Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 mai 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi, et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant deux ans.
Par un jugement n° 2302796 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 octobre 2023, M. C..., représenté par Me Lassort, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 15 mai 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il n'est pas justifié de la compétence de l'auteur de l'acte ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation concernant le risque de trouble à l'ordre public qu'il représenterait ;
- il viole le 5°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- il méconnaît le b) de l'article 7 du même accord ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la mesure d'éloignement est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- il n'est pas justifié de l'auteur de la mesure d'interdiction de retour ;
- cette mesure est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 mai 2024, le préfet de la Gironde se réfère à ses écritures de première instance.
Par une décision du 20 décembre 2023, M. C... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.
Des pièces nouvelles ont été présentées par M. C... le 1er octobre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité algérienne, est entré régulièrement en France en 2015. Il a obtenu en novembre 2016 une autorisation provisoire de séjour en tant que " visiteur " valable jusqu'au 3 mai 2017, puis une autorisation provisoire de séjour au titre de ses liens privés et familiaux valable jusqu'au 9 septembre 2020, un certificat de résidence algérien en tant que parent d'étranger malade valable jusqu'au 27 juillet 2021, et deux certificats successifs de résidence algérien au titre de ses liens privés et familiaux, dont il a demandé le renouvellement le 14 février 2023. Par un arrêté du 15 mai 2023, le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à cette demande et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de renvoi, et en assortissant cette mesure d'une interdiction de retour d'une durée de deux ans. M. C... relève appel du jugement du 14 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 15 mai 2023.
2. En premier lieu, le requérant reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte en tant que celui-ci lui refuse la délivrance d'un titre de titre de séjour et lui fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant deux ans. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, et d'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) ; 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. "
5. Les dispositions citées au point 3 ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance d'un titre de séjour lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été condamné le 13 décembre 2021 par le tribunal correctionnel de Nanterre à cinq mois d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans pour violences volontaires par conjoint suivies d'incapacités n'excédant pas huit jours. Il fait valoir que ces violences s'inscrivaient dans un contexte de séparation difficile d'avec sa conjointe, durant laquelle le frère de celle-ci le brutalisait régulièrement, et que son inscription au fichier des personnes recherchées résulte seulement des obligations relatives au sursis probatoire. Toutefois, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, eu égard à la nature des faits et à leur caractère récent, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que M. C... représente une menace pour l'ordre public, quand bien même celui-ci déclare avoir relevé appel de sa condamnation, et en refusant pour ce motif de lui refuser la délivrance du certificat de résidence sollicité sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
8. M. C... se prévaut de la circonstance qu'il est entré en France en 2015 pour la prise en charge médicale de son fils B..., atteint de paralysie cérébrale, et qu'il participe à l'entretien et à l'éducation de ses trois enfants mineurs. A cet effet, il produit des attestations de proches ainsi que des justificatifs du versement à la mère d'une pension alimentaire de 450 euros et du placement de 50 euros sur le compte bancaire de chacun de ses enfants chaque mois depuis décembre 2022. Il a souscrit pour eux des assurances scolaires et il ressort d'un échange de courriers électroniques qu'il a été tenu informé par l'hôpital de l'intervention chirurgicale au cerveau de B... réalisée le 25 avril 2023. Toutefois, alors que l'ordonnance d'orientation du 24 novembre 2022 du tribunal judiciaire de Nanterre concernant la procédure de divorce, tout en confiant l'autorité parentale exclusive à la mère des enfants, a accordé à M. C... un droit de visite médiatisé, il ne ressort aucunement des pièces du dossier, ni n'est d'ailleurs allégué, que ce dernier, qui s'est établi en 2022 à près de 500 kilomètres de ses enfants, aurait fait usage de ce droit de visite. Il ne justifiait donc pas avoir eu de contact avec ses enfants depuis plus de deux ans à la date de l'arrêté litigieux. Le requérant fait également état de son embauche en contrat à durée indéterminée le 1er septembre 2021, en tant que coiffeur puis manager pour le groupe BFC, d'abord en région parisienne puis à Talence. Cependant, il n'est fait état d'aucune insertion professionnelle entre 2015 et 2021 et, par ailleurs, la circonstance qu'il ait réalisé jusqu'en 2021 des missions de bénévolat au sein de l'association " Le sourire de Neyila " ne saurait suffire à établir une intégration durable et intense dans la société française, alors qu'il a été condamné pénalement pour manquement aux lois de la République. En outre, le requérant n'est pas dépourvu de toutes attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante ans et où résident toujours ses parents et cinq de ses frères et sœurs. Par suite, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. C..., le préfet de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts poursuivis par cette mesure.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 7 alinéa b de l'accord franco-algérien : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord : (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ; ".
10. M. C... a été recruté en contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2021 en tant qu'employé dans la coiffure au sein du groupe BFC, d'abord en région parisienne puis dans un salon à Talence. En juillet 2022, il a été promu en tant que manager. Toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier et il n'est d'ailleurs nullement allégué qu'il aurait joint à sa demande un contrat visé par les autorités compétentes, conformément aux stipulations citées au point 7. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu lesdites stipulations ne peut qu'être écarté.
11. En cinquième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
12. Un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire français dès lors que sa situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Toutefois, bien que l'accord franco-algérien ne prévoie pas des modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
13. Il résulte des éléments exposés aux points 8 et 10 ci-dessus qu'aucune considération humanitaire ni aucun motif exceptionnel ne justifie d'admettre M. C... au séjour à titre à titre exceptionnel. Par suite, c'est en tout état de cause sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet de la Gironde n'a pas fait usage de son pouvoir discrétionnaire pour régulariser la situation de M. C... au regard du séjour.
14. En sixième lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas entachée des vices allégués, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir de son illégalité au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
15. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
16. Ainsi qu'il a été dit plus haut, M. C... ne justifie d'aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie privée et familiale en Algérie, dès lors notamment qu'il n'établit pas rendre visite à ses enfants, et que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Par suite, en se fondant, notamment, sur cette menace, le préfet de la Gironde a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 15 mai 2023 du préfet de la Gironde.
18. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Valérie Réaut, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 novembre 2024.
La présidente-assesseure,
Marie-Pierre Beuve Dupuy
Le président-rapporteur,
Laurent Pouget Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°23BX02560 2