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31/10/2024 | FRANCE | N°24BX01129

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 31 octobre 2024, 24BX01129


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de l'admettre au séjour.



Par un jugement n° 2300235 du 21 mars 2024, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 7 mai 2024, Mme C..., représentée par Me Fettler, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du 21 mars 2024 du tribunal administratif de la Guyane ;



2°) d'annuler la décision du 7 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de l'admettre au séjour.

Par un jugement n° 2300235 du 21 mars 2024, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2024, Mme C..., représentée par Me Fettler, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 mars 2024 du tribunal administratif de la Guyane ;

2°) d'annuler la décision du 7 décembre 2022 par laquelle le préfet de la Guyane a refusé de l'admettre au séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", assorti d'une autorisation de travail, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il est porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée ; l'article 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus ;

- la décision ne prend pas en considération la situation actuelle en Haïti ; elle et sa famille encourent un risque majeur d'atteinte à leur intégrité physique en cas de retour dans ce pays.

La requête a été communiquée au préfet de la Guyane le 17 juin 2024.

Par ordonnance du 14 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 août 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante haïtienne née le 26 juillet 1983, serait entrée en France, selon ses déclarations, le 20 avril 2016. Elle a sollicité, le 24 février 2022, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 7 décembre 2022, le préfet de la Guyane a refusé de faire droit à sa demande. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 décembre 2022.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ". Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est mère d'une enfant de nationalité française, Dyoudnie, née le 17 septembre2016, reconnue par anticipation le 17 mai 2016 par un ressortissant français, M. B..., dont elle porte le nom. La requérante a la garde de l'enfant et justifie contribuer à son entretien, notamment en s'acquittant des frais de restauration scolaire. Si par jugement du 28 novembre 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Cayenne a constaté l'exercice conjoint de l'autorité parentale et fixé à 80 euros par mois la pension alimentaire de M. B... à l'entretien et l'éducation de l'enfant, il n'est pas contesté que le père n'a versé aucune somme et n'a pas de contact avec l'enfant depuis 2018. Il ressort aussi des pièces du dossier que Mme C..., qui justifie résider en France depuis 2016 par la production de documents à caractère médical, exerce un emploi d'aide-cuisinière depuis le 5 août 2022, par contrats à durée déterminée, puis à durée indéterminée. Elle partage la vie d'un compatriote haïtien, en situation régulière à la date de la décision attaquée, avec lequel elle réside depuis le mois de septembre 2021. Au surplus, son autre fille, de nationalité haïtienne, née le 2 décembre 2004, qui a déclaré résider à la même adresse que sa mère, est titulaire d'une carte de séjour depuis le 29 mars 2023 valable jusqu'au 28 mars 2024. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, notamment de la durée de séjour en France et quand bien même la décision de refus de titre de séjour n'aurait-elle pas pour objet de séparer la mère de son enfant mineur, dès lors que la plus jeune fille de la requérante vit sur le territoire national depuis sa naissance, y est scolarisée, a vocation à y grandir et à y être élevée en recevant, en exécution d'une décision de justice, des subsides de la part de son père, Mme C... est fondée à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 décembre 2022 du préfet de la Guyane.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Le juge administratif doit statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision.

5. Eu égard au motif d'annulation de la décision du 7 décembre 2022 du préfet de la Guyane figurant au point 2, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que celui-ci délivre à Mme C... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, dans un délai d'un mois à compter de sa notification. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Il y a lieu il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 21 mars 2024 du tribunal administratif de la Guyane et la décision du préfet de la Guyane du 7 décembre 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Guyane de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2024.

La rapporteure,

Bénédicte A...La présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX01129


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01129
Date de la décision : 31/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : CABINET TSHEFU ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-31;24bx01129 ?
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