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05/11/2024 | FRANCE | N°22BX02975

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 05 novembre 2024, 22BX02975


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner l'office national des forêts (ONF) à lui verser la somme de 41 166,28 euros bruts au titre de son manque à gagner résultant de l'absence de versement d'une sur-rémunération entre les mois de février 2016 et août 2020 inclus, avec intérêts à compter du 4 juin 2020 et capitalisation des intérêts.



Par un jugement n° 2000659 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de La R

éunion a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner l'office national des forêts (ONF) à lui verser la somme de 41 166,28 euros bruts au titre de son manque à gagner résultant de l'absence de versement d'une sur-rémunération entre les mois de février 2016 et août 2020 inclus, avec intérêts à compter du 4 juin 2020 et capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 2000659 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er décembre 2022, M. B..., représenté par Me Bracq, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 octobre 2022 du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) de condamner l'ONF à lui verser la somme de 41 166,28 euros bruts au titre du manque à gagner lié à l'absence de versement d'une sur-rémunération entre février 2016 et août 2020 inclus, somme à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir, avec intérêts à compter du 4 juin 2020 et capitalisation des intérêts ;

3°) d'enjoindre à l'ONF de régulariser sa situation pour l'avenir ;

4°) de mettre à la charge de l'ONF la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a omis de répondre au moyen tiré de l'absence d'indexation de sa rémunération ;

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'indique pas en quoi l'instruction du 20 juin 1950 du secrétaire d'Etat aux finances, aux ministres et secrétaires d'Etat ne pourrait pas être prise en compte ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit dès lors que le tribunal a écarté le moyen relatif à l'atteinte au principe de non-discrimination au motif qu'il bénéficierait d'une indemnité destinée à compenser la vie chère ;

- le jugement est irrégulier en retenant que l'indemnité de vie chère et d'indexation n'est instituée qu'au bénéfice des seuls agents titulaires, dès lors que cela porte atteinte au principe de non-discrimination ;

- le jugement est irrégulier dès lors que le juge doit contrôler le respect du principe d'égalité non seulement entre fonctionnaires, mais également entre fonctionnaires et agents non titulaires.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 juillet 2023, l'ONF, représenté par la Selarl Delvolvé et Trichet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 ;

- la loi n° 50-407 du 3 avril 1950 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 ;

- le décret n°57-87 du 28 janvier 1957 ;

- l'arrêté du ministre du budget et du secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'intérieur chargé des départements et territoires d'outre-mer du 28 août 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vincent Bureau,

- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,

- et les observations de Me Verdier, substituant Me Bracq, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté par la direction régionale de La Réunion de l'office national des forêts (ONF) à compter de 1988 et dispose d'un contrat à durée indéterminée depuis 2007. Le 4 juin 2020, il a présenté une demande indemnitaire d'un montant de 39 707,26 euros correspondant, au titre de la période de janvier 2016 à mai 2020, à l'absence de perception de la majoration de traitement prévue par la loi du 3 avril 1950 concernant les conditions de rémunération et les avantages divers accordés aux fonctionnaires en service dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion, complétée par le décret du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements d'outre-mer. En l'absence de réponse de l'ONF, l'intéressé a demandé à titre principal au tribunal administratif de La Réunion de condamner cet établissement au versement de la somme de 41 166,28 euros. M. B... relève appel du jugement du 25 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. En premier lieu, si M. B... soutient que le jugement attaqué a omis de répondre au moyen tiré de l'absence d'indexation de sa rémunération, il ressort au contraire de ce jugement que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des parties, ont répondu de façon circonstanciée à ce moyen au point 5 de leur jugement.

4. En deuxième lieu, si M. B... soutient que le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'indique pas en quoi l'instruction du 20 juin 1950 du secrétaire d'Etat aux finances, aux ministres et secrétaires d'Etat ne pourrait pas être prise en compte, il résulte de ce jugement que les premiers juges qui, ainsi qu'il a été dit, n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des parties, l'ont écarté implicitement pour inopérance.

5. En troisième lieu, hormis dans le cas où les juges de première instance ont méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à eux et ont ainsi entaché leur jugement d'irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. B... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une erreur de droit.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. En premier lieu, aux termes de la clause n° 4 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, relative au principe de non-discrimination : " 1. Pour ce qui concerne les conditions d'emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d'une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu'ils travaillent à durée déterminée, à moins qu'un traitement différent soit justifié par des raisons objectives ".

7. Cette clause, dans l'interprétation qu'en retient la Cour de justice de l'Union européenne dans sa décision du 20 juin 2019 (affaire C-72/18) dite " Arostegui ", s'oppose aux inégalités de traitement dans les conditions d'emploi entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée, sauf à ce que ces inégalités soient justifiées par des raisons objectives, qui requièrent que l'inégalité de traitement se fonde sur des éléments précis et concrets, pouvant résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l'accomplissement desquelles des contrats à durée déterminée ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d'un objectif légitime de politique sociale d'un Etat membre.

8. Le principe de non-discrimination mentionné à la clause n° 4 de l'accord-cadre mis en œuvre par la directive citée au point précédent, conformément aux stipulations de la clause 3 de cet accord, et ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne interprète celles-ci, ne vise qu'à proscrire les différences de traitement opérées entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée placés dans une situation comparable. En l'espèce, la différence de traitement contestée par M. B... résulte non de la durée déterminée ou indéterminée de la relation de travail, mais du caractère statutaire ou contractuel de celle-ci. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que cette différence de traitement constitue une discrimination ou une inégalité de traitement contraire à la clause n° 4 de l'accord-cadre annexé à la directive du 28 juin 1999.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires. / Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l'agent et de l'échelon auquel il est parvenu, ou de l'emploi auquel il a été nommé. / La rémunération des agents contractuels est fixée par l'autorité compétente en tenant compte des fonctions exercées, de la qualification requise pour leur exercice et de l'expérience de ces agents. Elle peut tenir compte de leurs résultats professionnels et des résultats collectifs du service. (...) ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 3 avril 1950 : " Les conditions de rémunération des fonctionnaires en service dans les départements (...) de la Réunion sont celles des fonctionnaires en service dans la métropole, sous réserve des dispositions particulières prévues par la présente loi. ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " Une majoration de traitement de 25 % est accordée, à partir du 1er avril 1950, à tous les fonctionnaires des départements considérés. ". En outre, en vertu de l'article 10 du décret du 22 décembre 1953 et de l'article 1er du décret du 15 mars 1957, les fonctionnaires de l'Etat en service à La Réunion bénéficient d'un complément temporaire de 10 % à la majoration de traitement instituée par l'article 3 de la loi du 3 avril 1950. L'arrêté interministériel du 28 août 1979 a, enfin, fixé à 1,138 l'index de correction applicable à La Réunion.

10. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Ces modalités de mise en œuvre du principe d'égalité sont applicables à l'édiction de normes régissant la situation d'agents publics qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires.

11. M. B... soutient subir une inégalité de traitement avec les fonctionnaires exerçant leurs fonctions à La Réunion en ce qu'il ne perçoit pas la majoration de traitement prévue par les dispositions citées au point 9. Toutefois, il est constant que les fonctionnaires et les agents contractuels sont placés dans des situations différentes, notamment pour ce qui concerne la détermination des éléments de leur rémunération, dès lors que les fonctions, l'expérience et les résultats des agents contractuels ont vocation à être pris en compte dans le cadre de leur rémunération fixée contractuellement. Au demeurant, M. B... ne conteste pas bénéficier depuis 2014, comme l'indique l'ONF en défense, d'une gratification supplémentaire équivalente à un montant mensuel de 820,25 euros pour compenser la cherté de la vie à La Réunion. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en ne lui appliquant pas le régime indemnitaire dont bénéficient les fonctionnaires, l'ONF aurait méconnu le principe d'égalité de traitement entre agents exerçant les mêmes fonctions.

12. En dernier lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir de l'instruction du 20 juin 1950 du secrétaire d'Etat aux finances, aux ministres et secrétaires d'Etat, lequel n'était en tout état de cause pas compétent pour étendre l'élément de rémunération considéré aux agents contractuels de l'Etat. En outre, les circonstances qu'il a toujours été affecté sur des postes permanents dits " organisés ", qu'il occupe actuellement un poste de cadre A ouvert aux fonctionnaires, qu'il a déjà perçu la sur-rémunération au cours de sa carrière, qu'il perçoit le même traitement de base que ses collègues fonctionnaires et qu'il est assimilé à un fonctionnaire au sein de l'ONF sont sans incidence sur la légalité de la décision de ne pas lui accorder la majoration qu'il sollicite, et donc sur ses droits à indemnisation.

13. Il résulte de ce tout qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Sa requête doit dès lors être rejetée, y compris en ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros à verser à l'ONF au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'ONF, qui n'est pas la partie perdante.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à l'Office national des forêts la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Office national des forêts.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Vincent Bureau, conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.

Le rapporteur,

Vincent Bureau

Le président,

Laurent Pouget

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 22BX02975


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02975
Date de la décision : 05/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Vincent BUREAU
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : CABINET ASTERIO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-05;22bx02975 ?
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