d'annulation n'est pas fondé ; l'arrêté du 17 janvier 2017 par lequel le maire avait précédemment refusé de lui accorder un permis d'aménager était fondé sur deux motifs qui ont été jugés irréguliers ; en exécution de l'annulation prononcée, le tribunal a enjoint à l'autorité compétente d'instruire à nouveau la demande de permis de construire ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le préfet de la Dordogne s'est prononcé en toute connaissance de cause ; il a disposé de l'ensemble des pièces du dossier conformément aux exigences posées par les articles R. 441-2 et suivants du code de l'urbanisme ; l'emprise du terrain de motocross a été réduite aux parcelles non boisées cadastrées section AI n° 88 et n° 81, de sorte qu'aucune autorisation de défricher n'était nécessaire ; sa demande de permis d'aménager n'était pas soumise à l'avis préalable de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers dès lors que les parcelles concernées sont en état de pré et ne peuvent être qualifiées de parcelles agricoles ; le rapport de l'expert en acoustique atteste que le niveau sonore mesuré en période d'activité maximale est inférieur au seuil réglementaire.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2024, Mmes B... et Valentin, représentées par Me Lafond, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le jugement n'est pas irrégulier car leur demande de première instance n'était pas tardive et elles justifient bien d'un intérêt à agir contre le permis d'aménager ;
- le motif d'annulation retenu par les premiers juges est fondé dans la mesure où le préfet a bien commis une erreur de droit en s'estimant, à tort, lié par le sens du jugement ;
- subsidiairement, en cas d'annulation du jugement, elles reprennent les moyens soulevés en première instance ; le préfet de Dordogne était incompétent ; le dossier de demande de permis d'aménager était incomplet faute de comporter un plan d'ensemble du projet coté dans les trois dimensions ; l'avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers était requis en application des dispositions des articles L. 111-4 et L. 111-5 du code de l'urbanisme ; enfin, le projet, par les nuisances sonores qu'il induit, méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Vu :
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Réaut,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- et les observations de Me Lafond, représentant Mmes B... et Valentin.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 16 janvier 2017, le maire de Saint-Jory-Las-Bloux a refusé de délivrer à M. D... un permis d'aménager en vue de régulariser le circuit de motocross à usage privé qu'il a créé sans autorisation sur deux parcelles lui appartenant, cadastrées section AI n° 81 et n° 88. Par un jugement n° 1701085 du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté dont l'unique motif, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, a été jugé entaché d'erreurs de fait et d'appréciation. En exécution de ce jugement, le préfet de la Dordogne, se prononçant au nom de l'Etat sur le fondement du e) de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme, a délivré un permis d'aménager de régularisation à M. D... par un arrêté du 18 octobre 2019. Par un jugement n° 2002450 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux, à la demande de Mmes B... et Valentin, a annulé cette autorisation d'urbanisme ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux. M. D... relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté du 18 octobre 2019 :
2. Pour annuler l'arrêté du 18 octobre 2019 par lequel le préfet de la Dordogne a délivré à M. D... un permis d'aménager, le tribunal a jugé que le préfet avait commis une erreur de droit en s'estimant tenu de lui accorder l'autorisation d'urbanisme en exécution du jugement antérieur ayant annulé le refus précédemment opposé à la demande de permis d'aménager.
3. Aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. ".
4. Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n°1701085 du 23 octobre 2018 prononçant l'annulation du refus de permis d'aménager pour méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme était devenu définitif lorsque, en exécution de l'injonction de réexamen qui lui a été faite, le préfet de la Dordogne a accordé l'autorisation d'urbanisme litigieuse à M. D.... En visant ce jugement, le préfet s'est borné à rappeler l'autorité absolue de la chose jugée s'attachant à cette décision de justice irrévocable mais ne peut être regardé comme s'étant estimé tenu de délivrer l'autorisation d'urbanisme. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que des circonstances de fait ou de droit nouvelles auraient justifié qu'un refus soit à nouveau opposé en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Enfin, aucune disposition du code de l'urbanisme n'impose à l'autorité compétente d'exprimer explicitement les éléments retenus pour accorder une autorisation d'urbanisme. C'est donc sans erreur de droit que le préfet de la Dordogne a accordé le permis d'aménager de régularisation à M. D....
5. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur le motif tiré de ce que le préfet de la Dordogne se serait estimé tenu de délivrer le permis d'aménager pour annuler l'arrêté du 18 octobre 2019.
6. Il y a lieu toutefois, pour la cour, de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres moyens soulevés devant le tribunal et devant la cour par Mmes B... et Valentin.
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager (...) est : a) Le maire au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale (...) / b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes. /(...). ". L'article R. 422-2 du même code dispose que : " Le préfet est compétent pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable dans les communes visées au b de l'article L. 422-1 et dans les cas prévus par l'article L. 422-2 dans les hypothèses suivantes : (...) / e) En cas de désaccord entre le maire et le responsable du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction mentionné à l'article R. 423-16 ; / (...). ".
8. Il est constant que la commune de Saint-Jory-Las-Bioux n'est pas dotée d'un plan local d'urbanisme ni d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ni encore d'une carte communale. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que par un courriel du 14 décembre 2018, le maire de cette commune a fait part au préfet de la Dordogne de son désaccord avec lui sur le projet. Dans ces conditions, le préfet de la Dordogne était bien l'autorité compétente pour délivrer à M. D... le permis d'aménager, contrairement à ce que soutiennent Mmes B... et Valentin.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. ". L'article 111-4 du même code, dans la version applicable, dispose que " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : (...) / 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes ; (...) ". L'article 111-5 de ce code : " La construction de bâtiments nouveaux mentionnées au 1° de l'article L. 111-4 et les projets de constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés aux 2° et 3° du même article ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu'urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumis pour avis par l'autorité administrative compétente de l'Etat à la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. "
10. Il est constant que les deux parcelles formant le terrain d'assiette du circuit de motocross sont situées en dehors des parties urbanisées de la commune de Saint-Jory-Las-Bioux et que la création de cet aménagement a été autorisée au titre du 3° de l'article L. 111 4 du code de l'urbanisme. Il ressort des pièces du dossier que ce terrain d'assiette ne supportait aucune activité agricole et n'était pas à vocation agricole. La création du circuit de motocross à usage privé n'entraine ainsi aucune réduction de surfaces agricoles. La demande de permis d'aménager n'était dès lors pas soumise à l'avis obligatoire de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 441-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque les travaux projetés nécessitent une autorisation de défrichement en application des articles L. 341-1, L. 341-3 ou L. 214-13 du code forestier, la demande de permis d'aménager est complétée par la copie de la lettre par laquelle le préfet fait connaître au demandeur que son dossier de demande d'autorisation de défrichement est complet, si le défrichement est ou non soumis à reconnaissance de la situation et de l'état des terrains et si la demande doit ou non faire l'objet d'une enquête publique. "
12. Il ressort des pièces du dossier que M. D... avait initialement l'intention d'aménager le circuit de motocross sur un ensemble de parcelles dont plusieurs étaient soumises à une autorisation de défrichement. Toutefois, après une visite des lieux organisée en présence de l'administration le 2 août 2016, il a réduit le terrain d'assiette du circuit au périmètre des deux parcelles cadastrées section AI n° 81 et n° 88, lesquelles ne sont pas boisées. Il s'ensuit que le permis d'aménager en litige, qui porte sur l'unité foncière ainsi circonscrite, n'imposait aucune autorisation de défrichement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 441-7 du code de l'urbanisme est inopérant.
13. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 442-2 du code de l'urbanisme ; " Sont joints à la demande de permis d'aménager : a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; b) Le projet d'aménagement comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 441-3 et R. 441-4. ". L'article R. 441-4 de ce code dispose que : " Le projet d'aménagement comprend également : 1° Un plan de l'état actuel du terrain à aménager et de ses abords faisant apparaître les constructions et les plantations existantes, les équipements publics qui desservent le terrain, ainsi que, dans le cas où la demande ne concerne pas la totalité de l'unité foncière, la partie de celle-ci qui n'est pas incluse dans le projet d'aménagement ; / 2° Un plan coté dans les trois dimensions faisant apparaître la composition d'ensemble du projet et les plantations à conserver ou à créer. "
14. La circonstance que le dossier de demande d'une autorisation d'urbanisme ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation d'urbanisme qui a été accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
15. D'une part, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande du permis d'aménager au regard des exigences posées par l'article R. 442-3 du code de l'urbanisme n'est aucunement étayé. Par suite, il ne peut qu'être écarté.
16. D'autre part, si le dossier de demande ne comportait pas le plan du projet visé au 2° de l'article R. 441-4 du code de l'urbanisme, eu égard à la nature de l'aménagement en cause, qui ne comporte aucune construction et consiste en la régularisation du circuit de motocross existant, composé d'une piste en terre battue formant une boucle avec plusieurs circonvolutions, sans modification de la topographie du terrain, le service instructeur a pu apprécier l'étendue et la configuration du projet au vu des autres pièces composant le dossier de demande, notamment la notice décrivant avec précision les aménagements réalisés et la photographie aérienne montrant la composition d'ensemble du circuit. Dans ces conditions, l'omission entachant le dossier de demande de permis d'aménager n'a pas été de nature à fausser l'appréciation portée par l'administration sur la conformité du projet à la règlementation applicable.
17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance par M. D..., que celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision en litige.
Sur les frais liés à l'instance :
18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mmes B... et Valentin une somme de 1 000 euros à verser à M. D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que demandent au même titre Mmes B... et Valentin.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2002450 du tribunal administratif de Bordeaux du 17 octobre 2022 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... et Valentin devant le tribunal est rejetée.
Article 3 : Une somme de 1 000 euros est mise à la charge de Mmes B... et Valentin à verser à M. D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, à Mmes C... B... et Martine Valentin.
Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne et à la commune de Saint-Jory-Las-Bloux.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Valérie Réaut, première conseillère
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 novembre 2024.
La rapporteure,
Valérie Réaut
Le président,
Laurent PougetLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne à la ministre du logement et de la rénovation urbaine en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°22BX03096 2