Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2023 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2300919 du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 avril 2024, et des pièces complémentaires enregistrées les 12 juillet et 26 août 2024, qui n'ont pas fait l'objet de communication, M. A..., représenté par Me Djimi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2023 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2023 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision est entachée d'une erreur " manifeste " d'appréciation au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa compagne et mère de ses deux enfants est en situation régulière et mère par ailleurs de deux enfants de nationalité française ;
- il est porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée ; l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus.
Par ordonnance du 27 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 27 août 2024 à 12h00.
Le préfet de la Guadeloupe a produit un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2024. Ce mémoire n'ayant pas fait l'objet d'une communication.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 15 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant haïtien né le 12 juin 1970, serait entré en France, selon ses déclarations, en 2004. Il a sollicité, le 7 février 2023, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 juillet 2023, le préfet de la Guadeloupe a refusé de faire droit à sa demande, prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de
30 jours, et fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2023.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". ".
3. M. A... déclare résider en France depuis 2004 et produit pour justifier de cette présence, excepté pour 2019, des pièces nominatives, telles que des avis d'imposition et des factures d'achat d'articles divers. Ainsi qu'en atteste le maire de la commune des Abymes, " après enquête des agents de la police municipale ", l'appelant déclare résider depuis 2018 chez Mme D..., compatriote, titulaire de titres de séjour " vie privée et familiale " depuis 2012, avec laquelle il a eu deux enfants nés respectivement les 27 juillet 2012 et 12 janvier 2016. Mme D... est également mère de deux enfants de nationalité française, nés les 17 septembre 2007 et 7 novembre 2010, qui vivent avec elle et dont il n'est pas allégué que le père ne participerait pas à l'éducation, et cette circonstance est de nature à faire obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer à l'étranger. D'autre part, quand bien même M. A... n'apporte pas, par les quelques règlements de frais de cantine et d'achats de fourniture scolaires qu'il produit, la preuve de sa contribution à l'entretien et l'éducation de ses enfants, il doit être présumé y contribuer du fait de sa présence à leurs côtés au sein du domicile familial. Dans ces conditions, nonobstant la circonstance que M. A... ne serait entré en France qu'à l'âge de 34 ans, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il disposerait d'attaches familiales dans son pays d'origine, compte tenu de la durée et de ses conditions de séjour en France, l'arrêté par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il avait sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Par suite, il a méconnu les stipulations et dispositions précitées et doit être annulé.
4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 4 juillet 2023.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Le présent arrêt, qui annule l'arrêté attaqué, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet de la Guadeloupe délivre à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu de lui enjoindre de délivrer ce titre dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Djimi, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Djimi de la somme de 1 200 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 décembre 2023 du tribunal administratif de la Guadeloupe et l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 4 juillet 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Djimi une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de la contribution de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe et à Me Djimi.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2024.
La rapporteure,
Bénédicte B...La présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent.
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N° 24BX00826