Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser une somme de 41 003 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de la délivrance d'une information inexacte sur les conditions de sa nomination dans le grade d'adjoint administratif principal de deuxième classe du corps des adjoints administratifs du ministère de la justice.
Par un jugement n° 2004736 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 novembre 2022 et 28 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Merlet-Bonnan, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 septembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 41 003 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué, qui ne comporte aucune signature, est irrégulier ;
- ainsi que le tribunal l'a retenu, elle a été destinataire d'un renseignement erroné constitutif d'une faute imputable au ministre de la justice ; ce renseignement erroné l'a conduite à ne pas solliciter un détachement au sein du ministère de la justice et, par suite, à ne pas contester l'arrêté du 16 mars 2018 la radiant des cadres de l'armée ; elle a ainsi perdu une chance de bénéficier d'un traitement et, par conséquent, d'une pension de retraite plus élevés ; la faute commise par l'administration est ainsi la cause directe des préjudices dont elle sollicite la réparation ;
- la faute de l'administration lui a causé un préjudice financier qui doit être évalué à 32 255 euros ; elle a également subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.
Par un mémoire enregistré le 27 février 2023, le Garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 29 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 2 mai 2023.
Par un courrier du 30 avril 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office.
Un mémoire en observations sur ce moyen a été produit pour Mme A... le 11 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2006-1760 du 23 décembre 2006 ;
- le décret n° 2016-580 du 11 mai 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- et les observations de Me Merlet-Bonnan, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a exercé, sous couvert d'un contrat d'engagement, les fonctions de caporale-cheffe de l'armée de l'air à compter du 2 septembre 1998. Par un arrêté du 16 mars 2018, la ministre des armées l'a rayée des contrôles à compter du 2 septembre suivant et l'a admise, à cette même date, à faire valoir ses droits à pension de retraite. Par un courrier du 17 juillet 2018, Mme A... s'est portée candidate, sur le fondement de l'article L. 4139-3 du code de la défense relatif à l'accès aux emplois réservés, sur un poste de secrétaire du service des stages au sein de l'Ecole nationale de la magistrature. Par un arrêté du 31 août 2018 de la Garde des sceaux, ministre de la justice, Mme A... a été nommée en qualité de stagiaire dans le grade d'adjoint administratif principal de deuxième classe du corps des adjoints administratifs du ministère de la justice à compter du 2 septembre 2018. Par un arrêté du 12 août 2019, elle a été titularisée dans ce grade, au 7ème échelon avec une ancienneté conservée de trois mois, à compter du 2 septembre 2019.
2. Estimant que l'information erronée qui lui avait été donnée le 3 août 2018 par le gestionnaire des ressources humaines de la direction des services judiciaires du ministère de la justice quant aux conditions de sa nomination, en particulier en termes de reclassement indiciaire, l'avait conduite à renoncer à solliciter, en qualité de militaire, son détachement dans le corps des adjoints administratifs du ministère de la justice, qui aurait été financièrement plus favorable, Mme A... a, par une réclamation du 3 septembre 2019 reçue le 5 septembre suivant, demandé à la Garde des sceaux, ministre de la justice de lui verser une somme de 36 003 euros en réparation de son préjudice financier. A la suite du rejet implicite de cette réclamation indemnitaire, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 41 003 euros en réparation des préjudices financier et moral et des troubles dans ses conditions d'existence consécutifs, selon elle, aux renseignements erronés sur les conditions de sa nomination dans le corps des adjoints administratifs du ministère de la justice. Elle relève appel du jugement du 28 septembre 2022 par lequel le tribunal a rejeté cette demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué est signée par la présidente, la rapporteure et la greffière d'audience. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit dès lors être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...) ". Cette dernière règle comporte toutefois deux exceptions, fixées par l'article R. 421-3 du même code, qui prévoit, dans sa rédaction issue du décret du 2 novembre 2016, que seule une décision expresse est de nature à faire courir le délai de recours contentieux " (...) 1° Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux ", ainsi que " 2° Dans le cas où la réclamation tend à obtenir l'exécution d'une décision de la juridiction administrative ".
6. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : (...) 5° Dans les relations entre l'administration et ses agents ". Les dispositions des articles L. 112-3 et L. 112-6 du même code, en vertu desquelles toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception, à défaut duquel les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur de la demande, ne sont pas applicables, ainsi que le précise l'article L. 112-2, aux relations entre l'administration et ses agents.
7. En l'espèce, le silence gardé sur la réclamation indemnitaire adressée le 5 septembre 2019 par Mme A... à la Garde des sceaux, ministre de la justice a fait naître le 5 novembre suivant une décision implicite de rejet. En application des dispositions citées ci-dessus, Mme A..., qui avait la qualité d'agent du ministère de la justice à la date de sa réclamation, disposait, pour contester ce rejet implicite, d'un délai de recours contentieux de deux mois, alors même que l'administration, qui n'a pas accusé réception de la réclamation de l'intéressée, ne l'a informée ni des conditions de naissance d'une décision implicite ni du délai de recours contentieux contre une telle décision. Par suite, la demande de première instance de Mme A..., enregistrée devant le tribunal administratif le 16 octobre 2020, était tardive et donc irrecevable.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au Garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve-Dupuy
Le président,
Laurent Pouget Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au Garde des sceaux, ministre de la justice, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX02969