Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté en date du 10 août 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans à compter de l'exécution de cette décision ou, à défaut, de l'abroger.
Par un jugement n° 2305078 du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mars 2024, M. A..., représenté par Me Pornon-Weidknnet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2305078 du tribunal administratif de Bordeaux du 30 novembre 2023 ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 10 août 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans à compter de l'exécution de cette décision ou, subsidiairement, de l'abroger ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler dans un délai de 15 jours et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois et lui remettre dans l'attente un récépissé avec autorisation de travail sous les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le préfet a commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il justifie d'un motif exceptionnel de régularisation par le travail, ne représente pas une menace à l'ordre public et justifie encore d'une intégration suffisante ; il justifie enfin d'un motif exceptionnel de régularisation en raison de considérations humanitaires ; le tribunal a commis une erreur de droit dans l'appréciation de ces dispositions ;
- l'arrêté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- subsidiairement, de nouvelles circonstances de droit et de fait justifient l'abrogation de l'arrêté ; son état de santé s'est récemment aggravé et il ne peut recevoir effectivement de traitement dans son pays d'origine ; l'arrêté sera donc annulé en ce qu'il est contraire aux dispositions de l'article L. 611-3-9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur au jour de l'arrêté préfectoral et subsidiairement, sera abrogé en raison de la demande de titre de séjour étranger malade déposée le 12 mars 2024 pour traitement au Tenofovir contre l'hépatite B.
Par ordonnance du 2 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 2 septembre 2024 à 12 heures.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens développés ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du 1er février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique ;
- le rapport de M. Nicolas Normand ;
- les observations de Maître Pornon-Weidknnet, représentant M. A..., lequel était également présent et a également présenté des observations.
Une note en délibéré a été enregistrée le 4 octobre 2024, présentée pour M. A... par Me Pornon-Weidknnet.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant guinéen né en 1992, déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français le 20 juillet 2018. Le 9 août 2018, il a sollicité le bénéfice de l'asile. Par une décision du 31 mai 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande et ce rejet a été confirmé par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 4 mars 2020. Le 28 octobre 2021, il a fait l'objet d'une première décision portant obligation de quitter le territoire français. Il n'a pas exécuté cette mesure d'éloignement et le 6 juin 2023, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 août 2023, le préfet a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans à compter de l'exécution de cette décision. M. A... relève appel du jugement du 30 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ". En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
3. D'une part, M. A... se prévaut de ce que sa compagne a demandé l'asile en France en raison de mutilations génitales et de violences sexuelles qu'elle a subies en Guinée, leur pays d'origine commun, de l'état de stress post-traumatique dans lequel elle se trouve nécessitant un accompagnement psychiatrique et de ce que sa présence aux côtés de celle-ci est nécessaire pour la soulager et gérer ses rendez-vous médicaux et administratifs et éviter que la faiblesse psychologique de la mère n'induise des troubles de développement psychologiques pour leur fils en bas âge. Il se prévaut également de ce qu'il contribue à l'entretien et l'éducation de leur fils depuis sa naissance. Toutefois et d'une part, l'enfant du couple est né postérieurement à l'arrêté attaqué. D'autre part, si l'état pathologique de sa compagne est corroboré tant par une attestation de l'association " Les Orchidées Rouges ", institut médico-psychosocial spécialisé dans la prise en charge globale des femmes et filles survivantes de mutilations sexuelles et de mariage forcé, en date du 6 décembre 2023, que par différents certificats médicaux et qu'un certificat médical établi le 29 septembre 2023 par le docteur B..., exerçant au centre hospitalier Charles Perrens mentionne que l'état de santé de la compagne de M. A..., qui se voit prescrire des antidépresseurs et psychotropes, nécessite sa présence auprès d'elle et de l'enfant, les intéressés ne partagent toutefois pas une communauté de vie effective dès lors que le requérant est hébergé par un compatriote tandis que sa compagne réside dans un centre d'accueil de demandeurs d'asile (CADA). Par suite, en l'absence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels tenant au respect de la vie et familiale du requérant, la décision attaquée, dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. D'autre part, M. A... se prévaut de motifs exceptionnels de nature à justifier, selon lui, sa régularisation par le travail en faisant valoir qu'il réside en France depuis l'été 2018, a travaillé plus de neuf mois sur les vingt-quatre derniers mois précédent sa demande de titre de séjour dans le cadre d'un contrat à durée déterminée comme opérateur en bâtiment, possède une promesse d'embauche en date du 17 janvier 2023 pour un contrat à durée indéterminée, a présenté une demande d'autorisation de travail et possède un diplôme guinéen en maçonnerie correspondant à un métier en tension qualifié. A cet égard, même si la fraude documentaire commise par M. A... pour travailler dans la société Mat in Bat, invoquée par le préfet et non contestée en son principe par le requérant, n'interdit pas, par elle-même, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les éléments précités avancés par le requérant ne constituent pas des motifs exceptionnels de nature à justifier une régularisation par le travail.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure (...) nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre (...) " et aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est présent en France depuis 2018, que sa compagne, compatriote guinéenne, qui demande le bénéfice de l'asile, est en situation post traumatique et que le couple a donné naissance à un enfant le 24 août 2023 vis-à-vis duquel le requérant établit qu'il contribue à son entretien et son éducation. L'intéressé possède également une promesse d'embauche en date du 17 janvier 2023 pour un contrat à durée indéterminée en qualité de peintre en bâtiment avec la société Mat in Bat. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le séjour de sa compagne n'est justifié que par l'instruction de sa demande d'asile, qu'ainsi qu'il a été indiqué au point 4 du présent jugement, les intéressés ne partagent pas une communauté de vie effective et que leur enfant est né postérieurement à l'arrêté attaqué. De même, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, en se bornant à produire, encore, une lettre de recommandation de son employeur, deux attestations de collègues de travail peu étayées, des preuves de bénévolat et une adhésion à un club de football, M. A... ne justifie pas d'une intégration particulièrement intense dans la société française. Enfin, M. A... n'est pas isolé dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans et où résident toujours son père et sa fratrie. Par suite, la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. L'enfant de M. A... n'était pas encore né à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été édicté. Par suite, et dès lors que la légalité de la décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 doit être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : [...] 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".
10. A l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées, le requérant fait valoir qu'il souffre depuis 2020 d'une hépatite B qui s'est aggravée récemment et qu'il bénéficie d'un traitement médicamenteux quotidien par administration de Tenofovir 245 mg, est suivi médicalement par des spécialistes et a déposé courant 2024 une demande de titre de séjour à raison de son état de santé. Toutefois, outre que les pièces qu'il produit, et notamment des certificats médicaux, tous postérieurs à l'arrêté attaqué, ne permettent pas d'estimer que la pathologie dont il souffre l'exposait, en l'absence de soins, et à la date de l'arrêté attaqué, à des conséquences d'une exceptionnelle gravité, les autres documents qu'il produit, pour la plupart généraux et anciens, extraits de " Guinea Ministry of Health, 2015 " " Le djely.com, 2016 ", " Tropical Medicine et International Health, 2016 ", " The Journal of Infection in Developing Countries, 2016 " et du " Rapport Asylos Guinea : Access to treatment ", ne permettent pas davantage de considérer que l'intéressé ne pouvait pas, à la date de l'arrêté contesté, bénéficier d'un traitement approprié à sa maladie en Guinée. Si le requérant produit également une liste des médicaments disponibles en Guinée, cette liste comporte bien un médicament comprenant du Tenofovir et le requérant admet qu'il est disponible dans les hôpitaux et dans les centres médicaux communaux. S'il fait encore valoir que selon cette liste, ce médicament n'est pas disponible en formulation 245 mg mais uniquement en formulation 300 mg, il n'apporte pas d'élément permettant de considérer que ce format médicamenteux ne peut pas s'adapter à la posologie de son traitement. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'abrogation de l'arrêté :
11. M. A... ne peut utilement demander au juge l'abrogation de l'arrêté du 10 août 2023 dès lors qu'il ne constitue pas un acte réglementaire mais une décision individuelle.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement combiné des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.
Le rapporteur,
Nicolas Normand
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00709