Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2305671 du 18 mars 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 avril 2024, le préfet de la Gironde demande à la cour d'annuler le jugement n° 2305671 du tribunal administratif de Bordeaux du 18 mars 2024 et de rejeter la demande de Mme B....
Il soutient que le motif d'annulation retenu par le tribunal et tiré de l'atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de Mme D... B... en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est erroné.
Par un mémoire en défense et des pièces enregistrés les 22 et 27 mai 2024, Mme D... B..., représentée par Me Trebesses, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens du requérant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 23 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 6 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... B..., ressortissante de la République du Congo, née le 12 juillet 1988, a déposé le 27 janvier 2022, une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 octobre 2023, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n°2305671 du 18 mars 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Gironde de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Par la présente requête, le préfet de la Gironde demande l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande de Mme D... B....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que pour annuler l'arrêté du 2 octobre 2023, les premiers juges ont retenu que la décision de refus de séjour contestée méconnaissait les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et portait une atteinte disproportionnée au droit de Mme D... B... au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ont annulé, par voie de conséquence, l'ensemble des autres décisions contenues dans l'arrêté.
3. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
4. Mme D... B..., âgée de 35 ans à la date de la décision contestée, est, d'après ses déclarations, entrée irrégulièrement en France le 8 mars 2015 accompagnée de sa fille née le 5 octobre 2011. Il ressort des pièces du dossier qu'elle a déposé une demande d'asile, définitivement rejetée le 13 juillet 2017. Elle a fait l'objet, par arrêté de la préfète de la Gironde du 3 mai 2019, d'un premier refus de titre de séjour, accompagné d'une première mesure d'éloignement, qu'elle n'a pas exécutée. Elle a par ailleurs déclaré dans le formulaire de demande de titre de séjour en litige que, contrairement à ce qu'elle allègue en appel, ses parents et quatre de ses frères et sœurs résident au Congo, pays dans lequel elle conserve par conséquent un noyau familial. Toutefois, elle justifie de sa présence en France depuis un peu plus de 8 ans à la date de la décision attaquée ainsi que de sa relation affective depuis, à minima 4 ans (octobre 2019) avec M. A..., ressortissant de la République démocratique du Congo, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2029 et qui a ainsi vocation à rester sur le territoire français. Il ressort des pièces du dossier que le couple s'est pacsé le 11 janvier 2022 et que M. A... contribue à l'entretien et l'éducation de la fille de Mme D... B... âgée de 9 ans, scolarisée en France depuis 2015, en s'acquittant notamment des frais de scolarité de cette dernière. Il ressort ainsi des pièces du dossier que les intéressés forment un foyer stable, aux besoins duquel les ressources de M. A... subviennent. Enfin, comme relevé par les premiers juges, il ressort des pièces du dossier, et notamment des attestations de voisins et du certificat de bénévolat hebdomadaire au secours populaire depuis octobre 2021 que Mme D... B..., dont le français est la langue maternelle, est intégrée dans la société française. Dans ces conditions, et dans les circonstances de l'espèce, la décision de refus de séjour contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Gironde n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé l'annulation de l'arrêté préfectoral du 2 octobre 2023.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme D... B... de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Gironde est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Mme D... B... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.
La rapporteure,
Héloïse C...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00834