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31/10/2024 | FRANCE | N°24BX00375

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 31 octobre 2024, 24BX00375


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2023 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2302142 du 18 janvier 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a renvoyé les conclusions relat

ives à la décision de refus de séjour à une formation collégiale du tribunal et rejeté le surplus des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2023 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2302142 du 18 janvier 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a renvoyé les conclusions relatives à la décision de refus de séjour à une formation collégiale du tribunal et rejeté le surplus des conclusions présentées par M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2024, M. D..., représenté par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne du 18 juillet 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer, à titre principal, une carte de séjour temporaire pour une durée d'un an dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1500 euros, à verser à son conseil, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative et subsidiairement à M. D... sur le seul fondement de ces dernières dispositions.

Il soutient que :

- l'arrêté a été édicté par une autorité incompétente, la délégation de signature accordée par le préfet de la Vienne à sa directrice de cabinet étant trop générale ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- cette décision méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'éloignement est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- cette décision méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est également entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 15 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 18 juin 2024 à 12h00.

Un mémoire présenté par le préfet de la Vienne a été enregistré le 26 septembre 2024.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Kolia Gallier Kerjean a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant tunisien né le 2 décembre 1997, indique être entré en France irrégulièrement le 3 mai 2018. L'intéressé, qui a épousé une ressortissante française le 14 janvier 2023, a sollicité auprès des services de la préfecture de la Vienne son admission au séjour en qualité de conjoint de français. Par un arrêté du 18 juillet 2023, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... relève appel du jugement du 18 janvier 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a, après avoir renvoyé l'examen de la légalité du refus de titre de séjour à une formation collégiale du tribunal, refusé de faire droit à sa demande d'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur l'étendue du litige :

2. Il résulte des dispositions des articles L. 614-1, L. 614-3 et L. 614-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 776-17 du code de justice administrative, applicables à la date de l'arrêté attaqué, qu'en cas d'assignation à résidence du requérant, il appartient au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de se prononcer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, détermination du pays de destination et assignation à résidence, dont il pourrait être saisi. Il ne lui appartient pas, en revanche, de se prononcer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision relative au séjour.

3. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a renvoyé à une formation collégiale du tribunal l'examen de la légalité de la décision de refus de séjour attaquée par M. D.... Par suite, le requérant ne peut utilement demander à la cour l'annulation du jugement du 18 janvier 2024 qu'en tant qu'il rejette les conclusions qu'il a présentées tendant à l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et détermination du pays de destination. De la même manière, M. D... ne saurait demander à la cour d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne du 18 juillet 2023 en tant qu'il porte refus de séjour, une formation collégiale du tribunal administratif de Poitiers demeurant saisie des conclusions présentées contre cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Par un arrêté du 7 juillet 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de la Vienne le même jour, le préfet de la Vienne a donné délégation à Mme F... A..., sous-préfète et secrétaire générale de la préfecture, pour signer notamment tous actes sur l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'article 6 de cette délégation, qui ne présente pas un caractère général contrairement à ce que soutient M. D..., prévoit qu'en cas d'absence ou d'empêchement de Mme A..., la délégation de signature qui lui est consentie est exercée par Mme B... E..., directrice de cabinet du préfet de la Vienne et signataire de l'arrêté litigieux. Le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision de refus de séjour doit donc être écarté.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. D... expose séjourner en France depuis le mois de mai 2018 et vivre en couple depuis le 10 décembre 2021 avec une ressortissante française qu'il a épousée le 14 janvier 2023. Toutefois, quand bien même l'intéressé démontre l'intensité de sa relation par la production de plusieurs éléments, celle-ci présentait un caractère relativement récent à la date du refus de séjour litigieux et le requérant ne se prévaut d'aucune autre attache familiale sur le territoire national. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de l'intéressé, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel la décision de refus de séjour a été édictée et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. Pour les mêmes motifs doivent également être écartés les moyens tirés de ce que la décision de refus de séjour serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant et, en tout état de cause, celui tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Les moyens dirigés contre le refus de séjour ayant été écartés, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

8. Si M. D... soutient ne plus disposer d'aucune attache familiale dans son pays d'origine, il n'apporte aucune précision sur les raisons l'ayant conduit à rompre les liens avec les différents membres de sa famille au sujet desquels il n'a fourni aucune indication lors de sa demande de titre de séjour et alors qu'il a vécu en Tunisie jusqu'à l'âge de vingt-et-un ans. Dans ces conditions et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 ci-dessus, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné est dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité de cette décision.

10. Le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de destination doit être écarté par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers au point 12 du jugement attaqué.

11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Contrairement à ce que soutient M. D..., la seule circonstance qu'il soit obligé de quitter le territoire national où se trouve son épouse pour rejoindre son pays d'origine ne saurait constituer un traitement inhumain. Le requérant ne se prévalant d'aucun risque qu'il encourrait en cas de retour en Tunisie, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Evelyne Balzamo, présidente de la 1ère chambre,

Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.

La rapporteure,

Kolia Gallier KerjeanLe président,

Luc Derepas

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24BX00375 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24BX00375
Date de la décision : 31/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-31;24bx00375 ?
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