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31/10/2024 | FRANCE | N°22BX01453

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 31 octobre 2024, 22BX01453


Vu la procédure suivante :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 mai 2022, 29 mars et 22 juin 2023, la société Centrale éolienne de Marsac, représentée par Me Duval, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 29 mars 2022 par lequel la préfète B... Creuse a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour exploiter, sur le territoire B... commune de Marsac, un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs et un poste de livraison ;



2°) à titre principal, de lui délivrer l'aut

orisation environnementale sur le fondement des articles L. 181- 1 et suivants du code de l'environnement, e...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 mai 2022, 29 mars et 22 juin 2023, la société Centrale éolienne de Marsac, représentée par Me Duval, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 29 mars 2022 par lequel la préfète B... Creuse a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour exploiter, sur le territoire B... commune de Marsac, un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs et un poste de livraison ;

2°) à titre principal, de lui délivrer l'autorisation environnementale sur le fondement des articles L. 181- 1 et suivants du code de l'environnement, et d'enjoindre à l'Etat de fixer, dans un délai de 30 jours à compter B... date de notification de l'arrêt, les prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés aux articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;

3°) à titre subsidiaire d'enjoindre à l'Etat, de lui délivrer l'autorisation environnementale sur le fondement des articles L. 181-1 et suivants du code de l'environnement, dans un délai de 30 jours à compter B... notification de l'arrêt, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'instruction est irrégulière pour avoir méconnu l'article R. 181-39 du code de l'environnement ; la préfète ne justifie pas avoir transmis dans les délais le rapport et les conclusions de l'enquête publique à la commission départementale B... nature, des paysages et des sites (CDNPS) ; la préfète a finalement renoncé à cet avis sans en exposer les raisons et après avoir proroger son délai de décision d'une durée de 6 mois ; la renonciation à solliciter l'avis B... CDNPS l'a privée d'une garantie procédurale et a pu exercer une influence sur le sens B... décision de l'administration ;

- l'enquête publique est irrégulière ; M. Truffy, président B... commission d'enquête a manqué à son obligation d'indépendance et d'impartialité ; ce manquement entache d'illégalité l'arrêté, qui vise expressément l'avis défavorable et alors que l'inspection des installations classées s'est réappropriée des éléments issus du rapport et des conclusions B... commission d'enquête en matière d'impacts paysagers ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreurs de droit et d'erreurs d'appréciation ;

- les références au dossier de demande d'autorisation d'exploiter (DDAE) du projet de Laurière se rapportent à des éléments extérieurs au projet, hors B... compétence territoriale et matérielle B... préfète, qui excède le cadre de sa saisine au titre de l'instruction ;

- la préfète vise des avis défavorables des communautés de communes, de Bénévent/Grand-Bourg dont relève la commune de Marsac, et celle d'ELAN Limousin Avenir Nature située sur le département limitrophe qui ne lui ont pas été communiqués et n'ont pas été joints au dossier d'enquête publique, révélant la méconnaissance du principe du contradictoire ;

- en examinant le DDAE au prisme d'un guide révisé, la préfète a commis une erreur de droit de nature à biaiser son appréciation ;

- la préfète omet de livrer une analyse en deux temps dès lors qu'elle ne caractérise aucun intérêt particulier ou remarquable des paysages et ne démontre aucune atteinte significative susceptible de révéler une méconnaissance des intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

- elle commet une erreur de droit en ne justifiant pas de l'impossibilité de prévenir d'éventuels dangers et inconvénients par des prescriptions ; les éléments patrimoniaux (église de Bénévent-l'Abbaye-Puy de Gaud) ne suffisent pas à conférer un caractère remarquable au paysage ; aucun site inscrit ou classé n'est présent au sein de l'aire d'étude rapprochée ; la zone d'implantation potentielle ne présente aucun attrait particulier ; le projet s'implante sur un territoire favorable au développement éolien et au sein d'une zone marquée par la ruralité ;

- l'étude d'impact restitue une approche maximisante du projet afin d'éviter toute critique tenant à un éventuel manque de sincérité des photomontages ou une sous-estimation de ses impacts, en particulier visuels ; la préfète procède à une appréciation erronée en retenant que le projet aurait un impact visuel sur les lieux de vie et serait " incompatible avec la commodité du voisinage " ;

- la préfète ne justifie pas de l'insuffisance ou du caractère inabouti de l'analyse paysagère, ni du défaut de représentativité des photomontages et de l'existence de doutes quant à la restitution sincère des impacts du projet ;

- l'impact résiduel est négligeable sur les paysages ; le projet est implanté conformément à l'article L. 515-44 du code de l'environnement, à plus de 500 mètres de toute construction à usage d'habitation ;

- les photomontages n° 23 et n° 24 ne révèlent pas d'" effet de prégnance " au point de révéler une méconnaissance des intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

- le guide relatif à l'élaboration des études d'impacts des projets éoliens terrestres (applicable au projet dans sa version de décembre 2016) ne pose aucune exigence de saisonnalité lors B... réalisation des photomontages et il n'est ni démontré ni allégué que la méthodologie utilisée par l'étude d'impact du projet ne serait pas conforme à ce guide ministériel ; elle n'était pas tenue de compléter le dossier par des photomontages en période hivernale ;

- s'agissant de l'église de Bénévent-l'Abbaye, aucune sensibilité n'est démontrée en matière de visibilité ou de covisibilité ; l'impact est nul à négligeable ;

- s'agissant du Puy du Gaud, depuis l'aire de pique-nique, le projet est perceptible en arrière-plan, dans une implantation linéaire régulière et harmonieuse, sans effet de surplomb ni rupture d'échelle ; le projet ne comporte aucun impact visuel significatif ;

- s'agissant de l'aire de valorisation de l'architecture et du patrimoine (" AVAP "), les éventuelles vues ne seront que très ponctuelles ; le projet ne sera pas visible aux alentours de l'église située au cœur de cette aire ;

- s'agissant des effets cumulés entre le projet et le parc de Laurière, le volet paysager n'identifie aucune saturation visuelle depuis le bourg de Marsac ou le hameau de Bois aux arrêts, ni d'effets cumulés ;

- l'absence de photomontages relatifs à l'église de Bénévent l'Abbaye ou au Puy du Gaud au dossier soumis à enquête publique ne saurait constituer une omission susceptible d'avoir nui à l'information du public ;

- l'implantation de l'éolienne E5 et la configuration du projet répondent à un souci de meilleure intégration du projet ; aucune rupture d'harmonie ne porte une atteinte significative au paysage ;

- la préfète n'a pas épuisé sa compétence en ne faisant pas l'effort d'établir d'éventuelles mesures complémentaires susceptibles de réduire ou de supprimer les éventuels impacts visuels du projet ou de justifier en quoi de telles mesures seraient impossibles, en méconnaissance de l'article L. 181-3 du code de l'environnement ;

- les recommandations émises par des organismes tels que la société française pour l'étude et la protection des mammifères (SFEPM) ou Eurobats sont dépourvues de toute valeur réglementaire ; les observations formulées par la ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ne remettent pas en cause la suffisance des mesures de réduction prise à l'égard de l'avifaune et du milan royal dès lors qu'elles ne reposent que sur des " probabilités " ;

- l'atteinte à la biodiversité n'est pas démontrée alors même que le site du projet présente plusieurs espèces protégées d'avifaune, de chiroptères ou de mammifères terrestres et se caractérise par des enjeux modérés à forts pour certaines d'entre elles ; le projet ne porte aucun impact résiduel significatif ni à l'avifaune, ni aux chiroptères, ni aux mammifères terrestres, ni aux zones humides ; outre les cinq mesures d'évitement et les huit mesures de réduction, elle s'engage à assurer un suivi environnemental relatif aux habitats naturels, aux comportements de l'avifaune nicheuse, migratrice et hivernante et des chiroptères ainsi qu'à la mortalité ; l'objectif est d'éviter la perte nette de biodiversité grâce à la restauration et au maintien d'une surface de zones humides plus importante que celle impactée, de façon effective dès la préparation du chantier, sur des parcelles à proximité de cette dernière et présentant des critères physiques, biologiques et fonctionnels similaires, notamment au vu de critères pédologique et botanique ;

- le risque de pollution accidentelle des eaux est très faible en phase chantier et nul en phase d'exploitation ; l'impact résiduel du projet sur le milieu physique est négligeable à l'égard des eaux souterraines et superficielles ; il ne ressort d'aucun élément de l'étude d'impact que la destruction des zones humides par leur assèchement serait une cause d'incendie ;

- si les émergences réglementaires acoustiques du projet sont dépassées en période nocturne, l'application d'une mesure de réduction consistant en un plan de bridage est de nature à rendre l'impact sonore résiduel négligeable ;

- l'association intervenante ne caractérise aucun impact significatif du projet en matière de sécurité.

- le projet n'est visible depuis aucun patrimoine classé ou inscrit.

Par un mémoire en intervention enregistré le 9 février 2023, l'association Creuse Environnement Sjpn, représentée par Me Monpion, conclut à la recevabilité de son intervention et au rejet B... requête.

Elle soutient que :

- elle a un intérêt à intervenir ;

- le projet est incompatible avec les intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; il présente un risque certain pour la biodiversité ; de très nombreuses espèces protégées seraient impactées, des zones humides abimées ou détruites ; des bois, se trouvent à moins de 100 mètres en bout de pales B... quasi-totalité des éoliennes (sauf E2 à moins de 200 m) ; le projet est installé sur et perpendiculairement à un axe migratoire majeur (grues cendrées, cigognes, chiroptères, ...) avec de nombreuse zones de posés et de haltes à proximité immédiate ; sa longueur (1,8 km) supérieure à 1 km ne présente pas de trouée d'au moins 1 000 mètres; le rotor est d'un diamètre (120 m) supérieur à 90 mètres, déconseillé vis-à-vis des chiroptères ; les distances en bout de pales sont inférieures à 100 mètres vis-à-vis des lieux boisés pour la quasi-totalité des éoliennes (E1à E5, sauf E2 à environ 200 m) ;

- le projet présente un risque de pollution des sols compte tenu du lit de l'Ardour, affluent B... Gartempe (zone Natura 2000) situé en contrebas B... centrale et à moins de 200 mètres ; cet affluent est relié à l'étang B... Brousse en amont par un réseau hydrologique qui traverse l'axe B... centrale ; les emplacements des éoliennes E1, E4, E5 sont tous à proximité des zones humides et des ruisselets où se développent la faune et la flore d'une grande diversité, qui seraient ainsi menacées ;

- l'installation des éoliennes à proximité de zones boisées ou sur des prairies ne serait pas conforme au principe de prévention ;

- l'étude d'impact concernant le réseau hydrologique apparaît lacunaire et sous-estime les risques ;

- le volet paysager de l'étude d'impact présente des photos non significatives de l'impact réel ; un certain nombre d'inexactitudes, d'incohérences, d'imprécisions et d'approximations dans le volet paysager affecte l'étude d'impact ;

- l'étude acoustique se révèle lacunaire ; les mesures de bruits de l'étude acoustique sont insuffisantes pour en évaluer l'impact ; une surestimation du bruit résiduel est de nature à minimiser la réalité des dépassements de seuils ; une seule période d'étude a été conduite ; l'étude acoustique est peu représentative B... réalité et ne prend pas en compte la direction des vents ;

- le projet constitue un danger pour la santé en raison du bruit ; le projet dépasse les seuils réglementaires avec une forte récurrence, et nécessite des réductions importantes qui auront nécessairement un impact fort sur la production électrique ;

- les aérogénérateurs sont trop proches des voies et des habitations ; la sécurité des personnes est ignorée ; une centaine d'habitations se trouvent à moins de 1 000 mètres des éoliennes et plus de 400 habitations à moins de 1 500 mètres, pour beaucoup avec vue ouverte et directe sur ces machines ; la sûreté technologique n'est jamais démontrée ;

- les atteintes paysagères du projet sont démontrées ; l'impact paysager potentiel du projet est réel car visible de partout à Marsac et ses environs, de Bénévent jusqu'aux monts d'Ambazac et des villages avoisinants, notamment de Laurière ;

- les atteintes patrimoniales du projet sont démontrées.

Par un mémoire en intervention enregistré le 7 avril 2023, M. et Mme A... C..., représentés par Me Monpion, concluent à la recevabilité de leur intervention et au rejet B... requête.

Ils soutiennent que :

- ils ont un intérêt à intervenir ;

- le projet est incompatible avec les intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; il présente un risque certain pour la biodiversité ; de très nombreuses espèces protégées seraient impactées, des zones humides abimées ou détruites ; des bois, se trouvent à moins de 100 mètres en bout de pales B... quasi-totalité des éoliennes (sauf E2 à moins de 200 m) ; le projet est installé sur et perpendiculairement à un axe migratoire majeur (grues cendrées, cigognes, chiroptères, ...) avec de nombreuse zones de posés et de haltes à proximité immédiate ; sa longueur (1,8 km) supérieure à 1 km ne présente pas de trouée d'au moins 1 000 mètres; le rotor est d'un diamètre (120 m) supérieur à 90 mètres, déconseillé vis-à-vis des chiroptères ; les distances en bout de pales sont inférieures à 100 mètres vis-à-vis des lieux boisés pour la quasi-totalité des éoliennes (E1à E5, sauf E2 à environ 200 m) ;

- le projet présente un risque de pollution des sols compte tenu du lit de l'Ardour, affluent B... Gartempe (zone Natura 2000) situé en contrebas B... centrale et à moins de 200 mètres ; cet affluent est relié à l'étang B... Brousse en amont par un réseau hydrologique qui traverse l'axe B... centrale ; les emplacements des éoliennes E1, E4, E5 sont tous à proximité des zones humides et des ruisselets où se développent la faune et la flore d'une grande diversité, qui seraient ainsi menacées ;

- l'installation des éoliennes à proximité de zones boisées ou sur des prairies ne serait pas conforme au principe de prévention ;

- l'étude d'impact concernant le réseau hydrologique apparaît lacunaire et sous-estime les risques ;

- le volet paysager de l'étude d'impact présente des photos non significatives de l'impact réel ; un certain nombre d'inexactitudes, d'incohérences, d'imprécisions et d'approximations dans le volet paysager affecte l'étude d'impact ;

- l'étude acoustique se révèle lacunaire ; les mesures de bruits de l'étude acoustique sont insuffisantes pour en évaluer l'impact ; une surestimation du bruit résiduel est de nature à minimiser la réalité des dépassements de seuils ; une seule période d'étude a été conduite ; l'étude acoustique est peu représentative B... réalité et ne prend pas en compte la direction des vents ;

- le projet constitue un danger pour la santé en raison du bruit ; le projet dépasse les seuils réglementaires avec une forte récurrence, et nécessite des réductions importantes qui auront nécessairement un impact fort sur la production électrique ;

- les aérogénérateurs sont trop proches des voies et des habitations ; la sécurité des personnes est ignorée ; une centaine d'habitations se trouvent à moins de 1 000 mètres des éoliennes et plus de 400 habitations à moins de 1 500 mètres, pour beaucoup avec vue ouverte et directe sur ces machines ; la sûreté technologique n'est jamais démontrée ;

- les atteintes paysagères du projet sont démontrées ; l'impact paysager potentiel du projet est réel car visible de partout à Marsac et ses environs, de Bénévent jusqu'aux monts d'Ambazac et des villages avoisinants, notamment de Laurière ;

- les atteintes patrimoniales du projet sont démontrées.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er juin 2023, le ministre B... transition écologique et B... cohésion des territoires conclut au rejet B... requête et dans l'hypothèse d'une annulation, à ce qu'il soit seulement enjoint au préfet B... Creuse de procéder à un nouvel examen B... demande d'autorisation.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Centrale éolienne de Marsac ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 23 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 juillet 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2024 :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Reynaud, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lenormand, représentant la société Centrale éolienne de Marsac et de Me Saint-Martin, représentant l'association Creuse Environnement SJPN et M. et Mme C....

Une note en délibéré présentée par la société Centrale éolienne de Marsac a été enregistrée le 8 octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La société Centrale éolienne de Marsac a déposé le 27 décembre 2018 une demande d'autorisation environnementale, complétée le 30 décembre 2021, pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien composé de cinq éoliennes d'une hauteur en bout de pale de 180 mètres et d'un poste de livraison sur le territoire B... commune de Marsac. Par un arrêté du 29 mars 2022, la préfète B... Creuse a rejeté sa demande d'autorisation environnementale. La société Centrale éolienne de Marsac demande l'annulation de cet arrêté.

Sur l'intervention :

2. Est recevable à former une intervention devant le juge du fond toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.

3. Il résulte de l'article 2 de ses statuts, adoptés le 20 septembre 2017, que l'association Creuse Environnement SJPN a pour buts la protection des espaces naturels, du patrimoine bâti, des sites et des paysages du département B... Creuse, plus particulièrement de Marsac et des communes avoisinantes ainsi que la lutte, y compris par toute action en justice, contre les projets d'installations industrielles, notamment les parcs éoliens. Dès lors, eu égard aux intérêts qu'elle se donne pour mission de défendre et au ressort géographique de son action, au cœur duquel se situe le projet d'implantation du site éolien en litige, cette association justifie d'un intérêt suffisant à intervenir au soutien des conclusions en défense, même postérieures, présentées par l'Etat. Il en résulte que l'intervention présentée par cette association est recevable.

4. Il résulte de l'instruction que M. et Mme C... sont propriétaires d'une maison d'habitation située sur le territoire B... commune de Marsac au lieu-dit " Sous-Fransour " à une distance d'environ 650 mètres de l'éolienne la plus proche, sur laquelle ils auront une visibilité directe. Par suite, ils justifient d'un intérêt suffisant pour intervenir, comme ils le précisent dans leur mémoire du 7 avril 2023, au soutien des conclusions des requérants tendant au rejet B... requête.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'enquête publique :

5. En premier lieu, l'alinéa 1er de l'article R. 123-4 du code de l'environnement dispose : " Ne peuvent être désignés comme commissaire enquêteur ou membre d'une commission d'enquête les personnes intéressées au projet, plan ou programme soit à titre personnel, soit en raison des fonctions qu'elles exercent ou ont exercées depuis moins de cinq ans, notamment au sein B... collectivité, de l'organisme ou du service qui assure la maîtrise d'ouvrage, la maîtrise d'œuvre ou le contrôle du projet, plan ou programme soumis à enquête, ou au sein d'associations ou organismes directement concernés par cette opération. ".

6. Il résulte de l'instruction que la commission d'enquête, qui a rendu un avis défavorable, était composée de trois membres. Si le président de cette commission, M. Truffy, était au moment de sa désignation président de l'association " Chant de Pierres ", située à Saint-Pardoux-Morterolles, à 38 km B... commune de Marsac, dont l'objet social est la préservation et la mise en valeur du patrimoine local, " qu'il soit d'ordre du paysage, du bâti, B... vie agricole ou artisanal et du domaine culturel en général ", la seule circonstance que cette personne soit responsable d'une association veillant au respect du patrimoine local et qu'à ce titre, elle ait participé au mois de janvier 2018 à une conférence sur un projet éolien à l'étude dans la commune, lieu du siège de l'association, ne permet pas d'établir qu'elle aurait eu un quelconque intérêt personnel ou professionnel dans l'opération pour laquelle l'enquête publique a été diligentée. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ce membre B... commission ne présentait pas les garanties d'indépendance et d'impartialité exigées par les dispositions de l'article R. 123-4 du code de l'environnement.

7. En second lieu, aux termes de l'article R. 181-38 du code de l'environnement : " Dès le début B... phase de consultation du public, le préfet demande l'avis du conseil municipal des communes mentionnées au III de l'article R. 123-11 ou au I de l'article R. 123-46-1 et des autres collectivités territoriales, ainsi que de leurs groupements, qu'il estime intéressés par le projet, notamment au regard des incidences environnementales notables de celui-ci sur leur territoire. Ne peuvent être pris en considération que les avis exprimés au plus tard dans les quinze jours suivant la clôture de l'enquête publique ou B... consultation du public réalisée conformément aux dispositions de l'article L. 123-19. " et aux termes du premier alinéa de l'article R. 181-40 du même code : " Le projet d'arrêté statuant sur la demande d'autorisation environnementale est communiqué par le préfet au pétitionnaire, qui dispose de quinze jours pour présenter ses observations éventuelles par écrit. ".

8. Il n'est pas contesté que les conseils communautaires des communautés de communes Bénévent-Grand-Bourg, dont relève la commune de Marsac, et ELAN Limousin Avenir Nature, dont une partie du ressort se situe dans le périmètre de l'aire d'étude rapprochée ont respectivement émis leur avis défavorable les 10 juin et 20 mai 2021. Contrairement à ce que soutient la société pétitionnaire, le dossier soumis à l'enquête publique n'avait pas à comporter les avis de ces collectivités.

En ce qui concerne la prise en compte de l'avis B... commission d'enquête :

9. La circonstance que la préfète B... Creuse vise dans l'arrêté contesté l'avis défavorable B... commission et renvoie très ponctuellement à ses remarques (§36) ne permet pas d'estimer qu'elle se serait sentie liée par le sens de cet avis ou par l'analyse de l'impact paysager retenu par la commission d'enquête. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 181-39 du code de l'environnement :

10. Aux termes de l'article R. 341-16 du code de l'environnement : " La commission départementale B... nature, des paysages et des sites concourt à la protection B... nature, à la préservation des paysages, des sites et du cadre de vie et contribue à une gestion équilibrée des ressources naturelles, et de l'espace dans un souci de développement durable. (...) " et aux termes de l'article R. 181-39 du même code: " Dans les quinze jours suivant l'envoi par le préfet au pétitionnaire du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur, ou B... synthèse des observations et propositions du public lorsque la consultation du public est réalisée conformément aux dispositions de l'article L. 123-19, le préfet transmet pour information la note de présentation non technique B... demande d'autorisation environnementale ainsi que les conclusions motivées du commissaire enquêteur ou la synthèse des observations et propositions du public : /1° A la commission départementale B... nature, des paysages et des sites, lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur une carrière et ses installations annexes ou une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ; (...)/ Le préfet peut également solliciter l'avis B... commission ou du conseil susmentionnés sur les prescriptions dont il envisage d'assortir l'autorisation ou sur le refus qu'il prévoit d'opposer à la demande. Il en informe le pétitionnaire au moins huit jours avant la réunion B... commission ou du conseil, lui en indique la date et le lieu, lui transmet le projet qui fait l'objet B... demande d'avis et l'informe B... faculté qui lui est offerte de se faire entendre ou représenter lors de cette réunion B... commission ou du conseil. " et aux termes de l'article R. 181-41 du code, dans sa rédaction applicable à la décision en litige : " Le préfet statue sur la demande d'autorisation environnementale : / 1° Dans les deux mois à compter du jour de l'envoi par le préfet au pétitionnaire du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur en application de l'article R. 123-21, sous réserve des dispositions de l'article R. 214-95, ou B... synthèse des observations et propositions du public en application du II de l'article R. 123-46-1 ; (...)/ Ce délai est toutefois prolongé d'un mois lorsque l'avis B... commission départementale B... nature, des paysages et des sites ou celui du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques est sollicité sur le fondement de l'article R. 181-39. /Ces délais peuvent être prorogés par arrêté motivé du préfet dans la limite de deux mois, ou pour une durée supérieure si le pétitionnaire donne son accord. (...) ".

11. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

12. D'une part, à supposer que le préfet n'aurait pas satisfait à l'information B... commission départementale B... nature, des paysages et des sites (CDNPS) prévue au 1er alinéa des dispositions précitées de l'article R. 181-39 du code de l'environnement, cette circonstance n'a été susceptible ni d'exercer une influence sur le sens B... décision, ni de priver la société requérante d'une garantie.

13. D'autre part, il résulte de l'instruction que la société Centrale éolienne de Marsac a déposé le 27 décembre 2018 une demande d'autorisation environnementale en vue B... construction et de l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire B... commune de Marsac, complétée le 10 avril 2020. L'instruction B... demande a été prorogée par un arrêté B... préfète B... Creuse du 13 septembre 2021 d'un délai de six mois, à compter de cette date, la société pétitionnaire ayant donné son accord par lettre du 18 août 2021, au motif que l'instruction du dossier n'était pas achevée et que le dossier serait soumis à la CDNPS. Si la préfète B... Creuse a laissé entendre, dans son courrier du 30 août 2021, qu'elle souhaitait solliciter l'avis B... CDNPS avant de rendre sa décision, sur le fondement du 2ème alinéa des dispositions précitées de l'article R. 181-39 du code de l'environnement, elle doit être regardée comme ayant finalement renoncé à la saisine de cette commission pour avis, qui est facultative.

14. Dans ces conditions, l'irrégularité de procédure tiré B... méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 181-39 du code de l'environnement doit être écartée.

En ce qui concerne le respect B... procédure contradictoire :

15. Il résulte de l'instruction que le 7 mars 2022, la société pétitionnaire a pris connaissance du projet d'arrêté rejetant sa demande d'autorisation d'exploitation d'un parc éolien dans la commune de Marsac et a présenté ses observations par courrier du 18 mars 2022, aucune disposition légale ou réglementaire n'imposant à l'administration de recueillir ses observations orales. Par suite, le moyen tiré B... méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré B... méconnaissance de l'article R. 181-16 du code de l'environnement :

16. Aux termes de l'article R. 181-16 du code de l'environnement : " (...) Lorsque l'instruction fait apparaître que le dossier n'est pas complet ou régulier, ou ne comporte pas les éléments suffisants pour en poursuivre l'examen, le préfet invite le demandeur à compléter ou régulariser le dossier dans un délai qu'il fixe. (...) ". Aux termes de l'article R. 181-34 du même code : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / 1° Lorsque, malgré la ou les demandes de régularisation qui ont été adressées au pétitionnaire, le dossier est demeuré incomplet ou irrégulier ; (...) ".

17. Il résulte de l'instruction que pour rejeter la demande B... société pétitionnaire, la préfète ne s'est pas seulement fondée sur le caractère incomplet du dossier de demande, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'aménagement et d'exploitation du projet, ainsi que ses modalités d'implantation, ne permettaient pas de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement. Si la société requérante soutient que la prescription de mesures complémentaires aurait permis de réduire les éventuels impacts visuels du projet ou de justifier en quoi de telles mesures seraient impossibles, il résulte toutefois de l'instruction que, par lettre du 28 mai 2019, la préfète a, compte tenu du dossier " incomplet et irrégulier ", invité l'intéressée à produire des compléments et correctifs pour pallier les insuffisances constatées. Des compléments ont ainsi été apportés par la société Centrale éolienne de Marsac au mois d'août 2019. Par suite, à le supposer soulevé, le moyen tiré de ce que la préfète n'a pas épuisé sa compétence doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne le motif tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact :

18. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au projet : " I. Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale B... zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. /II. En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire (...) 2° Une description du projet, y compris en particulier :/- une description B... localisation du projet ;/- une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet, y compris, le cas échéant, des travaux de démolition nécessaires, et des exigences en matière d'utilisation des terres lors des phases de construction et de fonctionnement ; (...)/3° Une description des aspects pertinents de l'état actuel de l'environnement, dénommée "scénario de référence", et de leur évolution en cas de mise en œuvre du projet ainsi qu'un aperçu de l'évolution probable de l'environnement en l'absence de mise en œuvre du projet, dans la mesure où les changements naturels par rapport au scénario de référence peuvent être évalués moyennant un effort raisonnable sur la base des informations environnementales et des connaissances scientifiques disponibles ;/ 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ;/5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : /a) B... construction et de l'existence du projet, y compris, le cas échéant, des travaux de démolition ;(...)/d) Des risques pour la santé humaine, pour le patrimoine culturel ou pour l'environnement ; /e) Du cumul des incidences avec d'autres projets existants ou approuvés, en tenant compte le cas échéant des problèmes environnementaux relatifs à l'utilisation des ressources naturelles et des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement susceptibles d'être touchées. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact :/- ont fait l'objet d'une étude d'incidence environnementale au titre de l'article R. 181-14 et d'une enquête publique ;/- ont fait l'objet d'une évaluation environnementale au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité environnementale a été rendu public.(...) ".

19. L'étude d'impact décrit et localise l'implantation de cinq éoliennes d'une hauteur en bout de pale de 180 m, s'étirant sur une ligne continue, orientée nord-ouest/sud-est, à l'ouest du bourg B... commune de Marsac. Plus de trente-cinq photomontages ont été réalisés et regroupés par thèmes : axes de communication, zones urbanisées, lieux de vie, sites classés, monuments inscrits ou classés au titre des monuments historiques, au sein des aires d'étude éloignée et rapprochée. Par courrier du 28 mai 2019, la préfète B... Creuse a sollicité B... société Centrale éolienne de Marsac des compléments d'information, notamment sur les distances entre éoliennes et habitations les plus proches, auquel il a été répondu au mois d'août 2019. Les photomontages ont également été complétés s'agissant B... covisibilité du projet avec la commune de Bénévent-l'Abbaye. Toutefois, malgré ces compléments, la préfète B... Creuse a notamment fondé son refus sur l'insuffisance de l'étude d'impact, laquelle ne lui a permis d'apprécier ni l'impact visuel du projet sur les lieux de vie, ni l'absence de covisibilité avec certains monuments protégés ou sites présentant un intérêt local.

20. En premier lieu, l'arrêté attaqué se réfère, s'agissant de l'impact sur les lieux de vie proches et les rapports d'échelle, au " guide relatif à l'élaboration des études d'impact des projets de parc éoliens " révisé en octobre 2020, lequel se borne à reprendre, en des termes plus concis, la version de décembre 2016 et énonce en son point 4.8.2 " Choix des points de vue " que " s'il est fortement recommandé de ne pas multiplier inutilement les points de vue ", le pétitionnaire " est invité à proposer un panel de points de vue représentatifs ". Il en ressort que la préfète B... Creuse a tenu compte d'une méthodologie, reprise par les services de l'État depuis plusieurs années, et d'ailleurs aussi par les cabinets d'études, qui bien que ne résultant d'aucun texte réglementaire, permet de définir et de quantifier l'impact visuel sur les lieux de vie. Alors même que ce guide ne préconise pas des prises de vue en toutes saisons, il apparaît, en l'espèce, que la préfète a pu estimer, sans commettre d'erreur de droit, que l'étude d'impact devait, pour être suffisante, être complétée par une démonstration davantage illustrée de l'impact visuel du projet sur les lieux de vie les plus proches.

21. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'une trentaine de zones habitées se trouve dans un rayon de 2 km autour du projet, et que des habitations dans les hameaux de Sous-Fransour ou Malval sont situées à 512 m et 544 m du projet. La sortie du bourg de Marsac est distante de 600 mètres B... première éolienne. Alors que les photomontages révèlent la position de dominance de certaines éoliennes du projet dans le paysage, compte tenu B... faible distance, B... taille des machines et du paysage naturel très peu anthropisé, les deux autres projets éoliens de Bersac sur Rivalier et de Laurière se trouvant respectivement à 12 km et à 3 km, au sein de l'aire d'étude éloignée, les prises de vue, réalisées avec des arbres et des arbustes en pleine végétation, ne permettent pas d'évaluer les inconvénients du projet sur la commodité du voisinage. S'agissant par exemple du hameau du Jourdaneix, distant de 986 m, le photomontage fait apparaître les pales des éoliennes E5 et E4 derrière la végétation sans aucune figuration des trois autres aérogénérateurs, réputés disparaître " derrière la végétation ", ce qui conduit le pétitionnaire à conclure de manière hâtive " à aucun effet de surplomb de l'observateur ou d'effet de saturation visuelle du paysage et de l'horizon ". D'autres photomontages ne marquent pas la position des éoliennes au motif de leur invisibilité et qu'elles " occupent une place très réduite dans le paysage ". Il en est de même du photomontage 21, au niveau du hameau du Triat, figurant seulement trois éoliennes sur cinq, les deux restantes étant masquées par un sapin, du photomontage 26 depuis le Bois aux arrêts, distant de 850 m, affichant seulement l'éolienne E5, sans faire apparaître les quatre autres, " implantées à l'arrière-plan ". Aucun photomontage n'est produit pour les hameaux B... Faye et de Malval, ni pour ceux des Rorgues et Puy Gerbon, pourtant proches du projet et identifiés par l'étude d'impact comme zones d'habitat dans l'aire d'étude rapprochée. Alors que le commentaire du photomontage 23, pris B... ferme de Sous-Fransour, à 494 m B... E3, constate que " les éoliennes sont largement visibles ", il en déduit de manière absconse que " cette implantation permet un effet de seuil dans le paysage qui met en valeur l'arrière-plan ". D'ailleurs, la mission régionale d'autorité environnementale, dans son avis du 1er septembre 2020, indiquait que " tous les photomontages sont présentés avec des arbres en pleine végétation " et recommandait d'attirer l'attention du public sur ce point et de compléter le dossier avec des photomontages en période hivernale. La société Centrale éolienne de Marsac a répondu le 9 novembre 2020 en rappelant la méthode utilisée et en estimant que " la réalisation de photomontages supplémentaires ne changera pas l'analyse et les conclusions de l'étude ". Contrairement à ce qu'elle soutient, en énonçant que dans les cas où les éoliennes sont dissimulées par des éléments du paysage, elle intègre les " filaires " qui permettent de se représenter les éoliennes sur la photo même si elles sont dissimulées par un élément du paysage, il résulte des exemples énoncés précédemment que cette figuration a parfois été omise. Au surplus, la commission d'enquête a noté dans son rapport du 23 juin 2021 que " concernant l'impact par rapport aux parties urbanisées des communes concernées, le document ne cerne pas véritablement les spécificités de l'urbanisation dans la zone de vision proche, ce qui ne permet pas d'identifier clairement l'impact du projet par rapport à l'unité paysagère créée entre le relief, le paysage environnant, la qualité du bâti. ".

22. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, l'étude d'impact recense cinq monuments inscrits ou classés dans un rayon de moins de 5 km B... zone d'implantation potentielle, parmi lesquels à Bénévent-l'Abbaye, la fontaine inscrite par arrêté du 15 juin 1926 et l'église Saint-Barthélemy, classée par liste de 1862. La commune de Bénévent-l'Abbaye possède une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP), renommée site patrimonial remarquable (SPR) depuis la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, au sujet duquel l'étude prévoit de " vérifier " la visibilité et covisibilité. Il résulte de l'instruction, notamment du complément de photomontages relatif à la commune de Bénévent-l'Abbaye, que l'église est distante de 4, 9 km du projet éolien. Selon le photomontage 28-c, pris depuis la place du village, les éoliennes ne sont pas visibles, car masquées par un bâtiment. Si la façade opposée de l'église profite, compte tenu de sa situation sur un éperon rocheux, d'une vue lointaine et dégagée sur le paysage, les seuls points de vue (photomontages 28 b, 28e, 28 g) pris depuis une aire de pique-nique et depuis une " petite route qui mène au cimetière ", situées respectivement à l'est et au nord de Bénévent-l'Abbaye, ne permettent pas de s'assurer du caractère restreint de l'influence visuelle sur le patrimoine protégé. Enfin, il ne résulte pas des pièces produites que des photomontages auraient examiné l'impact du projet éolien sur le Puy de Gaud, lieu-dit situé sur le territoire B... commune de Bénévent-l'Abbaye, qui culmine à 543 mètres et offre un large point de vue sur les monts B... Marche, du Limousin et de l'Auvergne. Ainsi que le relève d'ailleurs la commission d'enquête, " si la variante du projet proposée est bien intégrée dans le paysage concerné, elle se situe dans un secteur à haut potentiel patrimonial pour lequel l'analyse n'apparaît parfois pas assez approfondie compte tenu des enjeux " d'impacts visuels potentiels importants.

23. Dans ces conditions, la préfète B... Creuse était fondée à refuser l'autorisation sollicitée au motif de l'insuffisance de l'étude d'impact quant aux incidences que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement, la population ainsi que pour le patrimoine culturel.

24. Il résulte de ce qui précède que le seul motif, tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact, suffit à justifier le refus opposé à la demande d'autorisation présentée par la société Centrale éolienne de Marsac. Cette dernière n'est par suite pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté B... préfète B... Creuse du 29 mars 2022.

Sur les conclusions tendant à la délivrance de l'autorisation sollicitée et celles aux fins d'injonction :

25. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions B... société Centrale éolienne de Marsac tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2022, n'implique ni la délivrance par la cour de l'autorisation sollicitée, ni qu'il soit enjoint à l'Etat de lui délivrer l'autorisation environnementale sous astreinte. Par voie de conséquence, les conclusions B... société requérante aux fins de délivrance de l'autorisation sollicitée ainsi que celles, subsidiaires, aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Centrale éolienne de Marsac demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les interventions de l'association Creuse Environnement SJPN et de M. et Mme C... sont admises.

Article 2 : La requête B... société Centrale éolienne de Marsac est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Centrale éolienne de Marsac, à la ministre B... transition écologique, de l'énergie, du climat et B... prévention des risques, à l'association Creuse Environnement SJPN et à M. et Mme A... C....

Copie en sera adressée à la préfète B... Creuse.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.

La rapporteure,

Bénédicte D...La présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,

Laurence Mindine La République mande et ordonne au ministre B... transition écologique, de l'énergie, du climat et B... prévention des risques, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01453


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01453
Date de la décision : 31/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : MONPION

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-31;22bx01453 ?
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