Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Socarimex Participations a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel le maire de la commune de Petit-Bourg a retiré le permis de construire tacite qu'elle avait obtenu le 22 octobre 2020 en vue de la construction d'un bâtiment à usage d'entrepôt sur la parcelle lui appartenant cadastrée section AD n° 2261.
Par un jugement n° 2100221 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 mai 2022, la SAS Socarimex Participations, représentée par Me Brunschwig et Me de Lagarde, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 29 mars 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel le maire de la commune de Petit-Bourg a retiré le permis de construire tacite né le 22 octobre 2020 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Petit-Bourg une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier au motif que le tribunal a méconnu le principe du contradictoire posé à l'article L. 5 du code de justice administrative pour avoir omis de lui communiquer le dossier de demande du permis de construire obtenu dans le cadre de l'instruction et sur lequel il s'est fondé pour statuer ;
- le retrait du permis de construire tacite né le 22 septembre 2020 est tardif ; le courrier du 19 juin 2020 qui l'a informée du délai d'instruction de sa demande et qui lui demande de produire des pièces manquantes émane d'une personne incompétente, de sorte qu'il n'a pu valablement modifier le délai d'instruction ; en outre, la pièce sollicitée, l'avis du service départemental d'incendie et de secours, n'était pas exigible ; le délai d'instruction était donc un délai de trois mois et le retrait est intervenu plus de trois mois après la formation de l'autorisation tacite ;
- le retrait n'était pas devenu exécutoire avant l'expiration du délai de retrait ;
- l'arrêté du 12 janvier 2021 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit dans l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; l'atteinte à la salubrité publique ne peut être retenue ; le maire devait lui délivrer une autorisation assortie d'une prescription l'autorisant à installer un système d'assainissement autonome provisoire, ce qu'elle a d'ailleurs proposé dans ses observations préalables au retrait sans qu'il en soit tenu compte.
Par un mémoire enregistré le 8 août 2022, la commune de Petit-Bourg, représentée par son maire en exercice et ayant pour avocat Me Pancrel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SARL 42.2 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Réaut,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- et les observations de Me Millepied, représentant la commune de Petit-Bourg.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 12 janvier 2021, le maire de la commune de Petit-Bourg a retiré le permis de construire tacite obtenu par la SAS Socarimex Participations le 22 octobre 2020 et rejeté sa demande d'autorisation de construire un immeuble à usage d'entrepôt développant une surface de plancher de 727 m² sur un terrain constitué de la parcelle cadastrée section AD n° 2261. La société Socarimex Participations relève appel du jugement n° 2100221 du 29 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retiré que sur demande expresse de leur bénéficiaire. ". Compte-tenu de l'objectif de sécurité juridique poursuivi par le législateur, qui ressort des travaux préparatoires de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 dont ces dispositions sont issues, l'autorité compétente ne peut rapporter un permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, que si la décision de retrait est notifiée au bénéficiaire du permis avant l'expiration du délai de trois mois suivant la date à laquelle ce permis a été accordé.
3. Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont présentées et instruites dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'État. / (...) / Aucune prolongation du délai d'instruction n'est possible en dehors des cas et conditions prévus par ce décret. / (...) ". Selon l'article L. 424-2 du même code, " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction ". L'article R. 423-4 du même code prévoit que le récépissé de la demande de permis ou de la déclaration préalable précise la date à laquelle un permis tacite doit intervenir, en application du premier alinéa de l'article L. 424-2, ou, dans le cas d'une déclaration préalable, la date à partir de laquelle les travaux peuvent être entrepris. Ce récépissé précise également, en application de l'article R. 423-5 du même code, que l'autorité compétente peut, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier : " a) Notifier au demandeur que le dossier est incomplet ; / b) Notifier au demandeur un délai différent de celui qui lui avait été initialement indiqué, lorsque le projet entre dans les cas prévus aux articles R. 423-24 à R. 423-33 ; / (...) ".
4. Le délai d'instruction des demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et des déclarations préalables est, selon l'article R. 423-18 du code de l'urbanisme, déterminé dans les conditions suivantes : " a) Un délai de droit commun est défini [à l'article R. 423-23]. En application de l'article R. 423-4, il est porté à la connaissance du demandeur par le récépissé ; / b) Le délai de droit commun est modifié dans les cas prévus [aux articles R. 423-24 à R. 423-33]. La modification est notifiée au demandeur dans le mois qui suit le dépôt de la demande ; / c) Le délai fixé en application des a ou b est prolongé dans les cas prévus [aux articles R. 423-34 à R. 423-37-3], pour prendre en compte des obligations de procédure qui ne peuvent être connues dans le mois qui suit le dépôt de la demande ". L'article R. 423-23 du de ce code prévoit que : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / (...) b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. ". Selon l'article R. 423-28 de ce code : " Le délai d'instruction prévu par le b et le c de l'article R. 423-23 est porté à : / (...) b) Cinq mois lorsqu'un permis de construire porte sur des travaux relatifs à un établissement recevant du public et soumis à l'autorisation prévue à l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation (...) ".
5. Aux termes de l'article R. 423-42 du code de l'urbanisme : " Lorsque le délai d'instruction de droit commun est modifié en application des articles R. 423-24 à R. 423-33, l'autorité compétente indique au demandeur ou à l'auteur de la déclaration, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie : / a) Le nouveau délai et, le cas échéant, son nouveau point de départ ; / b) Les motifs de la modification de délai ; / c) Lorsque le projet entre dans les cas prévus à l'article R. 424-2, qu'à l'issue du délai, le silence éventuel de l'autorité compétente vaudra refus tacite du permis. / Copie de cette notification est adressée au préfet ". Et aux termes de l'article R. 423-43 du même code : " Les modifications de délai prévues par les articles R. 423-24 à R. 423-33 ne sont applicables que si les notifications prévues par la présente sous-section ont été faites. / (...) ".
6. L'article R. 423-38 du code de l'urbanisme dispose encore que : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du [livre IV de la partie réglementaire du code relatif au régime applicable aux constructions, aménagements et démolitions], l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes ". Aux termes de l'article R. 423-39 du même code : " L'envoi prévu à l'article R. 423-38 précise : / a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; / b) Qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d'une décision tacite d'opposition en cas de déclaration ; / c) Que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie ".
7. Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " I. ' Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus. ". L'article 12 ter de la même ordonnance précise que " (...) les délais d'instruction des demandes d'autorisation et de certificats d'urbanisme et des déclarations préalables prévus par le livre IV du code de l'urbanisme, y compris les délais impartis à l'administration pour vérifier le caractère complet d'un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l'instruction, ainsi que les procédures de récolement prévues à l'article L. 462-2 du même code, qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils reprennent leur cours à compter du 24 mai 2020. / Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 mai 2020 est reporté à l'achèvement de celle-ci. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que la société Socarimex Participations a déposé sa demande de permis de construire à la mairie de Petit-Bourg le 20 mai 2020. Par un courrier du 19 juin 2020, elle a été informée de ce que le délai d'instruction applicable à sa demande était le délai de cinq mois prévu au b de l'article R. 423-28 du code de l'urbanisme et de ce qu'elle devait produire des pièces manquantes.
9. Toutefois, et d'une part, tel qu'il est présenté dans le dossier de demande d'autorisation de construire, le projet de construction de la société Socarimex Participations, qui consiste en la construction d'un entrepôt, ne relève pas de la catégorie des établissements recevant du public imposant un délai d'instruction de cinq mois, ce dont elle a donc été informée à tort par le courrier du 19 juin 2020. La demande était en réalité soumise, en vertu du c) de l'article R. 423-23 du même code, au délai d'instruction de trois mois. En outre, contrairement à ce que soutient la commune de Petit-Bourg dans ses écritures, le projet de construction ne relève d'aucune des hypothèses limitativement visées à l'article R. 423-24 du code de l'urbanisme imposant une majoration d'un mois de ce délai d'instruction.
10. D'autre part, la circonstance que la signataire du courrier du 19 juin 2020 n'aurait pas reçu délégation du maire de Petit-Bourg pour instruire les demandes de permis de construire demeure sans effet sur le délai d'instruction applicable à la demande de la société pétitionnaire en vertu des dispositions réglementaires précitées.
11. Enfin, il ressort des pièces du dossier que la société pétitionnaire a produit les pièces manquantes le 22 juin 2020. Il s'ensuit que le délai d'instruction de trois mois a couru, en raison de la période d'urgence sanitaire et en application de l'article 12 ter de l'ordonnance du 25 mars 2020, à compter du 24 mai 2020. La société Socarimex Participations est ainsi fondée à soutenir qu'elle a bénéficié d'un permis de construire tacite né le 24 août 2020 et que le maire de Petit-Bourg ne pouvait retirer l'autorisation tacite au-delà du 24 novembre 2020, à l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme. Par suite, l'arrêté du 12 janvier 2021 est illégal.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, que la société Socarimex Participations est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Petit-Bourg une somme de 1 500 euros à verser à la société Socarimex Participations en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société requérante, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que demande au même titre la commune de Petit-Bourg.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2100221 du 29 mars 2022 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 12 janvier 2021 du maire de Petit-Bourg est annulé.
Article 3 : La commune de Petit-Bourg versera une somme de 1 500 euros à la société Socarimex Participations sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Petit-Bourg présentées au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Socarimex Participations et à la commune de Petit-Bourg.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Valérie Réaut, première conseillère
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 novembre 2024.
La rapporteure,
Valérie Réaut
Le président,
Laurent Pouget Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX01495