Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Amaya et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Bayonne à leur verser la somme de 3 114 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des informations erronées et insuffisantes délivrées par la commune lors de l'achat d'un bien immobilier, de l'absence d'adoption d'un arrêté de péril, et de l'adoption de mesures de police inappropriées et tardives, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable.
Par un jugement n° 2000780 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 décembre 2022, la société Amaya et Mme A..., représentées par Me Lebrun, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2022 du tribunal administratif de Pau ;
2°) de condamner la commune de Bayonne à leur verser la somme de 3 114 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des informations erronées et insuffisantes délivrées par la commune lors de l'achat d'un bien immobilier, de l'absence d'adoption d'un arrêté de péril et de l'adoption de mesures de police inappropriées et tardives, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bayonne la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elles soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la minute n'est pas signée ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les services de la commune de Bayonne n'étaient pas tenus de faire état, lors de la demande de renseignements d'urbanisme, de l'état de délabrement de l'immeuble acquis par la société Amaya, et qu'il ne serait pas démontré que lesdits services étaient informés de l'état de délabrement de l'immeuble ;
- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que le maire n'avait pas à édicter un arrêté de péril sur le fondement de son pouvoir de police spéciale et que l'édiction de l'arrêté du 19 novembre 2014 n'était pas tardif.
Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 janvier 2023.
La requête a été communiquée à la commune de Bayonne, qui n'a pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vincent Bureau,
- et les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Amaya, dont Mme A... est la gérante, a fait l'acquisition le 28 avril 2003 d'un appartement au quatrième étage de l'immeuble sis 5/7 rue des Tonneliers à Bayonne. Par un arrêté du 19 novembre 2014, le maire de Bayonne a interdit l'accès aux troisième et quatrième étages de cet immeuble, sur le fondement des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, suite au risque d'effondrement imminent du plafond du troisième étage dans sa totalité. La société Amaya et Mme A... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 18 octobre 2022 ayant rejeté leur demande de condamnation de la commune de Bayonne à leur verser la somme de 3 114 000 euros en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis du fait de la délivrance de renseignements erronés lors de l'acquisition de cet appartement, de l'illégalité de l'arrêté du 19 novembre 2014, et de la carence du maire dans l'édiction des mesures appropriées à l'état de l'immeuble.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La minute du jugement attaqué figurant au dossier de première instance transmis à la cour par le tribunal administratif de Pau comporte les signatures du président de la formation de jugement, de la magistrate rapporteure et de la greffière d'audience, ainsi que l'exigent les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que ces signatures ne figuraient pas sur l'ampliation adressée aux requérantes est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité de la commune pour la délivrance d'informations erronées :
3. Si la délivrance, par le maire d'une commune, d'une note de renseignements d'urbanisme incomplète quant aux risques auxquels est exposée une parcelle, est susceptible de constituer une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, cette responsabilité ne peut entraîner la réparation du dommage allégué si ce dernier est sans lien direct avec cette faute.
4. La commune de Bayonne a rédigé le 26 novembre 2002 une note de renseignement d'urbanisme concernant la propriété dont la société Amaya se portait acquéreur, qu'elle a transmise au notaire chargé de la vente. Cette note de renseignement ne contenait aucune information relative à des désordres affectant l'immeuble en cause. Il résulte en effet de l'instruction que la commune de Bayonne n'a été informée de l'état de cet immeuble qu'à l'occasion d'une visite des lieux en 2004, postérieurement à la vente de l'immeuble. Si les requérantes se prévalent d'un courrier des services de la commune adressé au syndic de copropriété le 9 décembre 2004, mentionnant plusieurs désordres, dont l'effondrement d'une partie du plancher de la chambre à coucher d'un appartement en 1999, il résulte de l'instruction qu'il ne s'agissait pas de l'appartement de la requérante et que ces informations n'ont au demeurant été portées à la connaissance de la commune qu'à l'occasion de la visite des lieux de 2004. Par ailleurs, eu égard à leur objet, le certificat de numérotation et d'alignement du 26 novembre 2002 et le courrier du 7 février 2003 relatif au droit de préemption n'avaient en tout état de cause pas à mentionner l'existence d'éventuels désordres. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la commune de Bayonne aurait commis une faute en s'abstenant de porter à leur connaissance des informations relatives à l'état de délabrement de l'immeuble.
En ce qui concerne la responsabilité de la commune dans l'exercice des pouvoirs de police du maire :
S'agissant d'une faute tenant à la mise en œuvre du pouvoir de police générale :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2212-4 du même code : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. / Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites. ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, alors applicable : " Le maire prescrit la réparation ou la démolition des murs, bâtiments, édifices ou monuments funéraires menaçant ruine dans les conditions prévues aux articles L. 511-1 à L. 511-4-1 du code de la construction et de l'habitation. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation, alors applicable : " Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. Toutefois, si leur état fait courir un péril imminent, le maire ordonne préalablement les mesures provisoires indispensables pour écarter ce péril, dans les conditions prévues à l'article L. 511-3. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-2 du même code, alors applicable : " I. ' Le maire, par un arrêté de péril pris à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'Etat, met le propriétaire de l'immeuble menaçant ruine, et le cas échéant les personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 511-1-1, en demeure de faire dans un délai déterminé, selon le cas, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril ou les travaux de démolition (...) Il peut également faire procéder à la démolition (...) ". Aux termes de l'article L. 511-3 de ce code, alors applicable : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. (...) / Si les mesures ont à la fois conjuré l'imminence du danger et mis fin durablement au péril, le maire, sur le rapport d'un homme de l'art, prend acte de leur réalisation et de leur date d'achèvement. / Si elles n'ont pas mis fin durablement au péril, le maire poursuit la procédure dans les conditions prévues à l'article L. 511-2 ".
7. Les pouvoirs de police générale reconnus au maire par les dispositions précitées des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, qui s'exercent dans l'hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d'une cause qui lui est extérieure, sont distincts des pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre des procédures de péril ou de péril imminent régies par les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation, auxquels renvoie l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, qui doivent être mis en œuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres. Toutefois, en présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le maire peut, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l'exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées, y compris la démolition de l'immeuble.
8. Il résulte de l'instruction que l'arrêté du 19 novembre 2014 par lequel le maire de Bayonne a interdit l'accès aux troisième et quatrième étages de l'immeuble concerné se fonde sur le risque d'effondrement imminent du plafond du troisième étage dans sa totalité, sur le fondement des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales. Il ressort des termes de cet arrêté que les désordres ont été constatés par M. C..., expert près de la cour d'appel de Pau, suite à sa visite des lieux le 6 novembre 2014, qui a donné lieu à un rapport établi le 13 novembre 2014. En se bornant à faire état de ce que les dommages résultent d'une fragilité structurelle de l'immeuble, les requérantes ne contestent pas utilement ces faits. Dans ces conditions, compte tenu de l'urgence de la situation et de la gravité particulière du danger que faisait peser l'état de péril de l'immeuble sur la sécurité publique, le maire a pu légalement faire application des pouvoirs qui lui sont reconnus par les articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales.
S'agissant d'une carence fautive dans l'exercice des pouvoirs de police du maire :
9. Les requérantes soutiennent qu'au regard des informations dont disposait la commune sur l'état de l'immeuble, l'arrêté du 19 novembre 2014 est tardif et constitutif d'une carence de la commune dans l'édiction de mesures appropriées. Il résulte de l'instruction que les services de la commune de Bayonne ont diligenté en 2004 une visite de l'immeuble en cause par un agent chargé de l'hygiène et de la sécurité, à la suite de laquelle ils ont adressé un courrier au syndic de l'immeuble par lequel, d'une part, ils ont fait état de l'endommagement de la toiture, du défaut d'étanchéité et de son infestation par des insectes xylophages, d'autre part, ils ont demandé que leur soit transmise une attestation relative à la solidité des planchers et que leur soit indiquées les mesures prises pour enrayer la colonisation par ces insectes. Par ailleurs, à la suite de l'affaissement du plancher d'une terrasse, la copropriété a fait étayer les éléments porteurs endommagés, et les services de la commune ont demandé à cette occasion la réalisation d'un diagnostic de la structure. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction qu'en l'état des informations dont disposait la commune avant novembre 2014, les désordres aient été d'une gravité telle que le maire eût été dans l'obligation de les faire cesser en usant de ses pouvoirs de police. Par suite, le moyen tiré de la tardiveté de la mesure prise par le maire de Bayonne et de la carence de cette autorité dans l'édiction de mesures appropriées doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Amaya et Mme A... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Bayonne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais d'instance exposés par les requérantes.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Amaya et de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Amaya, à Mme B... A... et à la commune de Bayonne.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 novembre 2024.
Le rapporteur,
Vincent Bureau
Le président,
Laurent Pouget
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX03071