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31/10/2024 | FRANCE | N°22BX01767

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 31 octobre 2024, 22BX01767


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 9 novembre 2020 par laquelle le préfet des Deux-Sèvres a confirmé la qualification de cours d'eau au sens du code de l'environnement du ruisseau du Gué d'Airvault.



Par un jugement n° 2003078 du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoir

es, enregistrés le 30 juin 2022, le 12 juin 2023 et le 30 octobre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 9 novembre 2020 par laquelle le préfet des Deux-Sèvres a confirmé la qualification de cours d'eau au sens du code de l'environnement du ruisseau du Gué d'Airvault.

Par un jugement n° 2003078 du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 juin 2022, le 12 juin 2023 et le 30 octobre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Renner, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 29 avril 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 9 novembre 2020 par laquelle le préfet des Deux-Sèvres a confirmé la qualification de cours d'eau au sens du code de l'environnement du ruisseau du Gué d'Airvault ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet des Deux-Sèvres n'était pas compétent pour prendre la décision litigieuse, dès lors qu'en application des articles L. 214-17 et R. 214-110 du code de l'environnement, le classement des cours d'eau non domaniaux relève de la compétence du préfet coordonnateur de bassin, en l'espèce le préfet coordonnateur de région Centre Val de Loire ; les arrêtés préfectoraux du 10 juillet 2012 arrêtant les listes mentionnées aux articles L. 214-17 et R. 214-110 ne mentionnent pas le ruisseau du Gué d'Airvault ;

- le Gué d'Airvault n'est pas un cours d'eau au sens des dispositions de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement, dès lors que le fond de thalweg ne peut être considéré comme un lit naturel, mais seulement comme un fossé, qu'il n'est pas alimenté par une source mais par les eaux pluviales et qu'un débit de 0,9 l/s a été mesuré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Par une intervention, enregistrée le 26 octobre 2023, et un mémoire enregistré le 27 septembre 2024 qui n'a pas été communiqué, le syndicat de valorisation et de promotion de la pisciculture Poitou Charente Vendée demande qu'il soit fait droit aux conclusions de M. A....

Il soutient que :

- en qualifiant les eaux du Gué d'Airvault de cours d'eau non domanial, le tribunal a délimité le droit de propriété en sortant de son champ de compétence pour empiéter sur celle du juge judiciaire alors qu'il aurait dû poser une question préjudicielle au juge civil ;

- le préfet des Deux Sèvres n'est pas compétent en matière de classement des écoulements d'eaux en application des articles L. 214-17 et R. 214-110 du code de l'environnement ;

- la décision litigieuse n'est pas motivée ;

- il y a intrusion de l'Etat dans le droit de propriété ;

- la circulaire du 3 juin 2015 doit être écarté par la voie de l'exception, dès lors qu'elle méconnaît l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement en oubliant de considérer les aspects géologiques des terrains supportant les écoulements hydrauliques ;

- le Gué d'Airvault n'est pas un cours d'eau au sens des dispositions de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès,

- les conclusions de Pauline Reynaud,

- et les observations de Me Renner, représentant M. A..., de M. Sarrazin, président du syndicat de valorisation et de promotion de la pisciculture Poitou Charente Vendée (SYPOVE) et de M. B..., membre du conseil d'administration du SYPOVE.

Une note en délibéré présentée par le syndicat de valorisation et de promotion de la pisciculture Poitou Charente Vendée a été enregistrée le 11 octobre 2024.

Une note en délibéré présentée par le syndicat de valorisation et de promotion de la pisciculture Poitou Charente Vendée a été enregistrée le 15 octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courriel du 9 mai 2019, M. A... a informé le préfet des Deux-Sèvres de son intention de procéder au curetage du plan d'eau dont il est propriétaire, situé au lieu-dit La Touche-Salbœuf sur le territoire de la commune de Mauléon. Par courrier du 14 mai 2019, le préfet a informé l'intéressé que l'opération relevait des rubriques 2.1.4.0 et 3.2.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, dès lors que le plan d'eau était situé en travers d'un cours d'eau, le Gué d'Airvault.

2. Par des courriers des 12 juin 2019 et 15 juillet 2019, M. A... a contesté la qualification de cours d'eau du Gué d'Airvault. Une visite de terrain a été organisée le 6 décembre 2019, en présence de représentants du propriétaire, de la direction départementale des territoires des Deux-Sèvres et de l'agence française pour la biodiversité, et par décision du 23 décembre 2019, le préfet des Deux-Sèvres a informé M. A... qu'en application des critères définis à l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement, le Gué d'Airvault est un cours d'eau, affluent de l'Ouin. Par courrier du 12 octobre 2020, M. A... a demandé au préfet de revenir sur cette qualification afin qu'il puisse procéder au curage de l'étang dans le but d'y installer un élevage Bio de poissons d'eau douce, en précisant " qu'en cas de refus tacite ou explicite, la démarche sera poursuivie à son terme ". Par un courrier du 9 novembre 2020, le préfet des Deux-Sèvres a confirmé sa position et a rappelé les sanctions administratives encourues. M. A... relève appel du jugement du 29 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 9 novembre 2020.

Sur l'intervention du syndicat de valorisation et de promotion de la pisciculture Poitou Charente Vendée :

3. Le syndicat de valorisation et de promotion de la pisciculture (SVPP) Poitou Charentes Vendée, dont l'objet est la représentation et la défense des intérêts matériels, moraux et sociaux des acteurs de l'aquaculture en étangs, bassins, gravières et carrières, justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de la décision attaquée. Son intervention est, par suite, recevable.

Sur la régularité du jugement :

4. La requête dont étaient saisis les premiers juges tendait à l'annulation de la décision du 9 novembre 2020 portant rejet du recours gracieux de M. A... dirigé contre la décision du 23 décembre 2019 par laquelle le préfet des Deux-Sèvres l'a informé de ce que plan d'eau situé au lieu-dit La Touche-Salbœuf était situé en travers d'un cours d'eau, le Gué d'Airvault, et qu'en conséquence, les travaux de curetage de ce plan d'eau relevaient des rubriques 2.1.4.0 et 3.2.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement. L'annulation de cette décision administrative relevait de la seule compétence du juge administratif, et en statuant sur cette requête, les premiers juges, qui n'avaient pas à poser de question préjudicielle au juge judiciaire, n'ont pas " délimité le droit de propriété ".

Sur l'exception d'illégalité de l'instruction du 3 juin 2015 :

5. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale.

6. En l'espèce, la décision litigieuse du 9 novembre 2020 tout comme celle du 23 décembre 2019 qu'elle confirme ne font pas application de l'instruction du 3 juin 2015 relative à la cartographie et l'identification des cours d'eau et à leur entretien ; en tout état de cause, si le SVPP soutient que cette instruction méconnaît l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement, dès lors qu'elle " oublie de considérer les aspects géologiques des terrains supportant les écoulement hydrauliques ", ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier la portée et le bien fondé.

Sur la légalité de la décision litigieuse :

7. En premier lieu, M. A... et le SVPP reprennent en appel, sans les assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, les moyens tirés de l'incompétence du préfet des Deux-Sèvres et de l'insuffisance de motivation de la décision du 9 novembre 2020. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 215-7 du code de l'environnement : " L'autorité administrative est chargée de la conservation et de la police des cours d'eau non domaniaux. Elle prend toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux. / Dans tous les cas, les droits des tiers sont et demeurent réservés ". Aux termes de l'article L. 215-7-1 du même code : " Constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année. / L'écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales ".

9. S'agissant de l'existence d'un lit naturel, il résulte de l'instruction, et notamment des extraits de cartes et du rapport établi le 12 juin 2020 par la direction départementale des territoires des Deux-Sèvres et l'Office français de la biodiversité, produits devant les premiers juges, que l'écoulement est matérialisé sur la carte de Cassini, sans que l'on puisse toutefois déterminer son emplacement exact, et qu'il est également et plus précisément matérialisé sur le cadastre napoléonien de 1812 et la carte d'état-major (1820-1866). Ces différentes cartes attestent l'existence d'un lit naturel à l'origine, depuis le lieu-dit " La Lande Blanche ", deux kilomètres environ en amont, jusqu'à la confluence avec l'Ouin, affluent de la Sèvre Nantaise.

10. Le rapport établi le 12 juin 2020 précise que, lors de la visite de terrain du 6 décembre 2019, deux sources ont été identifiées, la première située au sud-est du lieu-dit " Le bas des Landes ", constituée par le point où les eaux issues de terrains gorgés d'eau, dont la partie amont a été drainée et canalisée, confluent, et la seconde au sud du lieu-dit " Bel Air ", issue d'un plan d'eau déclaré sur source par son propriétaire en 2000. Si M. A... soutient que l'écoulement du " Bas des Landes " résulterait en réalité de l'exutoire d'un drainage agricole, il n'apporte aucun élément au soutien de ces allégations.

11. Enfin, s'agissant du débit, M. A... produit un document intitulé " Mesure de débit sur le ruisseau du Gué d'Airvault en amont de l'étang de La Touche-Salboeuf ", établi par la Société d'études pour la restauration et l'aménagement des milieux aquatiques, qui au demeurant qualifie le Gué d'Airvault de " ruisseau affluent de l'Ouin ", et qui conclut que le 15 octobre 2019 à 14h30, le débit du ruisseau était de 0,9 l/s. Toutefois, ce seul élément n'est pas suffisant pour démontrer que le Gué d'Airvault ne présenterait pas un débit suffisant la majeure partie de l'année au sens des dispositions de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnent. Il résulte à cet égard du rapport du 12 juin 2020 que les berges sont bien marquées, d'une hauteur supérieure à dix centimètres, qu'un substrat différent du sol des parcelles adjacentes a été relevé sur une grande partie du linéaire étudié, trouvant son origine dans le déplacement et le roulement des matériaux et sédiments, et qu'un suivi scientifique mené par l'Office français de la biodiversité en 2010 a permis d'établir la présence de poissons (loche s/franches) et d'écrevisses de Louisiane, attestant que les eaux en cause ne sont pas stagnantes et que le débit y est suffisant. Peu importe à cet égard que l'écrevisse de Louisiane soit une espèce invasive et nuisible.

12. Ainsi, et sans que M. A... puisse utilement se prévaloir de la circonstance que les arrêtés préfectoraux du 10 juillet 2012 arrêtant les listes mentionnées aux articles L. 214-17 et R. 214-110 du code de l'environnement ne mentionnent pas le Gué d'Airvault, c'est sans commettre d'erreur de droit, d'erreur d'appréciation, d'erreur matérielle ni d' " intrusion dans le droit de propriété " que le préfet des Deux-Sèvres a considéré que le Gué d'Airvault est un cours d'eau au sens des dispositions de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Il y a lieu par voie de conséquence de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La recevabilité de l'intervention du syndicat de valorisation et de promotion de la pisciculture (SVPP) Poitou Charentes Vendée est admise.

Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et au syndicat de valorisation et de promotion de la pisciculture Poitou Charentes Vendée.

Une copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.

La présidente-assesseure,

Bénédicte Martin La présidente-rapporteure,

Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX01767 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01767
Date de la décision : 31/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : RENNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-31;22bx01767 ?
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