Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Terarea a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin d'annuler la décision datée du 10 février 2021 par laquelle la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin lui a notifié un refus tacite de permis de construire, ainsi que la décision implicite du 30 mai 2021 par laquelle la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin a refusé de retirer cette décision du 10 février 2021 et de lui délivrer un certificat de permis tacite.
Par un jugement n° 2100092 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 décembre 2022, la société Terarea, représentée par la SCP Pech de Laclause, Jaulin, El Hazmi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 novembre 2022 du tribunal administratif de Saint-Martin ;
2°) d'annuler les décisions des 10 février 2021 et 30 mai 2021 de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin ;
3°) d'enjoindre à la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin de lui délivrer un certificat de permis tacite dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la seule circonstance qu'elle est titulaire d'un permis de construire tacite ne peut suffire à caractériser l'illégalité de la décision de retrait du permis ;
- le retrait du permis tacite du 19 septembre 2020 a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 44-27 du code de l'urbanisme de Saint-Martin, dès lors qu'il est intervenu au-delà de trois mois ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu la date du 10 février 2021 s'agissant de la décision de retrait du permis tacite du 19 septembre 2020 ; la date à retenir est le 10 mars 2021, date de notification du retrait au pétitionnaire comme en atteste le cachet de La Poste ;
- la collectivité était tenue de lui délivrer un certificat de permis tacite en application des dispositions de l'article 44-18 du code de l'urbanisme de Saint-Martin.
La procédure a été communiquée à la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin, qui n'a pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme de Saint-Martin ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vincent Bureau,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- et les observations de Me Touche, représentant la société Terarea.
Considérant ce qui suit :
1. Le 26 mai 2020, la société Terarea a déposé une demande de permis de construire portant sur la réalisation d'un ensemble immobilier en R+5 à usage d'hôtellerie, restauration et commerces sur la parcelle cadastrée section AE n° 519, située au 4 rue du général de Gaulle à Marigot. Par un courrier daté du 10 février 2021, la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin a notifié à la société le rejet tacite de cette demande. Par un recours gracieux du 19 mars 2021, réceptionné le 30 mars 2021, la société Terarea a demandé à la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin de retirer cette décision et de lui délivrer un certificat de permis tacite. Du silence gardé à la suite de ce recours est née le 30 mai 2021 une décision implicite de rejet. La société Terarea relève appel du jugement du 24 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur la légalité des décisions contestées :
En ce qui concerne la décision du 10 février 2021 :
2. D'une part, aux termes de l'article 43-22 du code de l'urbanisme de Saint-Martin : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) 3° trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. ". Aux termes de l'article 43-37 de ce code : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier au siège de la collectivité, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article 43-50, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. ". Aux termes de l'article 43-38 de ce code : " L'envoi prévu à l'article 43-37 précise : 1° Que les pièces manquantes doivent être adressées au siège de la collectivité dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; 2° Qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d'une décision tacite d'opposition en cas de déclaration ; 3° Que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la collectivité. ". Aux termes de l'article 43-42 de ce code : " Lorsque le délai d'instruction de droit commun est modifié en application des articles 43-23 à 43-29, l'autorité compétente indique au demandeur ou à l'auteur de la déclaration, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier au siège de la collectivité :1° le nouveau délai et, le cas échéant, son nouveau point de départ ; 2° les motifs de la modification de délai ; 3° lorsque le projet entre dans les cas prévus à l'article 44-2, qu'à l'issue du délai, le silence éventuel de l'autorité compétente vaudra refus tacite du permis. Copie de cette notification est adressée au représentant de l'Etat dans la collectivité. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 44-27 du code de l'urbanisme de Saint-Martin : " La décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l'objet d'aucun retrait. / Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire. ".
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, par des courriers des 4 et 11 juin 2020, la collectivité de Saint-Martin a informé la société requérante du caractère incomplet de son dossier de demande de permis de construire. Par un courrier du 18 juin 2020, elle lui a ensuite confirmé avoir réceptionné les pièces manquantes. Si la collectivité a indiqué par ailleurs à la pétitionnaire que certaines caractéristiques du projet, tenant notamment au nombre de places de stationnement et à l'existence de pièces sécurisées dans le bâtiment paraissaient ne pas satisfaire aux exigences réglementaires, il ne ressort pas des pièces du dossier que la collectivité ait pour autant demandé la production de pièces complémentaires. Il en résulte que le dossier déposé par la société requérante est réputé avoir été complet le 18 juin 2020, et elle doit donc être regardée comme étant titulaire d'un permis de construire tacite en date du 18 septembre 2020.
5. La décision du 10 février 2021 notifiée le 9 mars suivant, qui informe la société Terarea du rejet de sa demande de permis de construire, procède en conséquence au retrait illégal, postérieurement au délai de trois mois prévu à l'article 44-27 du code de l'urbanisme de Saint-Martin, du permis de construire tacite obtenu par cette société 18 septembre 2020.
En ce qui concerne la décision du 30 mai 2021 :
6. Aux termes de l'article 44-18 du code de l'urbanisme de Saint-Martin : " En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants-droit. En cas de permis tacite, ce certificat indique, lorsque la décision est de la compétence de la collectivité territoriale, la date à laquelle le dossier a été transmis au représentant de l'Etat dans la collectivité en application de l'article LO. 6341-1 du code général des collectivités territoriales. ".
7. Par un courrier du 19 mars 2021 reçu le 30 mars 2021, la société Terarea a exercé un recours gracieux à l'encontre de la décision du 10 février 2021 et sollicité la délivrance d'un certificat de permis de construire tacite. Du silence gardé à la suite de ce recours est née une décision implicite de rejet. Toutefois, ainsi qu'il est indiqué ci-dessus, la société Terarea est titulaire d'un permis de construire tacite depuis le 18 septembre 2020. Ainsi, la collectivité de Saint-Martin ne pouvait refuser de lui délivrer un certificat de permis tacite, sauf à méconnaitre les dispositions de l'article 44-18 du code de l'urbanisme de Saint-Martin. Dans ces conditions, la société Terarea est fondée à soutenir que cette décision de refus est illégale.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Terarea est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision datée du 10 février 2021 par laquelle la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin lui a notifié un refus tacite de permis de construire, ainsi que de la décision implicite du 30 mai 2021 par laquelle cette collectivité a refusé de retirer cette décision du 10 février 2021 et de lui délivrer un certificat de permis tacite.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
10. Il résulte de ce qui précède que la société Terarea est titulaire d'un permis de construire tacite depuis le 18 septembre 2020. Par suite, l'annulation des décisions litigieuses prononcées par le présent arrêt implique nécessairement d'enjoindre à la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin de lui délivrer le certificat de permis de construire prévu à l'article 44-18 du code de l'urbanisme de Saint-Martin, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin la somme de 1 500 euros à verser à la société Terarea au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2100092 du 24 novembre 2022 du tribunal administratif de Saint-Martin est annulé.
Article 2 : La décision datée du 10 février 2021 par laquelle la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin a notifié à la société Terarea un refus tacite de permis de construire et la décision implicite du 30 mai 2021 par laquelle cette collectivité a refusé de retirer cette décision et de délivrer un certificat de permis tacite à la société pétitionnaire sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint à la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin de délivrer à la société Terarea un certificat de permis de construire tacite dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : La collectivité d'outre-mer de Saint-Martin versera une somme de 1 500 euros à la société Terarea en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Terarea et à la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 novembre 2024.
Le rapporteur,
Vincent Bureau
Le président,
Laurent Pouget
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe et au préfet délégué auprès du représentant de l'Etat à Saint-Barthélemy et Saint-Martin en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX03158